Avorter en confinement : accès à l'IVG, solutions, délais modifiés et N°Vert

Après l'appel de nombreuses associations à allonger les délais de recours à l'IVG, le ministre de la Santé Olivier Véran a décidé d'assouplir les conditions pour pouvoir effectuer la procédure, en invoquant le motif de "détresse psychosociale".

Avorter en confinement : accès à l'IVG, solutions, délais modifiés et N°Vert
© Aleksandr Davydov/123RF

[Mis à jour le lundi 27 avril à 13h30] Dans un courrier adressé le 23 avril à plusieurs associations et parlementaires, dont la sénatrice Laurence Rossignol, le ministre de la Santé Olivier Véran a indiqué que les procédures d'avortement chirurgical pourraient être pratiquées au-delà du délai légal de 12 semaines de grossesse, à la condition que les médecins invoquent le motif de "détresse psychosociale" pour les femmes souhaitant interrompre leur grossesse.

Olivier Véran entend "s'assurer que toutes les femmes puissent trouver une solution d'accès à l'IVG pendant cette période".
Néanmoins, cet assouplissement des règles en vigueur ne correspond pas à la demande des associations, qui espéraient un allongement de deux semaines de la fenêtre légale. Le ministre de la Santé a jugé que ce "sujet de société" était "trop important pour être traité dans l'urgence".
La mesure n'est pas passée auprès de certains élus, qui considèrent que le gouvernement profite de la crise sanitaire pour passer outre des questions éthiques.

Un allongement des délais pour recourir à l'avortement médicamenteux

La décision du ministère de la Santé intervient deux semaines après que les délais de recours à l'avortement médicamenteux ont été allongés jusqu'à la septième semaine de grossesse (ou neuf semaines d'aménorrhée, date des dernière règles).
"Eu égard à la situation sanitaire (…), les interruptions volontaires de grossesses pratiquées par voie médicamenteuse par un médecin ou une sage-femme peuvent être réalisées jusqu'à la fin de la septième semaine de grossesse (ou neuf semaines d'aménorrhée, date des dernières règles), dans le respect du protocole établi par la Haute Autorité de Santé publié sur son site internet", précise l'arrêté.

Selon l'Obs, la Haute Autorité de Santé (HAS) a été saisie en urgence par le gouvernement après le signal d'alarme lancé par les associations. L'institution aurait validé la mesure le 10 avril, en appuyant "la nécessité de garantir le droit des femmes à l'IVG durant la période d'épidémie de Covid-19 en évitant autant que faire se peut d'aller en établissement de santé ".

La décision est intervenue deux semaines après que les premières craintes des professionnels de santé aient été formulées.

"L'avortement est un soin d'urgence" 

Dans une interview accordée à France Info le 2 avril, la co-présidente du Planning familial, Sarah Durocher, a rappelé que la continuité des services de l'IVG était indispensable malgré la crise sanitaire actuelle : "Beaucoup de femmes et de personnes pensent qu'elles n'ont pas accès à l'avortement, avec le message 'Ne sortez pas de chez vous'. Il faut rappeler que l'avortement est un soin d'urgence. Cela fait partie des soins auxquels les personnes ont accès, même dans cette période qui est compliquée pour tout le monde."

Pour permettre l'accès de l'IVG à toutes les femmes qui le souhaitent, le Planning Familial plaide pour un allongement des délais de recours à 16 semaines d'aménorrhée (à partir des dernières règles), soit 14 semaines de grossesses :"Nos craintes, c'est le fait que les femmes aient des rendez-vous repoussés et que, du coup, elles dépassent le délai français, qui est de 14 semaines [après la fin des dernières règles]. (...) C'est une des revendications que l'on porte également puisque l'on souhaite que ce soit repoussé à 16 semaines d'aménorrhée", a ajouté Sarah Durocher. 

Délais allongés, réflexion non obligatoire : ce que les médecins réclament

Dans une tribune publiée dans Le Monde le 31 mars, plus d'une centaine de professionnels de l'IVG ont appelé à modifier les conditions de l'avortement, pour garantir son accès à toutes les femmes. "L'épidémie due au coronavirus que nous traversons met à l'épreuve notre système de santé et en révèle cruellement les failles", écrivent les auteurs de la tribune.
Selon les médecins qui ont signé le texte, les mesures adoptées pour lutter contre la crise sanitaire du Covid-19 ont fait apparaître trois problèmes qui menacent le droit à l'avortement en France : le manque de personnel pour pratiquer les procédures, la limitation des déplacements et l'aggravation des violences conjugales et familiales qui ne permettent pas aux femmes d'aller chercher l'aide dont elles ont besoin.

Pour permettre aux femmes, mineures ou non, de pouvoir interrompre une grossesse dans cette période de crise, ces derniers ont réclamé au gouvernement des aménagements spécifiques sur les modalités et délais d'avortement.

  • L'autorisation de l'avortement par voie médicamenteuse à domicile et jusqu'à la septième semaine de grossesse, pour limiter l'engorgement des services hospitaliers.
  • Pour limiter les déplacements, les médecins demandent que les jeunes filles mineures puissent se passer du délai de réflexion de 48h et bénéficier de l'IVG dès la première consultation.
  • Pour éviter les retards de diagnostic ou les demandes hors-délai, les auteurs réclament que les procédures chirurgicales d'IVG soient autorisées jusqu'à la 14e semaine de grossesse, à titre exceptionnel (au lieu de 12).

En plus du soutien de personnalités politiques comme Roselyne Bachelot ou Anne Hidalgo, les signataire se sont dit prêts à se mettre "hors-la-loi appliquer ces trois mesures."

Le gouvernement se veut rassurant

Le 23 mars, le gouvernement avait répondu aux associations qui avaient lancé l'alerte sur les conditions d'avortement pendant la période de confinement. "Les interruptions de grossesse sont considérées comme des interventions urgentes par le ministère des Solidarités et de la Santé. Leur continuité doit être assurée", avaient déclaré le ministre de la Santé Olivier Véran et la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa.

Le gouvernement a assuré que des points réguliers seraient faits par "les services de l'État" avec "les soignants et le tissu associatif", et que la contraception d'urgence serait toujours disponible sans ordonnance.

Quelles sont les démarches pour avorter en période de confinement ?

Pour les femmes mineures ou non qui souhaitent interrompre une grossesse, l'IVG est possible en France jusqu'à la douzième semaine de grossesse.

  • Il faut d'abord contacter le planning familial le plus proche, par téléphone ou en se rendant sur place. Ces établissement proposent des consultations en préservant l'anonymat, et peuvent fournir des informations sur l'IVG comme sur d'autres sujets tels que les violences conjugales.
  • Le site internet www.ivglesadresses.org recense les lieux où les femmes peuvent avoir recours à un IVG. Même si certains établissements ne peuvent plus proposer de consultations, des conseillers et conseillères sont joignables par téléphone et peuvent orienter les intéressées.
  • Même en période de confinement, les centres de planification restent majoritairement ouverts. Pour obtenir une consultation, il est possible de se rendre sur place mais également de recourir à la télémédecine. Dans le cas d'un avortement médicamenteux, le médecin prescrit un bilan sanguin, une échographie et un rendez-vous pour la prise des médicaments. Pour un avortement chirurgical, le professionnel de santé prescrit un bilan sanguin et un rendez-vous dans une structure spécialisée ou un hôpital.

Le numéro vert de l'IVG est toujours disponible : 0800 08 11 11