Cinq compositrices, oubliées de la Belle Epoque, réhabilitées

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Cinq compositrices, oubliées de la Belle Epoque, réhabilitées

Par
Hélène Couvert et Juliette Hurel
Hélène Couvert et Juliette Hurel
- Jean-Baptiste Millot

Cinq femmes compositrices du XXe siècle refont surface grâce à l'album piano/flûte de Hélène Couvert et Juliette Hurel édité chez Alpha Classic. Ces femmes faisaient pourtant partie des cercles de musique de l'époque, les œuvres ont été publiées, mais sont restées dans les placards.

Elles s'appellent Mel Bonis, Lili Boulanger, Clémence de Grandval, Cécile Chaminade et Augusta Holmès. Cinq françaises contemporaines de Bizet, de Wagner, de Lizt. Cinq compositrices qui renaissent grâce au travail de recherche de Claire Bodin qui dirige le Festival Présences Féminines de Toulon et qui a aiguillé la flûtiste Juliette Hurel vers ces œuvres. 

Ces femmes étaient admirées par les grands compositeurs. Certaines ont étudié avec Camille Saint-Saëns, Frédéric Chopin ou César Franck. Toutes ont joué un rôle important dans la vie musicale française dans les années 1900. La comédienne Julie Depardieu, les musiciennes Juliette Hurel et Hélène Couvert vous convient à un concert dédié aux femmes le 6 avril 2020 à 20h30 au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris pour entendre ces compositrices. 

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Mel Bonis (1858-1937)

De son vrai nom Mélanie Hélène Bonis, cette compositrice avait bien compris qu'il lui fallait prendre un pseudonyme pour exister dans un milieu masculin. Mel s'est cachée toute sa vie. Ses parents lui arrangent un mariage avec un riche industriel plus âgé qu'elle. En cachette, elle vit avec son amant Amédée Hettich, lui aussi musicien. Ils travaillent ensemble : elle compose des mélodies et des chœurs sur les textes du poète et il l'aide à faire valoir sa musique tout en lui ouvrant les portes des grands éditeurs parisiens. Ils auront une fille dont l'existence restera secrète. Elle est membre de la Société nationale de musique de 1899 à 1911 et y occupe le poste de secrétaire à partir de 1910 – une première pour une femme.

Cécile Chaminade (1857-1944)

Toute petite, Cécile fait la connaissance de George Bizet qui la surnomme "mon petit Mozart". Le compositeur l'encourage à se présenter au Conservatoire, même si son père voit tout cela d'un mauvais œil. "Dans la bourgeoisie les filles sont destinées à être épouses et mères", dit-il. Elle reçoit néanmoins les encouragements d'autres compositeurs dont Camille Saint-Saëns et compose environ 150 mélodies dans le style de salon. Elle devient aussi une très grande concertiste. Elle est adulée à Angleterre, où elle est plusieurs fois invitée par la reine Victoria à séjourner dans son château de Windsor.

Lili Boulanger (1893-1918)

Elle est issue d'une grande famille de musiciens. Son père, le compositeur Ernest Boulanger a reçu le premier grand prix de Rome en 1835. Sa mère, la princesse Raïssa Ivanovna Mychetsky est une cantatrice russe. Et sa grande sœur, Nadia, a été pendant plus de 70 ans l'une des plus grandes professeures de composition qui a compté parmi ses élèves George Gershwin, Leonard Bernstein et Michel Legrand. Dès 6 ans, Lili sait déchiffrer une partition. Malgré la maladie et une tuberculose intestinale, elle ne cesse de composer. À 21 ans, elle part pour l'Italie rejoindre les lauréats du prix de Rome à l'Académie de France à la Villa Médicis. Elle fonde avec sa sœur Nadia la Gazette des classes de composition du Conservatoire, qui permet aux musiciens engagés dans la guerre d'échanger des nouvelles. Elle meurt à 24 ans en 1918.

Augusta Holmès (1847-1903)

Augusta composé à 14 ans sa première œuvre, La Chanson de chamelier. Comme Mel Bonis, elle utilise au début de sa carrière un pseudonyme masculin pour publier ses premières partitions sous le nom d'Hermann Zenta. Elle montre ses compositions à Franz Liszt et elle étudie auprès de César Franck. Camille Saint-Saëns la demande plusieurs fois en mariage, mais elle refuse et préfère entretenir une liaison avec le poète Catulle Mendès. En 1889, elle compose une Ode triomphale pour célébrer le centenaire de la Révolution française.

Clémence de Grandvale (1828-1907)

Camille Saint-Saëns a dit d'elle à propos de ses mélodies : "Elles seraient certainement célèbres si leur auteur n'avait le tort, irrémédiable auprès de bien des gens, d'être femme". C'est pourtant auprès de ce compositeur qu'elle se forme, mais aussi avec Frédéric Chopin. Clémence prend aussi des pseudonymes, mais à la différence de Mel Bonis et Augusta Holmès, ce sont des noms féminins : Caroline Blangy, Clémence Valgrand ou encore Maria Felicita de Reiset. Cantatrice, elle compose une soixantaine de mélodies et reçoit en 1860 le prix de composition musicale Chartier.

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