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Sexisme dans les grandes écoles : ce qu’il est encore possible de faire

La Conférence des grandes écoles vient de publier son premier livre blanc sur l’égalité femmes-hommes et tire un premier bilan des leviers d’action à mener dans les grandes écoles.

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33,8% des grandes écoles ont formalisé une stratégie pour l’égalité femmes-hommes. (iStock)
Publié le 9 juin 2020 à 07:01Mis à jour le 11 oct. 2021 à 16:32

Début 2013, la Conférence des grandes écoles (CGE) rédige une charte pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’enseignement supérieur. Sept ans plus tard, elle passe à la vitesse supérieure et publie son premier livre blanc sur la question. 124 pages qui dressent un état des lieux de la parité dans les grandes écoles françaises.

Premier axe d’importance : la mixité dans les effectifs et dans l’emploi des jeunes diplômés. Le taux moyen de féminisation des écoles de commerce atteint 48,9% et celle des écoles d’ingénieurs, 32,4%. Au total, 33,8% des établissements ont formalisé une stratégie pour l’égalité femmes-hommes.

Le bât blesse sur la partie des jeunes diplômés. Les femmes en activité professionnelle sont toujours moins nombreuses que les hommes, avec 3 points de moins. Elles sont aussi moins en CDI (77,9% versus 87,8% pour les hommes), moins souvent cadres (80,9% versus 89,7%), et moins rémunérées (38.000 euros brut annuels contre 41.400 euros brut annuels, primes et avantages inclus). 

Féminiser les directions

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Pour agir, la CGE appelle notamment à la féminisation des Comex et Codir. “Le soutien de la politique égalité par les cadres supérieurs et par toute personne occupant un poste décisionnel permet d’intégrer le changement de manière durable dans les processus et systèmes internes et de lutter plus efficacement contre les résistances individuelles ou institutionnelles”. Le livre blanc prend notamment l’exemple de l’un de ses membres, l’ENS Rennes qui a rattaché sa politique égalité directement à la vice-présidence de l’école, depuis 2014. 

La CGE requiert l’inscription de l’égalité dans les engagements et la stratégie des établissements. “Un changement de plan stratégique, un nouveau plan de formation, un changement de statut, une campagne de recrutement sont autant d’opportunités à saisir pour passer de la déclaration d’intention aux actes”, note le livre blanc, qui cite notamment le dispositif WoMen@GEM mis en place à l’école de commerce de Grenoble ou les engagements de HEC en tant qu’employeur (index égalité femmes-hommes dans le corps enseigant, plans d’action pour le recrutement). Le livre blanc relève que seules 15% des grandes écoles sont dirigées par des femmes. 

“Tolérance zéro”

Pour réellement progresser, la question de l’égalité femmes-hommes doit être bien plus qu’un cours en option pour les étudiants. La CGE préconise ainsi de rendre des cours de mixité obligatoires. A titre d’exemple, l’école d’ingénieurs de l’université de Strasbourg, ECPM, propose une formation “Stéréotypes et enjeux de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes” de six heures, obligatoire pour les élèves de première année. 

Et lorsque la prévention échoue, que les faits de sexisme sont bel et bien présent, la CGE appelle à “une politique zéro tolérance”, avec des mesures conservatoires, des sanctions “exemplaires” et surtout la mise en place d’une cellule d’écoute pour les victimes. Et il est vrai que les grandes écoles sont loin d’être épargnées : la dernière enquête du HCE, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et homme, considérait que les grandes écoles étaient des "bastions virilistes" et un "creuset du sexisme" vers le monde de l’entreprise.

Depuis la charte, les écoles se sont engagées à nommer un référent égalité au sein de leur établissement. Mais la CGE remarque que ce poste est rarement à temps plein. Et “[son] temps accordé aux activités égalité femmes-hommes est en moyenne de 20%”. Pour la Conférence, il convient ainsi plutôt de nommer un groupe de travail plutôt qu’un référent unique. 

Les étudiants, un vecteur de changement

Les étudiants se sont particulièrement illustrés ces dernières années à travers des associations et des mouvements lancés en interne. Parmi eux, on trouve “Paye ta fac” ou “Les salopettes” qui luttent contre le sexisme dans l’enseignement supérieur. De même avec des associations dédiées à la parité comme “HeForShe”, nées dans plusieurs écoles (Neoma, Essec, Kedge). Un mouvement qui “devrait s’amplifier dans les deux années à venir”, prédit la CGE. 

Enfin, une fois n’est pas coutume, c’est dès le plus jeune âge que ces questions doivent être abordées pour éviter au maximum les biais de genre. Le livre blanc cite en particulier le travail des associations d’alumni dans l'ingénierie, “Elles bougent”, “Femmes@numérique” ou encore “Femmes ingénieures” qui mènent chaque année des actions de sensibilisation auprès des lycéennes. 

La Conférence des grandes écoles dessine ainsi cinq axes de travail majoritaires : produire régulièrement un diagnostic sur l’égalité, formaliser une stratégie et un plan d’action pour l’égalité, transformer les écoles en modèle d’organisation égalitaires et inclusives, lutter contre les discriminations et enfin, favoriser les débats et les échanges sur la question de l’égalité femmes-hommes.

Camille Wong

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