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Avortement: en Pologne, la «grève des femmes» prend de l’ampleur

Défiant les restrictions sanitaires, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté, vendredi 30 octobre, dans le centre de Varsovie. KACPER PEMPEL/REUTERS

REPORTAGE - 100.000 personnes ont défilé vendredi pour défendre le droit à l’avortement et dénoncer le pouvoir conservateur.

Varsovie

Monika et Kinga, mère et fille, ont fait plus de 300 km depuis leur ville natale en Silésie, comme des milliers de manifestants, pour participer à leur troisième mobilisation de la semaine. Dans la capitale, cette fois-ci. «Cette décision du Tribunal constitutionnel (qui ouvre la voie à l’interdiction de l’avortement en cas de malformation grave du fœtus, NDLR), c’est de la folie», s’indigne Monika, 45 ans, qui observe pantoise depuis cinq ans la politique des ultraconservateurs du PiS et de leurs alliés au pouvoir.

Le Tribunal constitutionnel? Parce qu’il est largement mis au pas par le parti Droit et Justice (PiS), elle le juge illégitime - tout comme la majorité des 430.000 personnes, selon la police, qui ont manifesté mercredi dernier, décrété jour de grève par la «grève nationale des femmes».

«Nous ne sommes pas là uniquement en tant que femmes luttant pour nos droits, mais aussi pour défendre la liberté, la démocratie», dit Monika. Et pour elle, le ras-le-bol qui s’exhibe dans les rues du pays ne prendra fin que le jour où le parti au pouvoir démissionnera. À défaut, les conséquences pourraient être funestes: «tôt ou tard, il y aura du sang versé», craint-elle, en faisant référence au meurtre du maire libéral de Gdansk, Pawel Adamowicz, en janvier 2019, par un déséquilibré sans doute influencé par la rhétorique hostile de la télévision publique à l’égard de l’édile.

Monika ne croit pas si bien dire. Alors qu’elle se fond dans le cortège, une salve de fumigènes rouges et de pétards assourdissants sème la peur et disperse momentanément la foule. Plusieurs dizaines d’hommes vêtus de noir et encagoulés menacent. La presse avait rapporté, plus tôt dans la journée, que 10.000 proches des mouvances hooligans et nationalistes s’apprêtaient à perturber le rassemblement. D’autres échauffourées feront quelques blessés et 37 arrestations émailleront les débuts la soirée.

Chute de popularité du PiS

Selon la mairie de Varsovie, 100.000 personnes ont défilé pacifiquement en direction de la résidence de Jaroslaw Kaczynski. Le leader du PiS et, depuis peu, vice-président du gouvernement, n’a sans doute pas dormi beaucoup chez lui la semaine passée alors que l’ire populaire s’exprimait sous ses fenêtres.

Mardi, dans une allocution diffusée sur Facebook, il n’a pas mâché ses mots à l’encontre de ces manifestants «nihilistes» qu’il accuse de «détruire la Pologne», appelant ses concitoyens à réagir en défendant les églises. Mais d’autres dirigeants polonais, face à l’ampleur des manifestations, ont amorcé un début de recul. Il faut dire que leur chute de popularité est vertigineuse: dans un sondage réalisé pour Gazeta Wyborcza, le PiS au pouvoir est estimé à 26 %, perdant plus de 12 % de sa cote moyenne en octobre.

En Pologne, des dizaines de milliers de personnes défilent dans les rues pour le droit à l'avortement - Regarder sur Figaro Live

Alors que l’arrêt controversé n’a toujours pas été publié au Journal officiel, le président de la République, Andrzej Duda, «figure modérée» du parti majoritaire, a déclaré avoir entendu les craintes des Polonaises. Alors qu’il avait salué quelques jours plus tôt l’arrêt du Tribunal, il s’est résolu à déposer un projet de loi qui réintroduirait la possibilité d’avorter en cas de fœtus non viable, sans pour autant autoriser l’IVG pour d’autres handicaps - telle la trisomie 21.

L’initiative a été saluée par le premier ministre Mateusz Morawiecki. Mais il n’est pas question, pour Barbara Gorecka, d’accepter un tel compromis. Cette manifestante de 31 ans réclame le droit à l’avortement en toutes circonstances. Si sa voix reste encore relativement marginale - ils ne seraient que 22 % à soutenir la libéralisation de l’avortement en Pologne - une minorité de Polonais semble favorable à l’arrêt du Tribunal constitutionnel.

Avortement: en Pologne, la «grève des femmes» prend de l’ampleur

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52 commentaires
  • ca18

    le

    Le contenu de l'article sur le Tribunal Constitutionnel est inexact.
    En effet, le Tribunal Constitutionnel a « juste » établi que ce projet de loi est conforme à la Constitution (c’est sa seule mission). Il ne « décide » pas. A titre personnel, certains juges (dont sa Présidente), y étaient clairement opposés.
    Tout comme ma modeste personne du reste.
    Au passage, une partie significative de l’électorat du PiS est également contre cette réforme. Le Président Duda commence d’ailleurs à rétropédaler. Mais je pense que le PiS devra coller rapidement Kaczynski à la retraite ...

  • Anonyme

    le

    Malgré le fait qu'à l'heure actuelle, toutes les constitutions des pays démocratiques garantissent à une femme le droit à la protection de sa santé et de sa vie ? et donc, décider de votre corps ? La légalisation de l'avortement est un phénomène relativement nouveau, car ce n'est qu'au XIXe siècle (après que les femmes ont finalement obtenu leurs droits civiques) que la position a été adoptée et popularisée selon laquelle cet État doit garantir à chaque femme le droit d'interrompre en toute sécurité une grossesse non désirée et de le faire dans les hôpitaux publics. Cela a été influencé par la conviction que le phénomène de l'avortement ne peut pas être éliminé et que toute interdiction ne conduit qu'à des actes illégaux et donc dangereux pour les femmes. Au XXe siècle, les démocraties modernes ont adopté le principe selon lequel la vie d'une femme en tant que citoyenne à part entière de l'État est plus importante que celle de son enfant à naître et doit être garantie par la Constitution. Bien que très peu soit écrit et dit à ce sujet, l'Église catholique dans les premiers siècles de son existence n'a pas du tout interdit l'avortement. Au temps de St. Augustin (354-430 AD), les évêques ont permis l'avortement jusqu'à 3 mois. Thomas d'Aquin (1225-1274 après JC), croyait qu'un fœtus dans l'utérus d'une femme ne devenait humain qu'après 40 jours (dans le cas d'un fœtus masculin) et après 80 jours (dans le cas d'un fœtus féminin), et a soutenu que seul un humain a une âme, et l

  • Tellmemore

    le

    C'est des rigolos les hommes... L'avortement les dérange mais combien quittent leur compagne enceinte, voire quittent le foyer et se débrouillent pour ne pas payer de pension. Je ne les mets pas tous dans le même sac, mais certains sont des sacrés sa...ps.

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