Une Marianne violette accrochée à un mur et une odeur de peinture qui flotte encore dans l’air. Bienvenue à la Cité Audacieuse, au 9, rue de Vaugirard, dans le sixième arrondissement de Paris. A deux pas du jardin du Luxembourg et du Sénat - le symbole est là - cette ancienne école a subi un sérieux ravalement de façade. Il y a un an, Anne Hidalgo nous confiait la création « d’un lieu inédit en France dédié aux femmes et construit par elles. » C’est la rencontre d’Anne-Cécile Mailfert, la présidente de la Fondation des femmes, et d’Hélène Bidard, ajointe à la maire de Paris en charge de l’égalité femmes-hommes, qui a permis à ce projet qui « traînait dans les cartons depuis 2001 » de voir enfin le jour. L’idée ? Imaginer « le premier lieu dédié au rayonnement des droits des femmes en France ». Avec un slogan tout trouvé : « Liberté, égalité, sororité ».

« Liberté, égalité, sororité »

Concrètement, vous pourrez pousser les portes de la Cité Audacieuse, vous poser au café associatif et citoyen situé au rez-de-chaussée et assister à tout un tas d’événements organisés par des associations de défense des droits des femmes. En avril, Pénélope Bagieu viendra parler de ses « Sacrées Sorcières » (sa bande dessinée adaptée du roman de Roald Dahl), en mai vous pourrez assister à un dialogue entre les historiennes Mona Ouzouf et Michelle Perrot, mais aussi rencontrer des femmes cheffes d’orchestre ou réfléchir à la condition des femmes en prison. L’association Excisions parlons-en mettra en place des formations tous les mois, Loba poursuivra ses ateliers de danse thérapie et Parents & Féministes annonce des groupes de parole. Ateliers d’écriture ou cours de yoga seront aussi au programme. Avec un seul leitmotiv : le féminisme et l’égalité femmes-hommes.

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© E. Poyard

Mardi 3 mars, c’est Anne-Cécile Mailfert qui nous fait visiter les mètres carrés. Elle se dit « très heureuse et très fière » de voir la Cité Audacieuse ouvrir ses portes. Et revient sur la genèse du projet : « Quand nous avons lancé la Fondation des Femmes il y a quatre ans, nous avons fait le constat qu’il y a beaucoup d’énergie dans le discours mais un cruel manque de moyens pour les droits des femmes. » En 2016, la Fondation publiait d’ailleurs un rapport intitulé « Où est l’argent pour les droits des femmes ? » La force de la Fondation des femmes, c’est justement d’apporter « un soutien financier, juridique et matériel » aux associations en collectant des fonds auprès des particuliers. Fin 2019, c’est ainsi 1 million d’euros qui a été levé. On le sait, les loyers (et notamment à Paris) sont extrêmement élevés pour des associations qui font un boulot de dingue mais peinent à obtenir des subventions. La Cité Audacieuse va donc les accueillir à demeure. Des espaces de travail partagés sont installés au premier étage, où 19 associations vont plancher à plein temps. On y trouve déjà Règles élémentaires qui lutte contre la précarité menstruelle, le collectif 50 / 50 (pour la parité dans le cinéma), Femix’Sports ou encore l’Union régionale Solidarité Femmes Ile-de-France qui accompagne sans relâche les femmes victimes de violences conjugales. Au deuxième étage, un studio de podcast a mis en place par « La Poudre ». L’idée ? « Que tout ce qui se passe à la Cité Audacieuse rayonne à l’extérieur ».

« Une étape supplémentaire dans le combat des femmes »

« Nos combats ont l’air si souvent précaires, nos victoires si fragiles, qu’avoir un lieu physique au centre de Paris est une étape supplémentaire dans le combat féministe », insiste Anne-Cécile Mailfert. « Cela fait du bien de pouvoir se poser quelque part, "d’avoir une chambre à soi" comme disait Virginia Woolf ».

Un engagement porté par des mécènes aussi, les principaux étant les galeries Lafayette et la Fondation Saint-Gobain. D’ailleurs, ces dernières semaines, une cinquantaine de salariés des deux entreprises ont décidé de donner un coup de main et sont venus participer aux travaux. Des travaux justement pensés par un collectif d’architectes féministes (Mémo, qui se mobilise pour l’équité dans la maîtrise d’œuvre et comprend aussi des urbanistes ou des paysagistes). Il faut aussi citer le travail du cabinet Genre et Ville qui souhaite repenser les territoires de manière intersectionnelle. Et puis, c’est important aussi, le second œuvre a été réalisé par des femmes en insertion. Dans la cour où se jouait auparavant la récré des enfants devrait d’ailleurs pousser prochainement un coin nature, à la croisée des chemins entre écologie et féminisme.

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De gauche à droite : Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du Comité d'Orientation de la Cité Audacieuse, Julie Gayet, ambassadrice de la Fondation des Femmes, Frédérique Chemaly, directrice des ressources humaines et du développement durable des Galeries Lafayette et Fabienne Grall, directrice de la Fondation Saint-Gobain. © Romuald Meigneux/Sipa

Il faut le souligner : tout a été très bien pensé (il y a même des espaces pour les enfants) et de nombreux projets devraient bouillonner. Sylvie Pierre-Brossolette, devenue Présidente du Comité d’Orientation de la Cité Audacieuse rappelle d’ailleurs avec force le fil conducteur : « Favoriser les synergies car on est toujours plus fortes à plusieurs ».  Julie Gayet, ambassadrice de la Fondation des Femmes, insiste aussi sur l’idée de « passer le relais » et de « s’unir pour aller plus loin ». Et puis pourquoi pas, dans quelques années, installer une crèche ou un Planning Familial au sein de la Cité Audacieuse ? L’aventure ne fait que débuter.