Coronavirus

Coronavirus : des femmes en détresse hébergées au Parlement européen, "Ici on est respectées et écoutées"

"Adeline", dame sans-abri depuis le mois de janvier, est désormais accueillie et logée dans les locaux du Parlement européen dans le cadre de la crise du Covid-19.

© RTBF – 30 avril 2020

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Par A. Didier, avec C. Hick et M. Baele

"Adeline" (prénom d'emprunt) et son mari se sont retrouvés à la rue en janvier, bloqués par des problèmes dans leur vie et acculés à cause de soucis familiaux. Dans un premier temps, ils survivent en dormant dans le métro, puis ils frappent à la porte d'un CPAS et à celle du Samu social pour bénéficier d'un hébergement de jour, parfois de nuit. 

Mais depuis le début du confinement et de la pandémie du Covid-19, tout est chamboulé. "Avant le confinement, il y avait les centres de jour, qui permettaient de se poser, de prendre une douche, de recevoir à manger. Ces centres devraient rouvrir, mais bon… Ce sont des petites structures, comment ils vont faire ? Accueillir 5 personnes et puis demander aux gens de partir ?" 

Dans cette crise, on n’a pas pensé aux sans-abri.

Vivre dans la rue est devenu extrêmement compliqué ces dernières semaines, témoigne-t-elle. "Dans cette crise, on n’a pas pensé aux sans-abri […] Avec le confinement, on est obligés de bouger tout le temps, avec mon mari, on fait 15 kilomètres par jour, les policiers nous disent "vous devez bouger tout le temps." A la fin de la journée, on était épuisés." Adeline a eu de la "chance", elle a pu trouver une place dans un centre du Samu social désormais ouvert 24h/24. Son mari par contre est toujours à la rue. "Malheureusement pour lui et contrairement à moi, il n'a pas de problèmes de santé", ironise-t-elle. 

Le bâtiment Kohl du Parlement européen, qui accueille cent femmes en détresse dans le cadre de la crise du Covid-19 à partir de ce mercredi, en collaboration avec le Samu social de Bruxelles.
Le bâtiment Kohl du Parlement européen, qui accueille cent femmes en détresse dans le cadre de la crise du Covid-19 à partir de ce mercredi, en collaboration avec le Samu social de Bruxelles. © RTBF – 30 avril 2020

Hébergée au Parlement européen

C’est pour répondre en partie à cette précarité plus forte des sans-abri que le Parlement européen accueille depuis ce mercredi cent femmes en détresse dans l’un de ses bâtiments à Bruxelles, le bâtiment Kohl.

C’est le président du Parlement européen, l’Italien David Sassoli, qui a lancé cette initiative. "Nous sommes tous impliqués dans une urgence qui touche à la vie des gens. A Bruxelles, il y a beaucoup de douleur en ce moment […] Je crois que cette crise doit nous pousser nous tous, et aussi les institutions, à donner le bon exemple."

Je crois que cette crise doit nous pousser tous, et aussi les institutions, à donner le bon exemple.

David Sassoli avait déjà proposé il y a quelques semaines de mettre à disposition un des bâtiments du Parlement comme hébergement provisoire pour les personnes dans le besoin. Les cuisines de l’institution ont aussi été mises à disposition. "Nous utilisons nos cuisines pour fournir 1000 repas par jour pour les associations au service des sans-abri. Nous sommes en rapport avec elles depuis longtemps et naturellement en ce moment je crois que c’est très utile", ajoute le président du Parlement.

Le bâtiment Kohl du Parlement européen, qui accueille cent femmes en détresse dans le cadre de la crise du Covid-19 à partir de ce mercredi, en collaboration avec le Samu social de Bruxelles.
Le bâtiment Kohl du Parlement européen, qui accueille cent femmes en détresse dans le cadre de la crise du Covid-19 à partir de ce mercredi, en collaboration avec le Samu social de Bruxelles. © RTBF – 30 avril 2020

Adeline se dit contente de bénéficier de cet hébergement. Ici, comme au Samu social, "on est très respectés", "écoutés" et "pas jugés". Les femmes sont logées dans des chambres seules ou à deux maximum par chambre. "Au Samu social, on a l’habitude d'être à 3 ou 6 par chambre. Le fait ici de se retrouver avec une certaine intimité, c’est quelque chose. En plus c’est un endroit très propre, très beau. Les gens ici sont d’une gentillesse. Ils sont là pour nous aider […] On a la chance d’avoir le parc juste en face".

Mon mari, pour l’instant, il est à la rue

Par contre, elle déplore le fait que les hommes sont plus oubliés que les femmes. "Mon mari, pour l’instant, il est à la rue" et sans revenu. En faisant la manche, il a tout de même réussi à lui apporter un petit brin de muguet et une rose. La seule décoration pour l'heure dans la chambre d'Adeline.

Survivre en rue est devenu très compliqué désormais. "Depuis le confinement, les gens sortent moins, les associations donnent moins de repas, la vie est plus difficile. C’est moins sécurisant, il y a plus de bagarres de rue".

Un bureau transformé en chambre dans le bâtiment Kohl du Parlement européen, qui accueille cent femmes en détresse dans le cadre de la crise du Covid-19 à partir de ce mercredi, en collaboration avec le Samu social de Bruxelles.
Un bureau transformé en chambre dans le bâtiment Kohl du Parlement européen, qui accueille cent femmes en détresse dans le cadre de la crise du Covid-19 à partir de ce mercredi, en collaboration avec le Samu social de Bruxelles. © Tous droits réservés

L’initiative de l'accueil au Parlement européen est menée en collaboration avec le Samu Social de Bruxelles. Pour Sébastien Roy, son Directeur général, "On manquait de structures spécifiques aux femmes". Pour lui, ce genre d’endroit "permet de créer un sentiment de sécurité" tout en offrant un suivi médical et psychologique. Selon lui, la collaboration avec le Parlement européen est excellente. Le centre d’accueil a été mis en place en une semaine. "C’est inédit mais ça fonctionne bien".

On a beaucoup de cas de femmes tombées à la rue depuis le début du confinement.

Il le rappelle, comme nombre d’associations d’aide aux femmes en détresse, "On a beaucoup de cas de femmes tombées à la rue depuis le début du confinement à cause de violences domestiques qui ont tendance à augmenter."

Un Parlement plus proche des citoyens ?

L’initiative vise certainement également à rendre le Parlement européen plus proche des citoyens. Le Directeur général du Samu Social salue d’ailleurs "la volonté de se reconnecter aux réalités des gens" du Parlement.

Néanmoins, si la volonté du président est là, "Nous avons un rapport fort avec certaines associations de volontariat de Bruxelles, à qui nous fournissons des repas excédentaires tous les jours pour les sans-abri", dans la réalité, les institutions européennes apparaissent encore comme trop éloignées de la population.

Quand ils disent qu’ils vont débloquer des milliards… Ils vont les trouver où ?

C’est en tout cas l’avis d’Adeline, désormais hébergée dans les locaux européens. "Ça m’amuse, j’ai travaillé pendant des années pour les institutions européennes, ce sont des bâtiments que je connais […] mais ça devrait être plus ouvert, ces institutions européennes". Pour elles, les représentants "devraient adapter leur discours à des gens comme vous et moi. Quand ils disent qu’ils vont débloquer des milliards… Ils vont les trouver où ?"

"Adeline" dans sa nouvelle chambre, dans le bâtiment Kohl du Parlement européen, qui accueille cent femmes en détresse dans le cadre de la crise du Covid-19 à partir de ce mercredi, en collaboration avec le Samu social de Bruxelles.
"Adeline" dans sa nouvelle chambre, dans le bâtiment Kohl du Parlement européen, qui accueille cent femmes en détresse dans le cadre de la crise du Covid-19 à partir de ce mercredi, en collaboration avec le Samu social de Bruxelles. © RTBF - 30 avril 2020

Et après ?

Combien de temps ces femmes resteront-elles en sécurité ? Adeline savoure son nouveau foyer : "Ici c’est un 4 étoiles, on a tout", mais elle sait aussi que ce n’est que provisoire. En ce qui la concerne, elle espère "se remettre en selle", redémarrer une vie dans un appartement et, avec son mari, retrouver un travail.

Plus largement, le directeur du Samu social s’interroge sur l’avenir dans les prochaines semaines des femmes précarisées. Comment "s’assurer qu’elles ne retombent pas à la rue" et disposent d’un niveau de qualité de vie suffisant ? Pour lui, cette crise est "une opportunité de repenser l’accueil" des plus précarisés.

 


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