Soirée inédite à la Philharmonie de Paris qui accueillait à huis clos, lundi 2 novembre, le premier concert dirigé par la lauréate du concours de femmes chefs d’orchestre La Maestra, Rebecca Tong. L’Américano-Indonésienne d’origine chinoise, classée en tête des épreuves qui se sont déroulées du 15 au 18 septembre dans la Grande salle Pierre Boulez, a remporté le premier concours de direction réservé aux femmes.
Tout juste arrivée de Manchester, elle a fait ses débuts avec un Orchestre de Paris en mode confinement. Le concert, enregistré, sera disponible sur Arte Concert et Philharmonie Live.
Une poignée de spectateurs, membres des équipes de la Philharmonie ainsi que quelques journalistes, ont été cantonnés au premier balcon. Les fauteuils du parterre ont disparu, recouverts par un immense plateau élargi, une configuration destinée à accroître substantiellement la jauge pour des manifestations devant un public debout, que la Philharmonie n’aurait sans doute jamais imaginé déployer dans ces circonstances.
Cette solution permet en effet de donner aux musiciens du grand orchestre symphonique l’espace nécessaire à l’application d’une distanciation maximale – 1,50 mètre entre les cordes, deux mètres entre les vents, musiciens masqués et grands paravents de Plexiglas entre cordes et vents –, les mesures sanitaires n’ayant rien perdu de leurs drastiques préconisations.
Un sens affirmé des équilibres
Balcons déserts, public évanoui, espaces évidés, seuls les grands nuages acoustiques et la « pirogue » plantée de mâts de tuyaux d’orgue offrent au regard un reste de familiarité quand l’acoustique, très réverbérée, révèle à quel point cela sonne vide quand tout est dépeuplé. L’unique Concerto pour hautbois de Mozart n’égale pas en notoriété son unique Concerto pour clarinette, mais la sonorité ronde et pure d’Alexandre Gattet, son phrasé élégant et sa virtuosité rayonnante offrent au compositeur son content de légèreté, de lumière et de lyrisme.
Le soliste, placé loin devant l’orchestre, joue dans le dos de Rebecca Tong face à ses collègues. Le musicien français occupe en effet depuis 2001 le poste de premier hautbois solo au sein de la phalange parisienne. Quant à la maestra, fondatrice du Jakarta Simfonia en 2011, elle fait montre des mêmes qualités qui lui ont valu d’être distinguée : une direction assurée et probe, qui accorde au soliste une attention sur mesure.
Confiné à tous les sens du terme dans Mozart, l’Orchestre de Paris s’épanouira dans une Quatrième Symphonie, de Mahler, que Rebecca Tong dirige avec un sens affirmé des équilibres. Le concours de septembre nous avait laissé le souvenir d’une direction très engagée corporellement. Ici, la jeune chef se contente visuellement de battre (très clairement) la mesure et de donner les départs, privilégiant une vision plus plastique que dramaturgique, quelque peu engluée dans des tempos trop larges. Rebecca Tong a-t-elle voulu éviter l’individualisation excessive des timbres, que favorise l’effet de loupe induit par la distanciation sur chaque instrument ?
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