L'Arche a révélé, samedi 22 février, les résultats de l'enquête interne réalisée par un organisme indépendant, et initiée au printemps dernier, quelques semaines avant la mort de son fondateur Jean Vanier, décédé le 7 mai 2019, à l'âge de 90 ans.

Six femmes abusées

L'organisme catholique, qui accueille dans 38 pays des personnes handicapées mentales, dévoile ainsi le passé coupable de son fondateur évangéliste. L'enquête a permis de recueillir les témoignages "sincères et concordants, portant sur la période 1970-2005", de six femmes adultes, abusées sexuellement et spirituellement par Jean Vanier.

Ces femmes, "sans lien entre elles", précise le communiqué publié sur le site de l'Arche France - l'international est temporairement hors-ligne -, "rapportent des faits similaires, associés à un discours supposément spirituel ou mystique destiné à les justifier".

Des femmes vulnérables manipulées 

"Ces agissements indiquent une emprise psychologique et spirituelle de Jean Vanier sur ces femmes et soulignent son adhésion à certaines des théories et pratiques déviantes du père Thomas Philippe", poursuit l'Arche France. Le prêtre dominicain français Thomas Philippe a été condamné par le Vatican pour des déviances doctrinales dès les années 50.

Plusieurs des femmes abusées ont déclaré qu'elles étaient vulnérables à l'époque des faits, "parfois à cause d’un passé familial difficile, ou bien parce qu’elles étaient en recherche d’une figure paternelle, ou d’admiration et de reconnaissance, ou qu’elles cherchaient une direction spirituelle", précise l'enquête. "Jean Vanier en était conscient", accablent les investigations.

"Ce n’est pas nous, c’est Marie et Jésus. Tu es choisie, tu es spéciale, c’est un secret", osait-il, selon les témoignages recueillis. Ou encore : "C’est Jésus qui t’aime à travers moi."

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L'enquête n'a cependant pas identifié de personnes en situation de handicap parmi les victimes.

Le choc pour tous ceux qui l'érigeaient en modèle

De telles révélations ont provoqué une onde de choc dans l'association, plus généralement chez les catholiques qu'il inspirait, comme Mère Teresa ou l'Abbé Pierre avant lui. 

" Pour beaucoup d’entre nous, Jean (Vanier, ndlr) a compté parmi les personnes que nous avons aimées et respectées le plus", écrivent les responsables de L’Arche Internationale, Stephan Posner et Stacy Cates Carney, dans une lettre adressée aux membres de l'organisation, le 22 février 2020. "Nous mesurons le trouble et la douleur que ces informations vont provoquer chez beaucoup d’entre nous, à l’intérieur de L’Arche, mais aussi à l’extérieur… tant il aura inspiré et réconforté de nombreuses personnes partout dans le monde."

Nous allons [...] devoir faire le deuil d’une certaine vision que nous pouvions avoir de lui ainsi que de nos origines

Mais les responsables actuels condamnent sans aucune ambiguïté. "Nous sommes bouleversés par ces découvertes et nous condamnons sans réserve ces agissements en totale contradiction avec les valeurs que Jean Vanier revendiquait par ailleurs." Ils poursuivent, fermement : "Si le bien considérable qu’il fit tout au long de son existence n’est pas mis en question, nous allons cependant devoir faire le deuil d’une certaine vision que nous pouvions avoir de lui ainsi que de nos origines."

De son côté, Pierre Jacquand, responsable France de l’Arche, a confié au l'hebdomadaire chrétien La vie son état de sidération. "L’écart est si vertigineux entre l’homme que j’ai connu et celui que je découvre… Je lutte pour accepter, alors même que je sais les faits indiscutables."