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Inceste : l’aveuglement de la société, le silence des victimes

Charlotte Pudlowski, cofondatrice du studio Louie Media, signe avec « Ou peut-être une nuit » une série documentaire en forme d’« essai personnel ».

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Publié le 16 septembre 2020 à 12h00

Temps de Lecture 2 min.

Charlotte Pudlowski, cofondatrice du studio Louie Media.

LOUIE MEDIA - À LA DEMANDE - SÉRIE DOCUMENTAIRE

« Deux ou trois enfants par classe sont victimes d’inceste. Sept à 10 % de la population ont subi
des viols intrafamiliaux dans l’enfance, et ces violences commencent en moyenne à l’âge de 9 ans. Quatre-vingt-dix-huit pour cent des agresseurs sont des hommes. »
Voici la réalité statistique de l’inceste, telle qu’établie par l’enquête réalisée en 2015 par Harris interactive pour l’Association internationale des victimes de l’inceste, et dont les résultats sont peut-être en dessous de la réalité.

« C’est un peu partout, tout le temps, dans des proportions que je ne pouvais pas imaginer », explique Alice Debauche, sociologue et statisticienne spécialiste des violences sexuelles, à propos de ses premières recherches. Si peu arrivent à en parler, c’est parce que personne, ou presque, ne veut entendre. C’est au silence qui entoure l’inceste et aux dégâts qu’il provoque que la série de Charlotte Pudlowski, entre documentaire et essai politique, s’intéresse.

A l’automne 2017, lorsque le mouvement #metoo embrase le débat public, l’autrice prend conscience que l’inceste est peut-être aussi répandu que le viol de femmes adultes. Et que le tabou réside tout autant dans l’acte que dans le fait d’en parler. Marquée par le silence – vingt-six ans durant – de sa mère, victime d’attouchements de la part de son père à partir de l’âge de 10 ans, elle s’interroge : qu’est-ce que la parole sur l’inceste a de si subversif ?

Reproduction des violences

Au fil de témoignages intimes de victimes, bouleversants, éclairés par les interventions de l’anthropologue Dorothée Dussy, autrice du Berceau des dominations (La Discussion, 2013), de la psychiatre Muriel Salmona, ou encore d’artistes, comme la réalisatrice Hélène Merlin, Charlotte Pudlowski met des mots, des chiffres et des questions politiques sur ces crimes, trop souvent obombrés par leur relégation habituelle dans la rubrique des faits divers.

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« Si on pouvait mettre fin à l’inceste, d’une certaine manière, on saperait les fondements du patriarcat », estime le réalisateur Patric Jean, auteur du documentaire La Domination masculine (2009). Parler, c’est attaquer cet ordre social, défend Charlotte Pudlowski, qui cherche à expliquer comment hommes et femmes se construisent en fonction de celui-ci, sans jamais nier la part de responsabilité des « incesteurs ».

Elle montre que le silence fait l’objet d’un véritable apprentissage et d’une intériorisation profonde, systémique. L’aveuglement de l’entourage et de la société permet la reproduction des violences, sur plusieurs générations, dans une même famille, un village, une corporation ou des institutions.

Et si l’inceste était beaucoup plus central qu’on ne le pensait dans nos constructions sociales ? Une question pertinente, à l’heure où le gouvernement a annoncé pour l’automne l’ouverture d’une commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants, après une période de confinement où les appels au 119, numéro d’urgence de l’enfance en danger, ont explosé. Dommage que quelques redondances fassent perdre un peu de sa force au propos de cette série sonore, très documentée, où le mutisme plane effectivement comme une menace, tel L’Aigle noir de Barbara, chanson à laquelle la série emprunte son titre.

« Ou peut-être une nuit », série documentaire du podcast « Injustices », de Charlotte Pudlowski, réalisé par Anna Buy (Fr., 2020, 6 × 45 min environ). Disponible sur Louie Media et toutes les plates-formes de podcasts (deux épisodes par semaine).

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