Violences conjugales : le bracelet antirapprochement arrive enfin

VIDÉO. Le gouvernement a annoncé la mise à disposition de 1 000 bracelets dans cinq juridictions en septembre. L'Espagne les a adoptés il y a 11 ans.

Par Émilie Trevert

Temps de lecture : 4 min

Face à la mesure 40 du Grenelle des violences conjugales, un petit logo « En travaux ». Une façon de dire que la généralisation du bracelet antirapprochement est en cours de réalisation. Un an après le Grenelle, la mesure tant attendue par nombre d'associations féministes devrait commencer à se déployer sur le territoire – 1 000 bracelets dans cinq juridictions, d'abord – courant septembre avant de se généraliser fin 2020-début 2021. La Cnil a rendu un avis positif le 16 juillet, reste au Conseil d'État de préciser les modalités de mise en œuvre du dispositif dans un décret. « On a envie de dire : Enfin ! » souffle une militante qui a participé aux réunions ministérielles.

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Le bracelet antirapprochement, dit « BAR », ressemble à une grosse montre connectée qui se place à la cheville comme un bracelet électronique. Son but : empêcher des hommes violents d'approcher leurs ex-compagnes. Un périmètre est défini par le juge autour de la victime, qui porte elle-même un boîtier permettant sa géolocalisation. Si l'auteur de violences se risque à entrer dans cette zone interdite, il reçoit une première alerte lui signifiant de s'éloigner. Et s'il ne rebrousse pas chemin, les forces de l'ordre sont prévenues.

« Vieille marotte »

En France, ce dispositif, qui se calque sur le modèle espagnol – en vigueur, lui, depuis plus de dix ans –, est « une vieille marotte », raconte Anne-Cécile Mailfert, de la Fondation des femmes. En 2010 et en 2017, il a bien failli voir le jour, mais les expérimentations ont été des échecs. Et pour cause, il fallait que les auteurs soient d'abord condamnés à une peine d'au moins cinq ans de prison pour violences conjugales.

La présidente du TGI de Pontoise, Gwenola Joly-Coz, très engagée dans la lutte contre les féminicides, en avait fait la demande auprès de Nicole Belloubet dès mars 2018, sans résultat. Son tribunal vient d'être désigné « juridiction expérimentale », comme ceux d'Angoulême, de Bobigny, de Douai et d'Aix. Plutôt que d'expérimentation, le ministère de la Justice préfère parler de « déploiement progressif », puisque le but est d'arriver, cette fois-ci, à étendre le dispositif sur tout le territoire.

Lire aussi « Je ne sais pas si vous mesurez à quel point il est difficile de protéger les femmes »

La loi « Agir contre les violences au sein de la famille » du 28 décembre 2019 permet la délivrance du bracelet au pénal comme au civil. « Au pénal, ce pourra être avant le jugement, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, ou après jugement, dans le cadre d'une peine ou d'un aménagement de peine », explique Isabelle Rome, haute fonctionnaire chargée de l'égalité femmes-hommes au ministère de la Justice. Au civil, ce sera le juge aux affaires familiales qui pourra le délivrer dans le cadre d'une ordonnance de protection.

Pourquoi attendre ? La technologie, on l'a !

Malgré les annonces du gouvernement, le député (LR) du Lot Aurélien Pradié, par qui la loi autorisant les bracelets est arrivée à l'Assemblée, ne décolère pas. « Un an après, le gouvernement n'a rien foutu ! On nous prend vraiment pour des imbéciles ; on va refaire un test alors que notre loi permet la généralisation du dispositif, ça me rend fou ! Pourquoi attendre ? La technologie, on l'a ! » Le jeune élu, marqué par la confidence d'une administrée victime de violence conjugale, avait déposé une proposition de loi sur le sujet fin août 2019, soit trois semaines avant les annonces du Grenelle, prenant ainsi de cours le gouvernement. « Belloubet, Schiappa et Philippe avaient dit que, au 1er janvier 2020, il y aurait généralisation des bracelets. Depuis huit mois, on a des femmes que l'on a encouragées à parler et qui ne sont pas protégées ! » peste-t-il. Au ministère de la Justice, on argue que ces « délais sont tout à fait explicables ». « Pour la mise en place de l'alerte Enlèvement, ça a mis 4 ans ! » rappelle-t-on.

« On parle de femmes en danger de mort [146 femmes tuées par leur conjoint ou ex-compagnon en 2019, NDLR], donc, oui, on attend cette mesure avec impatience ! » commente Anne-Cécile Mailfert. La présidente de la Fondation des femmes se félicite de ces annonces, mais reste vigilante sur la mise en place du dispositif. « On parle de 1 000 bracelets, mais ça ne veut pas dire qu'ils seront tous utilisés, on l'a vu avec le téléphone Grand Danger [un téléphone portable relié à un service de téléassistance accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, NDLR] : certaines juridictions le gardaient dans leurs placards ! Il faut former les juges pour que les bracelets soient vraiment déployés. »

Cela concernera seulement 0, 5 % des femmes victimes !

Caroline De Haas, du collectif #NousToutes, s'interroge, elle, sur les « restrictions de liberté » que ce système engendre avant condamnation des auteurs. Une position minoritaire chez les féministes. Elle relève également « un décalage entre la communication du gouvernement sur cet outil – pas inintéressant – et la réalité des faits ». La militante a fait ses calculs : « Avec 1 000 bracelets pour 213 000 victimes de violences, cela concernera seulement 0, 5 % de femmes victimes ! »

Malgré quelques limites (le port du boîtier par la femme lui rappelant en permanence la menace, des sonneries intempestives, la recharge du bracelet par l'auteur toutes les 48 heures…), le bracelet antirapprochement a fait ses preuves en Espagne, où aucune femme bénéficiant du dispositif n'a été tuée depuis le début de son utilisation.

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Commentaires (5)

  • carvalat

    Surtout dans les sociétés réputées les plus machistes,
    c'est la femme qui règne sans partage à la maison,
    la zone d'influence et de pouvoir de l'homme se situant à l'extérieur.

    Dans sa propre maison, l'homme peut se sentir comme un étranger,
    à peine toléré, et certes pas "charbonnier maître chez lui".

    En cas de confinement, l'homme n'a plus accès aux lieux habituels où il pouvait se réfugier : bureau, bars... Et se retrouve confronté avec son dragon domestique, experte en violences psychologiques.

    D'où ma question :
    Quels sont les CHIFFRES de la surmortalité masculine liée au confinement ?

    En temps "normal",
    l'homme a une espérance de vie de 10% inférieure à celle des femmes.
    Sauf à attribuer à l'homme une infériorité physique génétique,
    cette différence ne peut s'expliquer que par les différentes formes de violence, d'exploitation et d'oppression de la femme sur l'homme.
    Avec des causes exacerbées, les conséquences devraient empirer, et la surmortalité masculine s'accroître. Je demande donc les CHIFFRES.

  • unpeudesens

    Une fois de plus notre pays blablate. Et nos voisins nous dépassent aisément. En beaucoup de domaines notre exception culturelle nous fait perdre des vies et du temps... Pourvu que ça dure !

  • Duagt

    Donc si la femme se rapproche du domicile de son compagnon si il ne part pas tout de suite pour seloigner la police est appelé ?
    surtout sans condamnation formelle.
    les feministes sont de plus en plus dangereuses dans leur transformation de la societee.