Abo

covid-19Sonia Krimi : "Intégrons les jeunes LGBT+ aux dispositifs pour les femmes victimes de violences"

Par Timothée de Rauglaudre le 20/04/2020
Sonia Krimi

Dans une lettre, Sonia Krimi et cinquante autres députés ont interpellé Marlène Schiappa sur la situation des jeunes LGBT+ pendant le confinement. La députée LREM de la Manche a répondu aux questions de TÊTU.

C'est un témoignage glaçant que Guillaume Mélanie, coprésident de l'association Urgence Homophobie, a relayé dimanche 5 avril sur Twitter. Celui de "Damir", un jeune homme de 21 ans, habitant dans le sud de Lyon, "victime de violences psychologiques homophobes abjectes et humiliantes par son père et les jeunes de sa cité". À la suite de cet appel à l'aide, une mobilisation a permis de lui trouver une solution d'urgence pour fuir son environnement homophobe.

C'est en réaction à cette situation que Sonia Krimi, députée de la Manche, figure de proue de l'aile gauche du groupe LREM à l'Assemblée nationale qui s'est notamment distinguée pour ses prises de position contre le durcissement de la politique migratoire du gouvernement, a décidé d'adresser, vendredi 10 avril, une lettre à la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations Marlène Schiappa. Avec cinquante autres députés, dont Laurence Vanceunebrock-Mialon, Jean-Louis Touraine, Raphaël Gérard (LREM), mais aussi Maxime Minot (LR) ou encore Bastien Lachaud, Loïc Prudhomme (LFI) et Marie-George Buffet (PCF), elle interpelle la ministre sur les "détresses et besoins liés à l'assistance des jeunes LGBT+" dans le contexte de la pandémie de Covid-19.

Depuis, la députée de la Manche a porté à l'Assemblée nationale un amendement visant à mettre en place sa proposition phare, qu'elle nous explique dans cette interview : "Renforcer exceptionnellement la prise en charge et l’hébergement d’urgence des jeunes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT+) dans le cadre de la crise sanitaire". Une mesure qui serait financée en redirigeant "les crédits destinés à l’urbanisme et l’aménagement plus particulièrement les opérations d'intérêt métropolitain en raison de de la diminution et l’arrêt des autorisations d’urbanisme". Jeudi 16 avril, le gouvernement a émis un avis défavorable et l'amendement a été retiré. Quelques heures avant le vote, Sonia Krimi a répondu aux questions de TÊTU.

Pourquoi avoir décidé d'adresser cette lettre à Marlène Schiappa ?

Sonia Krimi : L'élément déclencheur a été ce qui s'est passé à côté de Lyon. Après les difficultés rencontrées par un jeune homme dans l'agglomération lyonnaise, la mobilisation d'élus et de la société civile LGBT+ a permis d'apporter une solution d'hébergement d'urgence et un accompagnement adéquat, à un moment où on nous dit qu'il n'y a pas suffisamment d'argent. C'est extrêmement violent d'obliger son fils à regarder des films pornographiques hétérosexuels et à se masturber en face. C'est une violence sexuelle et un traumatisme. Cet homme a agressé sexuellement son enfant.

À LIRE AUSSI : Le confinement réveille les angoisses des personnes LGBT+

Le confinement amplifie le sentiment de danger pour les jeunes enfermés dans ces familles homophobes. Ils sont privés de ces moments de répits où ils peuvent sortir, respirer, voir leurs amis, aller à l'école. C'est Omar Didi, président du MAG Jeunes LGBT, qui m'a interpellée sur la situation, et j'ai commencé à creuser. Je me suis dit qu'il serait intéressant d'étendre aux jeunes LGBT+ les politiques publiques à destination des femmes victimes de violences en cette période de crise, quitte à pérenniser le dispositif par la suite.

C'est-à-dire ?

À ce jour, l'hébergement d'urgence des jeunes LGBT+ n'est assuré que par un acteur de la société civile : Le Refuge. C'est une association qui fait un travail formidable, mais aujourd'hui il apparaît qu'il n'existe pas d'alternative en termes d'hébergement et d'accompagnement. On devrait essayer de multiplier les dispositifs, ce n'est pas normal que, quand il n'y a pas d'antenne du Refuge dans une ville, on se retrouve sans rien en face. À Cherbourg, par exemple, dans ma circonscription, une antenne du Refuge a ouvert juste avant le confinement mais elle n'a pas encore de local. D'autant plus que des associations comme Le Refuge mais aussi Le MAG Jeunes LGBT gèrent beaucoup de monde avec des moyens qui stagnent voire baissent.

Quelles solutions proposez-vous ?

Il faut intégrer les jeunes LGBT+ dans les dispositifs prévus pour les femmes victimes de violences en cette période de Covid-19. Le 115, mais aussi le 119, le numéro pour l'enfance en danger, ne sont pas vraiment adaptés aux jeunes LGBT+. Quand vous appelez le 115, je vous souhaite énormément de courage pour trouver une place d'hébergement. Les jeunes LGBT+ ne sont pas toujours des mineurs, on ne peut pas forcément non plus les héberger avec des sans-abris. C'est un entre-deux et il y a un vrai vide.

Les violences faites aux femmes sont un sujet que je connais très bien. Aujourd'hui, il y a plusieurs entrées pour faciliter l'accès des femmes victimes de violences aux plateformes, à l'hébergement d'urgence, à l'accompagnement. On peut envoyer un SMS au 114, appeler le 3919. Il y a des écoutantes formées pour écouter les femmes victimes de violences puis les orienter. Pour moi, les jeunes LGBT+ sont un public qui peut entrer dans cette case.

En plus d'augmenter le nombre de nuitées partout sur le territoire, je demande à ce qu'on intègre les jeunes LGBT+ dans ces dispositifs, qu'on traite leurs spécificités, et pourquoi pas généraliser cela dans le futur. On ne peut pas toujours gérer la situation au cas par cas comme on l'a fait pour ce jeune dans l'agglomération lyonnaise. Il faut mettre en place des protocoles. C'est à ça qu'on reconnaît les grandes nations : c'est quand on ne va pas bien, comme en ce moment, qu'on doit multiplier nos solidarités. Je suis d'origine tunisienne. À chaque fois que j'agis en France, j'ai toujours une pensée pour les jeunes LGBT+ en Tunisie et ailleurs. Le monde entier nous regarde. Il faut que nous soyons exemplaires sur ces sujets-là.

À LIRE AUSSI : Jean-Marc, 63 ans, à la retraite et confiné : “le plus dur, c’est la solitude”

Crédit photo : Page Facebook de Sonia Krimi