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Au Mali, des femmes sont gavées de force pour des standards de beauté

par Céline Peschard ,
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La beauté est subjective, dit-on, mais pas dans certaines communautés au Nord du Mali où avoir un poids conséquent est le Graal. Dès leur plus jeune âge, des filles sont donc alimentées de force. Une pratique que dénonce une journaliste malienne.

"D’où je viens, à Tombouctou, les rondeurs sont synonymes de beauté et de grâce chez les femmes. Mais aussi, elles sont symboles de prospérité pour les familles. Aussi, beaucoup d’hommes sont généralement plus attirés par les femmes rondes avec des formes considérées comme gracieuses. Pour cette raison, les filles, dès leur jeune âge, sont gavées parfois sous le coup de la force. Elles sont obligées de manger le double de ce que leurs frères consomment.", témoigne Dedeou GASSAMBA, journaliste malienne, dans une tribune pour Benbere, une plateforme en ligne qui héberge les contributions de blogueurs maliens.

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Ses dires viennent mettre en lumière une norme nommée "gavage" des jeunes filles au Mali, plus précisément au Nord du pays. Selon la jeune femme, ce gavage ne serait pas seulement une question de beauté mais il impliquerait aussi le mariage des enfants. "Le gavage donne des airs d’adulte et laisse croire que la jeune fille, souvent encore mineure, est prête à se marier et fonder une famille.", explique-t-elle.

Pour Dedeou GASSAMBA, ces jeunes filles trouvent cela normal de manger de la sorte car elles sont éduquées dès l'enfance dans cette pratique. Et celles qui seraient contre sont "parfois malmenées."

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Une situation qui engendre un profond mal-être. "Lorsque je rentre chez moi pour y passer les vacances, la première des choses que mes proches remarquent, c’est que je n’ai pas grossi. Ils me demandent si je mange bien, ou si je mange tout court, à Bamako. Ils vont même jusqu’à penser que je souffre d’une maladie incurable. Souvent, je ne profitais pas bien de mes vacances, car je préférais rester à la maison. Dans un milieu où le gavage est la norme, j’évite de rencontrer le regard des gens et leurs critiques par rapport à mon physique.", raconte la jeune femme.

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Au fil de son papier témoignage, la citoyenne malienne déclare que des surnoms moqueurs sont employés pour dénommer les filles minces. Elle cite ainsi des mots en sonrhaï et dans d’autres langues, comme "dedji kourou" ("viande séchée"), "biri biri" ( "tas d’os"), "petites fesses" ("pèguèlè" ) en bamanakan, et "plaque Sida".

"Ça sera difficile pour toi de trouver un mari avec ce physique. Tu as l’air de quelqu’un qui est malade. Si tu ne grossis pas, aucun vêtement ne t’ira. Est-ce qu’on t’attache les mains à l’heure des repas, et donc tu ne manges pas ? ", lui lance-t-on dans la rue.

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Dedeou GASSAMBA insiste sur le fait que l’apparence physique ne définit pas l’état de santé d’une personne. Et elle observe que "l’obésité conduit souvent à des maladies comme le diabète et les problèmes de tension, qui, elles, peuvent déboucher sur un handicap à vie."

"Tout ce que l’on peut préconiser, c’est de développer sa confiance en soi, de s’aimer soi-même. Voici l’essentiel. Ce n’est qu’en s’aimant et en se valorisant que les autres seront obligés de nous respecter. Nous n’avons pas besoin de changer quoi que ce soit en nous, seulement parce que les gens ne sont pas satisfaits de ce qu’ils voient. L’essentiel est d’être en bonne santé. Car, quoi qu’il en soit, il y a toujours quelqu’un quelque part qui nous aime pour ce que nous sommes.", conclut-elle.

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"Le mariage de Vérida"

En septembre 2019 était sorti en France le premier film de la réalisatrice et documentariste italienne Michela Occhipinti "Le mariage de Vérida". Cette fiction évoquait déjà cette dure réalité qu'est le gavage des jeunes filles avant le mariage, mais dans la Mauritanie profonde.

Le pitch ? Vérida, une jeune mauritanienne doit se marier avec un inconnu que sa famille lui a trouvé. Comme le veut la tradition mauritanienne, Vérida va subir un gavage. Elle doit prendre 20 kg en deux mois à raison de 10 repas quotidiens jour et nuit pour remplir les exigences esthétiques de son futur époux et répondre aux normes sociales. Mais les 100 kg peinent à être atteints. Sa mère intensifie donc le gavage au nom de la coutume, de l'honneur de la famille et des générations de femmes qui ont connu le même traitement. Sa grand-mère lui assure même que lorsque son corps sera couvert de vergetures, elle sera magnifique.

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Des associations avaient salué ce long-métrage qui sensibilise l’opinion publique à ce genre de pratique.

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Céline Peschard
Journaliste société
Journaliste aimant la polyvalence que peut offrir son métier. Spécialisée dans le domaine historique, les sujets de société et les films d'auteur, sur fond de musique électronique. Cursus universitaire basé …