Voilà une nouvelle qui va faire grincer des dents dans le monde feutré de la finance anglo-saxonne: d’après une étude publiée fin août par Goldman Sachs, les fonds gérés par des équipes féminines affichent de meilleures performances cette année. De quoi contredire le gérant de hedge Fund américain Paul Tudor Jones qui affirmait en juin 2013: "Dès que la bouche d'un enfant effleure le sein de sa mère, c'est fini ! Les idées d'investissement et la passion de comprendre pourquoi un titre monte ou baisse vont s'évanouir devant cette expérience merveilleuse que ne connaîtra jamais un homme."
Une affirmation terriblement machiste pourtant contredite par cette étude portant sur 496 grands fonds américains et compare ceux qui sont spécifiquement gérés par des femmes. Et là, première déception, seuls 14 fonds sont gérés par uniquement par des femmes (3% des fonds) contre 380 (plus des trois quarts) qui ne comptent aucune femme dans leur équipe. Pour conserver un échantillon d'étude suffisant, Goldman Sachs a donc sélectionné les fonds dont au moins un tiers de l’équipe de gestion était composé de femmes, soit 63 fonds représentant 12,6% de l’encours. Et les résultats sont clairement en faveur de ces fonds qui gagnent en moyenne 1% de plus que les autres fonds depuis le début de l’année. L’étude attribue cette surperformance au choix des valeurs plus "tech" pour les équipes féminines et plus traditionnelles pour les équipes masculines, plus qu'à une question de genre. "Je pense que les femmes sont plus tournées vers l’avenir, moins réticentes au changement que les hommes, et donc plus ouvertes aux sociétés technologiques", analyse Alice Lhabouz, présidente-fondatrice de Trecento AM, une société de gestion spécialisée sur les secteurs de santé et de la tech.
Les femmes aux avant-postes de l’investissement responsable
Ce déséquilibre entre les hommes et les femmes aux Etats-Unis est loin d'être une exception: d'après l'étude Alpha Female du fournisseur de données financières Citywire, seulement 11 % des gérants de portefeuille sont des gérantes dans le monde. La France est plutôt mieux lotie, avec un pourcentage de 18% de gérantes, mais la profession reste largement masculine. "Il faut se souvenir qu’en France, la profession était interdite aux femmes jusqu’à la fin des années 1960", rappelle Alice Lhabouz. Les gérantes sont certes de plus en plus nombreuses aujourd'hui, mais elles ont été surtout affectées par leur hiérarchie, depuis une dizaine d'années, à l’analyse extrafinancière, jugée moins prestigieuse que la gestion classique.
Sauf que cette thématique prend aujourd’hui de plus en plus d’importance dans le monde de la gestion et que les résultats sur le long terme sont désormais scrutés avec intérêt par les clients. Et parmi les critères ESG les plus étudiés par les investisseurs institutionnels, on retrouve justement... la parité des équipes dirigeantes ! De nombreuses sociétés de gestion en font même un argument de progrès social : la banque Goldman Sachs, toujours elle, a annoncé en début d’année qu’elle ne conduirait plus d'introduction en Bourse de sociétés ne disposant pas d'au moins une femme et/ou une personne issue de la diversité dans leur conseil d'administration. Un ratio qu'elle compte passer à deux personnes dès le 1er janvier prochain. La finance ne pourra pas résister éternellement à la montée de la parité.