Germaine Dulac, une cinéaste féministe et avant-gardiste oubliée

Germaine Dulac, cinéaste avant-gardiste.
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Germaine Dulac, cinéaste avant-gardiste - #CulturePrime
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Germaine Dulac, une cinéaste féministe et avant-gardiste oubliée

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Bien avant que les termes "féministes" et "female gaze" n'apparaissent, Germaine Dulac a montré à l'écran des histoires de femmes, de leur point de vue. Cette pionnière a aussi réalisé le 1er film surréaliste, inauguré les ciné-clubs et dirigé les Actualités Gaumont d'une main de maître.

Cinéaste de l'Entre-Deux-guerres méconnue de l'histoire du cinéma, la Française Germaine Dulac a pourtant été une cinéaste pionnière, radicale et libre. 

"Elle a déconstruit l’imagerie masculine d’une part, et donné une nouvelle manière de regarder les femmes, d’autre part. Tami Williams, professeure d'études cinématographiques

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Née en 1882 à Amiens, Germaine Saisset-Schneider grandit dans un foyer bourgeois mais se rebelle rapidement contre les valeurs capitalistes et militaires de sa famille. Malgré son homosexualité et ses convictions féministes, elle est forcée de se marier à un homme en 1905. Mais elle trouve dans le romancier socialiste Albert Dulac un partenaire de vie digne. 

Une histoire d'amour la mène au cinéma

C’est une fois mariée qu’elle développe ses idées politiques. Germaine Dulac dénonce la place des femmes, qui n’ont ni droit de vote ni autonomie financière. Elle travaille en tant que journaliste pour la presse féministe comme La Française, se spécialise dans l'écriture de portraits de femmes et de critiques de théâtre. Mais c’est une histoire d’amour avec l’actrice Stacia Napierkowska qui la mène au cinéma en 1912. 

L'actrice Stacia Napierkowska en 1921.
L'actrice Stacia Napierkowska en 1921.
© Getty

Le premier point de vue subjectif féminin dans un film

Dès sa première réalisation, Germaine Dulac se démarque : elle filme des corps libres, qui bougent en arabesques et suggèrent la libération des femmes. Elle écrit des scénarios où les femmes ont un point de vue et s’affranchissent des hommes.

Je pense effectivement qu’on peut voir ça comme un “female gaze”, rétroactivement. Ce que Germaine Dulac a fait dans ses films, c’était caricaturer la façon dont ses pairs masculins et ses prédécesseurs représentaient les femmes. (...) Dans “La Souriante Madame Beudet”, on voit Madame Beudet regarder son mari et éprouver du dégoût. De nombreux historiens voit ça comme le premier point de vue subjectif féminin développé dans un film entier. Tami Williams, professeure de Film Studies

Germaine Dulac renverse aussi les rôles traditionnels genrés en utilisant le travestissement notamment dans son film “L’invitation au voyage” en 1927. 

Elle utilise ce croisement pour créer non seulement un “female gaze” mais aussi pour créer ce que je pense être un “queer gaze”. On trouve des moments “queer” dans ses films. Tami Williams, professeure de Film Studies

"La Princesse Mandane" de Germaine Dulac (1928).
"La Princesse Mandane" de Germaine Dulac (1928).
- La Cinémathèque française

La cinéaste est aussi l’une des premières cinéastes à utiliser le film comme un vecteur d’art et de suggestion. Elle se démarque des scénarios qui s’inspirent du réel pour créer “une pure symphonie visuelle” faite de flous, de surimpressions et de déformations d’images. 

Son esthétique est qualifiée tour à tour d'impressionniste, de surréaliste et d’avant-gardiste. Avec “La Coquille et le Clergyman”, elle réalise en 1928, sur un scénario d’Antonin Artaud, le premier film surréaliste. Et ce, un an avant Luis Buñuel.

"Disque 957", de Germaine Dulac (1928)
"Disque 957", de Germaine Dulac (1928)
- La Cinémathèque française

Un cinéma accessible à toutes et tous

Germaine Dulac passe sa carrière à prouver que le cinéma est un grand art. Elle comprend avant tout le monde que le film a une puissante dimension éducative. Elle participe également à la fondation des premiers ciné-clubs. 

Théoricienne du cinéma, elle enchaîne les conférences. Après son divorce en 1920, Germaine Dulac monte sa société de production D.H. Films et produit sa dernière fiction en 1930, lorsque l’industrie se convertit au film parlant. 

À la tête des Actualités Gaumont, elle se consacre ensuite au documentaire d’actualité et y apporte une intimité unique propre à la réalité de la vie de tous les jours. Germaine Dulac a créé une trentaine de fictions et autant de documentaires. Mais malgré son talent et son rôle précurseur, elle est quasiment oubliée après sa mort en 1942.

Les archives professionnelles de Germaine Dulac sont en collection à La Cinémathèque française. Consultation sur rendez-vous : lundi, mercredi, jeudi de 13h à 18h et vendredi de 10h à 18h en prenant contact par téléphone au + 33 (0)1 71 19 32 67 ou par e-mail à l'adresse : archives@cinematheque.fr. 

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