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Ces investisseurs se battent pour plus de femmes dans la tech

87,5% des fonds sont levés par des hommes. Certains investisseurs s’engagent à enrayer cette inégalité, comme les signataires d’une tribune parue ce mardi dans Les Echos.

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La parité est quasiment atteinte dans le fonds d'investissement Elaia, pour qui la mixité est un critère important dans le choix de ses startups. (Géraldine Aresteanu)

Par Amélie PETITDEMANGE

Publié le 18 avr. 2019 à 15:27Mis à jour le 6 mai 2019 à 21:03

Sur 614 levées de fonds en 2018 seules 77 ont été réalisées par des startups avec au moins une femme parmi ses fondateurs. Un ratio en baisse de 20% par rapport à l’année précédente, selon le dernier baromètre de l’association pour la parité dans la tech StartHer et KPMG. “Pour les startups uniquement dirigées par des femmes, le ratio tombe à moins de 3% versus 12,5% pour les startups mixtes”, déplore Tatiana Jama. L'entrepreneure et investisseuse a cofondé Sista en décembre 2018, un collectif de femmes VC (venture capitalists,  investisseurs en capital risque) et startuppeuses parmi lesquelles figurent Céline Lazorthes (Leetchi & Mangopay), Alice Zagury (The Family) ou encore Marjolaine Grondin (JAM).

Objectif : sensibiliser mais surtout agir pour booster l'entrepreneuriat féminin et son financement. Concrètement, les fonds d'investissement doivent s'engager à investir 10% des fonds déployés dans des startups fondées par des femmes, soit près de 4 fois plus que la moyenne de ces 5 dernières sur les 9 plus grands fonds français.

Ce mardi 18 avril, un collectif de 50 entrepreneurs et investisseurs, dont le patron de Free Xavier Niel et le fondateur de BlablaCar Frédéric Mazella, ont annoncé dans une tribune qu’ils rejoignent Sista. Ils s’engagent à “questionner [leurs] pratiques d'investissement afin de les rendre encore plus égalitaires et à fournir [leurs] meilleurs efforts pour recruter des équipes plus diverses et à rémunérer les femmes autant que les hommes en salaire et en “equity” à poste égal, peut-on lire dans les colonnes des Echos.

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Les racines de l’inégalité

Si les femmes lèvent si peu de fonds, c’est surtout parce qu’elles sont peu nombreuses à la tête d’une startup. “De nombreux business angels me disent qu’ils aimeraient financer des startups tech féminines mais que cela représente à peine 10% des dossiers qu’ils reçoivent”, confie Denis Fayolle, investisseur et entrepreneur. Ce business angel a donc adopté une technique singulière : il monte lui-même une équipe afin de lancer une startup avant de la financer, comme il l’a fait avec Singulart et Farmitoo. Et la première personne qu’il choisit est toujours une femme, qui pourra ensuite trouver un.e associé.e.

Samantha Jerusalmy, associée du fonds d'investissement Elaia et cofondatrice de l'association StartHer, peine aussi à investir dans des startups féminines. Dans la base de données de ses investissements, Elaia a mis en place un filtre par sexe et peut ainsi quantifier la proportion de femmes, qui s’élève à environ 10%. Un tracking que les signataires de la tribune s’engagent également à mettre en place. Le fonds d’investissement organise aussi des portes ouvertes exclusivement réservées aux femmes.

Cette diversité n’est pas un objectif en soit, mais bien un gage de réussite. Selon une étude du BCG menée en 2018, les startups fondées ou cofondées par une femme génèrent un revenu cumulé 10% plus élevé sur cinq ans. “Quand on me pitche un projet, la première chose que je regarde, c’est l’équipe. Si je vois une startup exclusivement masculine, c’est comme quand je vois une startup fondée par trois normaliens, je me dis qu’il manque un autre angle de pensée”, ajoute Samantha Jerusalmy. “Nous avons la même exigence chez Elaia. Les femmes partners ont attiré d’autres femmes et nous avons quasiment atteint la parité au sein du cabinet”.

Un monde de la finance très masculin

Une exception dans un monde de la finance encore très masculin. “Il y a 4% à 5% de femmes partners dans les fonds d’investissement au niveau mondial et le ratio est quasiment identique en France. Or les femmes investisseuses amènent souvent les femmes entrepreneures”, affirme Samantha Jerusalmy. “Les femmes seraient aussi plus à l’aise de pitcher devant leurs pairs. C’est humain : de la même façon, un homme serait mal à l’aise s’il n’avait que des investisseuses face à lui”.

La première levée de fonds nécessite aussi un réseau qui peut faire défaut aux femmes. Les hommes sont souvent recommandés aux investisseurs et ont ainsi plus de chances d’obtenir leurs fonds, alors que les femmes passent davantage par des “cold emails”.

De leur côté, les investisseurs sont moins enclins à financer des startups féminines. Ils vont, même inconsciemment, aborder les projets féminins de façon différente. “Nous sommes sur un concept hôtelier très tech. Pourtant, au début, on passait pour des décoratrices d’intérieur”, se souviennent les cofondatrices de Mihotel Stéphanie Marquez-Boucetla et Nathalie Grynbaum. Lors de leur pitch devant des fonds d’investissement uniquement composés d’hommes, elles se sont vues demander si elles avaient fait des études dans la tech, se sont retrouvées face à des hommes étonnés qu’elles sachent coder, ou qui se souciaient de la façon dont elles allaient gérer leur vie personnelle en même temps que leur entreprise. Sans compter les remarques sexistes, comme ce “vieil investisseur” qui a lancé : “Est-ce que je peux venir tester la suite avec vous, Nathalie ?”.

Les cofondatrices de Mihotel , se souviennent de leur première levée de fonds, au printemps 2017. “Nous avons demandé 500.000 euros et nous avons obtenu 600.000 euros. Nous aurions pu avoir plus en fait, on s’était auto-plafonnées… ” affirment-elles.

Le baromètre StartHer/KPMG est cependant encourageant sur ce point : si le nombre de levées de fonds par des startups fondées ou cofondées par des femmes ne parvient pas à dépasser le plafond de verre des 15%, les montants levées sont en forte hausse : +68% par rapport à l’année dernière. Pour Maya Noël, qui s’est occupée du baromètre chez StartHer, “le message est bien passé auprès des femmes : elles doivent demander plus”.

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Selon le baromètre StartHer / KPMG, le top 3 des investisseurs qui financent des entreprises tech dirigées par des femmes en 2018 est :

1. bpifrance

2. Kima Ventures

3. AngelSquare

Amélie Petitdemange

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