Société : 50 Françaises qui ont fait 2020
Julien Mignot ; Stephane Cardinale / Getty Images ; JF Paga / Grasset ; DRDimanche 3 novembre 2019, Mediapart publie un entretien avec Adèle Haenel. Il n’a rien de promotionnel. Marine Turchi, qui l’a recueilli, n’est d’ailleurs pas une « journaliste culture » : ses articles portent sur le Front national (qui en a fait sa bête noire) et, depuis 2017, sur les violences sexuelles. Adèle Haenel y livre un récit qui a nécessité des semaines d’enquête dans le milieu parfois fermé du cinéma français. Elle accuse ce soir-là le cinéaste Christophe Ruggia d’attouchements et de harcèlement sexuels lorsqu’elle avait entre 12 et 15 ans et qu’elle tenait le rôle principal du film Les Diables (Ruggia réfutera ces accusations tout en demandant publiquement pardon à Haenel). L’entretien fait date parce qu’il divise ses commentateurs : ceux qui y voient une histoire d’amour univoque entre un adulte et une enfant, condamnable mais qui ne fait pas système, et ceux qui y lisent le poids d’un milieu vertical qui a toujours fermé les yeux sur le pouvoir et l’influence des réalisateurs et des producteurs au nom de l’art et d’un droit à la relation « particulière ».L’affaire entre en collision avec la sortie, dix jours plus tard, du J’accuse de Roman Polanski, cinéaste condamné pour abus sexuel sur une jeune fille de 13 ans en 1977. Les avant-premières du film se passent sous les cris des collectifs féministes qui préviennent que l’excuse (élimée à force de servir) de la séparation de l’homme et de l’œuvre ne passera plus. Le climat se tend jusqu’à la soirée des César 2020 où deux films rivalisent : Portrait de la jeune fille en feu avec Adèle Haenel et J’accuse. Quand l’académie décerne le prix du meilleur réalisateur à Roman Polanski, l’actrice et sa réalisatrice, Céline Sciamma, quittent la salle en hurlant « La honte ! »Les César, dont le bureau est majoritairement composé d’hommes blancs et pas toujours de première fraîcheur, ont cru se payer les féministes 2.0 ; ils viennent de soulever une vague plus forte encore, qui attendra le dimanche après-midi pour trouver son « J’accuse » (celui de Zola) dans une tribune signée de Virginie Despentes et publiée par Libération – un long uppercut porté par une scansion : « Désormais on se lève et on se barre. » L’autrice de King Kong Théorie fait de la colère d’Adèle Haenel et de son refus de rester là à applaudir un cinéaste condamné pour viol sur mineure, le point de départ d’une lutte qui oppose les subalternes aux puissants.Comment ne pas penser à une autre séquence de la soirée, moins médiatisée mais pas moins décisive : le discours d’Aïssa Maïga sur l’absence de diversité dans le cinéma français : « On est une famille, on se dit tout non ? » feint-elle de demander avant d’entamer un décompte des personnes racisées dans l’assistance. Le malaise est profond : « La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes mais entre les dominés et les dominants », écrit Despentes dans sa tribune.Quelques mois plus tard, Maïga et Haenel évoquent dans Libération leurs engagements convergents : « Il faut établir un lien entre les violences policières, le racisme qu’on peut rencontrer dans d’autres espaces sociaux, la question de l’égalité femmes-hommes », dit Maïga. En juin, des dizaines de milliers de personnes se rassemblent contre les violences policières et pour l’égalité raciale. Un enchaînement de colères et d’exigence de vérité, de justice et d’égalité qui a fait basculer la France dans une nouvelle ère. Il était temps.
Zero ZoroÀ la tête de Mingway, le restaurant lumineux du Centre national de la danse, elle se fait l’avocate d’une gastronomie vertueuse, « abordable, bonne et démocratisée ». Voici déjà sept ans que son association, Ernest, mobilise les restaurants les plus désirables de Paris (Septime, Frenchie, Holybelly, Le Servan...) pour distribuer à deux cents familles dans le besoin des paniers de fruits et légumes bio, cultivés à Sevran (Seine-Saint-Denis) par des travailleurs en insertion. Pendant le confinement, le projet s’est transformé en « véritable machine de guerre » : la restauratrice a traqué les chefs à l’arrêt, les cuisines vides, et livré 3 300 repas à l’aide alimentaire et au personnel soignant chaque semaine.
FifouSon nom vous est peut-être étranger mais ceux qui se sont confinés avec des adolescents savent. Comment échapper à ce pur produit de la viralité de TikTok ? Encore anonyme en mars, la chanteuse est devenue une star au printemps quand son tube RnB Anissa, relayé sur le réseau social, a inspiré des centaines de milliers de reprises et est devenu disque de platine. Jean-Luc Mélenchon s’en est d’ailleurs approprié la punchline grammaticalement déviante : « Tu prends tes caleçons sales et tu hors de ma vue ! »
Christophe Abramowitz / Radio FranceDepuis cinq ans que cette journaliste, passée par Le Monde et France Télévisions, a pris la tête de France Culture, la courbe des audiences de la radio publique suit une trajectoire ascendante, la qualité des programmes aussi. Mais c’est peut-être du côté des podcasts que son influence se fait le plus fortement sentir. Dès son arrivée, elle a développé un format qui a explosé cette année avec la pandémie et qui met en valeur les émissions maison, bulles d’intelligence, de réflexion et d’ouverture qui auront rendu un peu moins aliénants les interminables confinements.
Alix LaineElle a mis neuf ans pour accumuler 5 000 abonnés et moins de neuf mois pour en gagner 50 000 de plus. Cette journaliste qui rêvait de devenir « la rédactrice en chef d’Instagram » a conquis le réseau social en y postant des milliers de mèmes dédramatisant la crise de la covid et sa foule d’actualités anxiogènes. Elle appelle cela « la politesse de l’humour » et son succès la surprend encore : « Les copains de mes fils adolescents s’échangent mes posts. Les copains de mes parents qui ont 70 ans aussi ! » Prochaine étape : un livre chez Albin Michel « qui explore l’humour comme thérapie » et qu’elle rêve d’intituler Qui mème me suive.
DRAu plus fort de la pandémie, quelque 90 000 abonnés suivaient ses cours de gym en direct. « Mes live ont sauvé le confinement de beaucoup de monde et en premier lieu le mien », sourit aujourd’hui cette Niçoise, diplômée en biologie. Au programme : cardio, stretching, renforcement musculaire et quelques fous rires. Mais son succès repose surtout sur son humour et sa personnalité « nature peinture », comme elle dit : « Rares sont les gens qui adorent faire des séries de squat-jump, alors j’essaie de faire avaler la pilule avec des blagues. »
Forte de son expérience de conseillère au ministère de la santé de 2003 à 2005, elle a vite senti qu’il lui faudrait sortir de l’hôpital pour tenter d’apporter des explications à la crise. Sur les plateaux de télévision, elle s’est obstinée à tenir le rôle de vigie réaliste et rigoureuse, avec cette manière bien à elle de peser chaque mot, toujours prête à assumer la part d’incertitude inhérente aux crises sanitaires. Puis, elle a laissé les micros aux réanimateurs, préférant assurer son rôle de pédagogue auprès des personnels soignants. « On ne doit jamais baisser la garde », dit-elle, ni totalement alarmiste ni complètement rassurante.
Souad MekrabechDébut avril, cette jeune créatrice de maroquinerie, atteinte de surdité bilatérale, a tout de suite compris que le port du masque allait aggraver la situation des malentendants. Ni une ni deux, elle confectionne un « masque inclusif » avec fenêtre transparente pour faciliter la lecture sur les lèvres. En quelques jours, elle récolte plus de 15 000 euros, trouve un fabricant français et envoie son modèle à la direction générale de l’armement pour s’assurer qu’il respecte les normes sanitaires. Depuis lors, les commandes pleuvent, et l’Éducation nationale a même prévu d’en acheter des dizaines de milliers.
Maxine HuriezDès l’hiver, elle a enfilé sa blouse de directrice médicale de crise pour tenir le front, avec ses équipes, à l’hôpital Bichat, l’un des premiers à accueillir les malades de la nouvelle épidémie. Face à la solitude de ceux qui meurent loin de leurs proches, elle s’accroche aux retours positifs des guéris. « Dans ces moments-là, on comprend pourquoi on fait ça », disait-elle. Au bout de l’enfer, elle se souvient de la fragile consolation des applaudissements, des messages de soutien, et de ses enfants l’encourageant : « Vas-y maman, on est fiers de toi ! »
Olivier AllardSculpter le langage pour mieux l’habiter n’est pas la moindre des ambitions de l’artiste franco-suisse, qui découpe des lettres pour les convertir en mobilier matriciel. À l’Orangerie à Paris, ses bancs d’aluminium écrivent le mot « chromatique », progressant par demi-tons de gris, contrepoints aux variations de couleurs de Monet avec lequel elle voisine. On y décèle la volonté d’occuper l’espace muséal, royaume masculin que la plasticienne avait épinglé il y a quelques années, en travestissant les grands noms de l’art contemporain : les Marcelle Duchamp, Jacqueline Pollock ou Francine Bacon.
Mélanie ParisSa thèse sur les « Oxydes et oxyfluorures de dérivés graphéniques » la destinait à une carrière d’ingénieure. Elle a préféré créer en 2017 Gribouilli, une association destinée à sortir les gardes d’enfants, comme sa mère, de la précarité en leur trouvant une formation. Consécration : la fondation Obama l’a choisie pour le programme de leadership destiné aux jeunes Européens.
Philip Conrad / FayardElle est l’une des têtes chercheuses essayant de croiser la réflexion économique et la justice sociale. Elle est aussi l’une des rares à prendre comme sujet d’études l’économie des médias et les façons pour eux de s’assurer une indépendance. Le titre de son dernier essai, Le Prix de la démocratie (Fayard) résume à lui seul le chemin de ses recherches.
DR« Ce n’est pas parce que je montre ouvertement ma foi que je ne suis pas Chanel », affirme celle qui a fondé en 2018 Zarafet Galleries, un e-shop consacré à la mode modeste. Première femme à avoir porté un hijab dans la dernière campagne Jean Paul Gaultier, elle est aussi derrière Agaki Club, une communauté pour celles qui souhaitent faire du sport sans subir remarques, regards ou gestes déplacés. En attendant l’ouverture prochaine d’un espace dédié, la jeune femme fait bouger les lignes au sein du Jdid Club, un studio créatif composé de sept jeunes femmes issues de l’immigration maghrébine.
Solal MoisanElle est la Greta Thunberg savoyarde : sa vidéo-manifeste « Réveillons-nous », tournée pendant le confinement et diffusée fin mai sur YouTube, a atteint 15 millions de vues. « Je ne suis qu’un haut-parleur chargé d’amplifier les messages des scientifiques », dit, modeste, la porte-parole de l'équipe de youtubeurs écolos « On est prêts ». Adolescente, elle s’est longtemps rêvée juge pour enfant avant d’embrasser la cause des migrants : lycéenne, elle a donné des cours de Français dans les campements de Calais et créé dans son village l'antenne régionale d'Amnesty International. Cette année, entre le tournage d’une « fiction sur la désobéissance » et un discours au congrès du Medef, la diplômée de Sciences Po est allée plaider la cause écologiste auprès de la Présidente de la commission européenne Ursula von der Leyen.
DREn créant l’association Afrogameuses en juillet, elle poursuit le combat pour l’égalité raciale et des sexes. La structure se veut à la fois « un refuge pour les passionnées de jeux vidéo racisées, trop souvent cible d’agressions racistes aux conséquences bien réelles » et un « instrument militant pour promouvoir l’inclusion » au sein d’une industrie touchée par le sexisme et l’absence de diversité.
Serge CannasseCelle qui, adolescente au Liban, se rêvait architecte, répare aujourd’hui les vivants. Spécialisée dans la reconstruction des victimes d’excision, cette gynécologue engagée a créé en 2016 la maison des femmes de Saint-Denis, où plus de 14 000 victimes de violence ont été prises en charge cette année, notamment via la téléconsultation. « Quand j’ai commencé, on m’a ri au nez, dit-elle. Et maintenant, une quinzaine de maisons des femmes sont en train de voir le jour de Mexico à Tahiti. » Aujourd’hui, elle promeut dans un livre une « une sexualité bienveillante » (Le sexe et l’amour dans la vraie vie, First) et s’engage pour la défense de l’IVG : sa tribune dans Le Monde réclamant l’allongement du délai légal pour pratiquer un avortement a été signée par une cinquantaine de médecins.
Berzane Nasser/ABACAMathieu Kassovitz rêve de faire un film sur son histoire, Camélia Jordana donne de la voix à ses côtés, l’artiste JR réalise une fresque pour soutenir son comité, Omar Sy pose avec elle sur son compte Instagram et Rihanna la classe parmi les femmes qui l’inspirent et changent le monde. Depuis la mort de son frère cadet, Adama, en juillet 2016 à la suite d’une interpellation, elle a fait de sa vie un combat pour connaître la vérité, persuadée que les forces de l’ordre l’ont étouffé en l’écrasant sur le sol de la gendarmerie. Ainsi est-elle devenue un symbole de la lutte antiraciste à son corps défendant, jure-t-elle, vêtue la plupart du temps d’un T-shirt noir barré de l’inscription : « Justice pour Adama, sans justice vous n’aurez jamais la paix. » Le meurtre de George Floyd en mai 2020 à Minneapolis, asphyxié en pleine rue par un policier, et la vague de révolte qui a submergé les États-Unis ont donné un nouvel élan à son combat, en particulier lors des manifestations qui ont suivi en France, et dont elle a souvent pris la tête. Transcription médiatique : l’ancienne éducatrice spécialisée et mère de trois enfants a enchaîné les couvertures de presse, de « M, le magazine du Monde » aux Inrockuptibles, tandis que France Culture l’a qualifiée de « femme puissante ». Cette surexposition l’a-t-elle dépassée ? À présent, elle doit aussi essuyer de virulentes critiques et affronter les polémiques sur le passé de sa famille. Ainsi, lorsque l’un de ses frères est condamné à de la prison ferme pour avoir mené une expédition punitive contre un ancien codétenu qui accusait Adama de viols répétés quand ils partageaient la même cellule. Ou plus récemment, lorsqu’elle a posé, lors d’un hommage au professeur d’histoire décapité Samuel Paty, auprès d’un homme portant une pancarte tachée de rouge et barrée d’une formule dont on n’a su si elle était stupide, insultante ou les deux : « RIP Samuel, mort en saignant ! » Assa Traoré n’a pas commenté.
Dusan ReljinJamais une femme n’avait accédé à un tel poste dans l’industrie de la beauté. Sue Y. Nabi, trans française d’origine algérienne, continue cette année son parcours 5 étoiles. Après avoir présidé Lancôme et lancé, entre autres, La vie est belle, le parfum féminin le plus vendu en 2019, cette visionnaire a été nommée cet été directrice générale de Coty, l’un des géants des cosmétiques et des fragrances dans le monde.
DRLes dernières saisons d’Engrenages, c’est elle. Des années à errer de tribunal en tribunal, à tisser des liens avec policiers, avocats, juges d’instruction pour trouver le ton juste dans l’écriture et les dialogues. Ses inspirations : The Wire, Mad Men, et Un Village français, série sur laquelle elle a passé dix ans. « Les gens passent tellement de temps à nous suivre, ça nous investit d’une responsabilité dans le sens ce qu’on raconte », dit celle qui marche dans les pas du grand David Simon.
Jean PiconCette ancienne directrice de la galerie Chantal Crousel, qui a également travaillé pour la FIAC et le centre Pompidou Metz, aurait pu se contenter de briller dans les vernissages : avec un groupe d’amies, elle a cofondé Thanks for nothing, une plateforme destinée à créer des ponts entre les mondes artistiques et associatifs. Coup de maître dès 2017 avec une vente aux enchères qui a permis de récolter plus de deux millions, reversés à des associations d’aide aux migrants. Entre deux cours donnés à Sciences Po, elle s’occupe à présent de La Collective, un projet monstre qui consiste à créer un centre d’art et de solidarité de 4 000 m2 sur le site de l’ancien hôpital Saint-Vincent- de-Paul.
Inez & VinoodhQue signifient mode et luxe après 2020 ? Pour le comprendre, il faut regarder la collection printemps-été 2021 d’Hermès. Pureté des lignes, noblesse des matières, le tout imaginé par des artisans sous protocole sanitaire ultra-strict. « Ce moment a agi comme un révélateur et un accélérateur de notre identité à long terme et de nos savoir-faire », explique Nadège Vanhee-Cybulski, la directrice artistique du prêt-à-porter féminin d’Hermès. Un modèle résilient « parce qu’il convoque une éthique du travail, de la matière, de la main », une manière de créer qui rassure sur la mode : un rêve, mais aussi un esprit, des techniques, au service du porté.
Getty Images.Cette fois, ce fut la bonne : après avoir reçu tous les honneurs, médailles, prix, doctorats honoris causa – et trois présences dans les palmarès de Vanity Fair –, celle qui a co-découvert les ciseaux moléculaires Crispr-Cas9, capables de découper, remplacer ou corriger un gène à la demande, a enfin obtenu le prix Nobel en 2020 en compagnie de la biochimiste américaine Jennifer Doudna. Une preuve de l’excellence française ? Européenne plutôt : c’est en Allemagne que la lauréate a fait l’essentiel de sa carrière scientifique où elle dirige depuis 2015 l’institut Max-Planck de biologie des infections à Berlin.
Bien ou bien productionsPour avoir osé aborder la question de l’hypersexualisation des jeunes filles, Mignonnes, son premier long-métrage sorti cet été en France et sur le catalogue américain de Netflix, se voit poursuivi au Texas, où une poignée d’élus ultraconservateurs l’accusent de pornographie infantile. Polémique ridicule qui aura au moins eu le mérite de mettre un coup de projecteur sur le travail de cette brillante réalisatrice, publiquement défendue par une armée hétéroclite de cinéphiles allant de la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, à l’actrice américaine Tessa Thompson.
Eliott BlissSi la pandémie a eu raison du festival de Cannes et repoussé la présentation tant attendue d’Annette, la comédie musicale de Leos Carax dont elle partage l’affiche avec Adam Driver, l’actrice française la plus célèbre (et célébrée) au monde a trouvé le temps de multiplier les engagements.Sur le front de l’environnement notamment, un combat qui lui tient à cœur depuis des années et qu’elle porte avec ferveur sur les réseaux sociaux. La star de la nouvelle campagne du N°5 de Chanel a exprimé au mois d’octobre toute sa colère quand le gouvernement a présenté à l’Assemblée nationale une loi autorisant l’usage des néonicotinoïdes, ces pesticides tueurs d’abeilles. Pour Chopard, autre grande maison dont elle est l’égérie, elle a conçu une collection de bijoux qui revisite des classiques du joaillier en épousant les préceptes du développement durable.Elle sera de retour sur les écrans en 2021, avec cet art consommé du grand écart qui l’amène à s’aventurer avec la même joie du côté de l’art et essai le plus radical et du cinéma le plus populaire – au sens noble.
Sarah BalhadèreQuand elle a posté sa première vidéo sur Instagram en janvier 2019, l’idée était « juste de faire rire quelques amis ». Un an plus tard, Pierre Niney, Leïla Bekhti et ses 500 000 abonnés se régalent de ces saynètes filmées à l’iPhone où, en plan serré, elle joue une galerie de personnages de la vie quotidienne. Prochaine étape : le cinéma. Après des apparitions dans la série Family business, elle aura l’un des rôles principaux, au côté de Rachida Brakni, dans École à vendre.
Charlotte ZepaniakElle a fait trembler le monde littéraire avec son ouvrage Toujours Plus (près de 90 000 exemplaires vendus depuis sa sortie), exploser les compteurs YouTube avec ses vlogs, et vient de dépasser les 2 millions d’abonnés sur Instagram. À 22 ans, celle qui s’appelle en réalité Léna Mahfouf est désormais convoitée par les plus grands noms de la mode, de Miu Miu à Dior, qui l’ont respectivement invitée à la Mostra de Venise et à la Fashion Week de Paris.
AbacaLa première femme transgenre élue maire en France vit dans un village de 530 âmes, près de Lille. « Les habitants de Tilloy-lez-Marchiennes ont donné une leçon de modernité », sourit cette mère de trois enfants née homme, qui a entamé sa transition la quarantaine venue. Également consultante en organisation, elle compte à présent mettre en œuvre son programme de terrain, loin des débats sociétaux : ouverture d’une micro crèche et d’une conciergerie rurale, rénovation de la route départementale. « Ici, les gens ont des attentes terre à terre, vous savez… »
AbacaVertige de l’époque : tapez son nom dans Google et le terrible algorithme vous renverra sur les frasques de son mari Benjamin Griveaux. Quelle injustice pour cette brillante pénaliste, associée de Me Hervé Témime, réputée auprès de ses pairs pour sa pugnacité dans les affaires Clearstream ou Hallyday… Ces derniers mois, entre la préparation de la défense de Bernard Tapie en appel et celle de Thierry Herzog, elle a même trouvé le temps de co-écrire, avec la journaliste Lisa Vignoli, un précieux livre sur sa profession au féminin, L'avocat était une femme (éditions JC Lattès, à paraître).
Chris CollsBeyoncé, Ariana Grande, Blackpink, Angèle, Cardi B, Dua Lipa... Elle habille, du haut de ses 28 ans, toute l’aristocratie musicale de la planète. Pionnier de l’upcycling, son label indépendant, porteur d’une mode durable, s’est vu emboîter le pas, cette année, par les géants du luxe inspirés par son succès insolent.
Getty ImagesEn septembre, elle est devenue la meilleure buteuse de l’histoire des Bleues avec 82 buts en 172 sélections. En attendant les 100, la joueuse la plus titrée de la Ligue des champions (dix ans à l’OL) se bat pour « que les filles ne se posent plus la question de leur légitimité » à jouer au football.
DRPas un hasard si elle s’est retrouvée en première ligne dans l’escroquerie au « faux Le Drian » jugée en mars dernier. La magistrate à la tête de la lutte contre la cybercriminalité a vu une lame de fond submerger la France et l’Europe : explosion des rançongiciels, fraudes aux réparations informatiques, cyberespionnage, démantèlement de réseaux sur le darknet… Formée sur le tas, elle a appris la langue des geeks, sorti la cybersécurité des carcans et adapté la lutte contre un mal au nouveau visage. Aujourd’hui, plus de 2000 affaires sont traitées par sa cellule.
IcicleDerrière la boutique Icicle récemment ouverte avenue George-V se cache un géant chinois de la mode haut de gamme (276 boutiques en Chine) où s’exprime le style raffiné et minimaliste de Bénédicte Laloux. Les effectifs du studio sont répartis pour moitié entre confinement chinois et confinement français. C’est en Normandie qu’elle prouve à nouveau la réussite d’un dialogue entre deux pays et deux cultures, autour de la mode.
Mathilde LagarrigueÉlevée entre le Niger, Madrid, Madagascar et la France par un père au foyer et une mère diplomate, elle intègre l’école de cuisine Ferrandi avec l’ambition de devenir la première cheffe étoilée noire du guide Michelin et découvre un milieu « très sexiste, très machiste et très raciste ». Je dis non chef, son compte Instagram, est devenu un « safe space » pour toutes les femmes de la gastronomie trop souvent réduites au silence par une hiérarchie ancrée dans le patriarcat. La vague [#MeToo](https://www.vanityfair.fr/dossiers/dossier/metoo/8786) qui gronde dans le monde de la cuisine peut lui dire merci.
JF Paga / GrassetLa parution du Consentementen janvier a 2020 fait l’effet d’un séisme dont les répliques se sont fait sentir jusqu’à la mairie de Paris, avec le retrait de l’adjoint à la culture Christophe Girard. Dans un récit implacable et lumineux, la directrice des éditions Julliard raconte comment elle est tombée, adolescente, sous l’emprise de l’écrivain Gabriel Matzneff, de trente-cinq ans son aîné, s’aventurant dans une liaison dont elle ne pouvait percevoir les contours abusifs. Cette puissante confession littéraire a permis d’ouvrir le débat sur la pédocriminalité. Elle est aussi raccord avec les luttes féministes et les prises de paroles libératrices qui se multiplient. Depuis quand une œuvre n’avait-elle pas autant fait bouger les lignes en France ?
Marechal Aurore/ABACAIl lui fallait du courage, à l’ancienne championne de patinage artistique, pour briser l'omerta qui régnait dans son sport. Dans un livre accablant (Un si long silence, Plon), elle a accusé son ancien entraîneur de l'avoir violée à plusieurs reprises alors qu'elle était âgée de 15 ans. La Nantaise, qui vit aujourd'hui avec son mari et sa fille aux États-Unis, assure qu’elle voulait simplement « aider la parole à se libérer ». Après la démission du président de la Fédération des sports de glace, une enquête pour « viol » et « agression sexuelles » a été ouverte par la brigade de protections des mineurs.
Elle qui rêvait de cinéma a commencé par révéler sur Instagram (@romf_) les agissements sordides du rappeur Moha La Squale auprès de plusieurs jeunes femmes. Son récit face caméra, diffusé début septembre, a fait sauter la digue de la culpabilité et entraîné d’autres témoignages, puis cinq plaintes qui disent la violence, les agressions sexuelles, les insultes et les menaces de mort.
Aussi discrète qu’obstinée, elle restera dans l’histoire judiciaire comme la juge d’instruction qui a obtenu les aveux de Michel Fourniret dans l’affaire Estelle Mouzin. Sa méthode : plonger dans les moindres recoins de l’existence du tueur, tisser doucement une relation apaisée avec lui et son ex-femme, alternant entre sympathie et fermeté. Grâce à elle, une dizaine d’ADN inconnus ont été découverts sur un matelas saisi en 2003. « Jouer avec un partenaire tel que vous, ça en vaut la peine », lui aurait glissé Fourniret.
Marie RougeElle n’est pas la première Française à avoir produit des podcasts ni la plus prolifique. Mais chaque format créé par son studio Louie Media, « entreprise féministe et de gauche » aux 780 000 écoutes mensuelles, est un chef-d’œuvre conjuguant une identité ultra-léchée et un sens du récit hérité du journalisme narratif à l’américaine. Récemment, la journaliste, cofondatrice et présidente du studio a signé Ou peut-être une nuit, une enquête vertigineuse, essentielle et sidérante sur l’inceste dont les six épisodes, à leur sortie, ont été les plus téléchargés en France.
Getty ImagesViolée par un ami de ses parents lorsqu’elle avait 9 ans, elle n’en a rien dit pendant des années. Quand sa parole s’est libérée, elle n’a plus pu se taire. Son drame, elle l’a d’abord raconté dans Les Chatouilles ou la Danse de la colère, spectacle récompensé d’un molière en 2016. Puis dans l’adaptation cinématographique césarisée en 2019, avant de se tourner vers les premiers concernés par la pédophilie : les enfants. Elle vient de publier Et si on se parlait ?, trois ouvrages pour informer et aider les jeunes lecteurs à se protéger des violences : pédophilie, mais aussi harcèlement, racisme et homophobie.
Jean Hugo & CieElle est la femme derrière le plus grand scandale sanitaire depuis l’affaire du Mediator. En 2016, après une ablation de la thyroïde, cette secrétaire médicale a découvert la nouvelle formule du Lévothyrox et ses effets secondaires : douleurs articulaires, épuisement, perte de cheveux... Révoltée, elle lance une pétition, appelle La Voix du Nord et récolte 350 000 signatures. Un million de Français interrompent leur traitement. « J’attends la reconnaissance de notre douleur par le monde médical », dit-elle. Maigre consolation : cet été, la cour d’appel de Lyon a condamné le laboratoire qui produit le Lévothyrox à verser 1 000 euros à plus de 3 000 plaignants.
Hermance TriayEn 2020, elle a sorti un livre plus que marquant, Saturne. Son écriture qui entremêle les formes et les impressions a donné envie à Vanity Fair de lui confier le grand portrait de Charlotte Gainsbourg, à retrouver également dans le numéro de décembre, écrit avec subtilité et précision, discutant avec elle à l’ombre de Marguerite Duras.
Getty ImagesL’immense Cindy Sherman lui a confié le soin de monter sa rétrospective à la Fondation Louis Vuitton, comme une évidence. Cheville ouvrière de la création du musée national Picasso, passée par le Centre Pompidou, le CAPC de Bordeaux et la branche art contemporain du musée du Louvre, cette « féministe des années 1970 » se définit comme une « commissaire migrateur », toujours entre deux projets. Cette année, en plus de son travail sur Cindy Sherman, elle a également monté la grande exposition autour de Picasso poète, et une autre sur l’artiste sud-africain William Kentridge à Villeneuve d’Ascq. L’écrit la passionne autant que l’image. Après avoir signé la biographie de référence de Louise Bourgeois, Femme couteau (Flammarion), elle travaille à présent sur une monographie de l’œuvre de Miquel Barcelo.
Patrick Swirc / moddsEt si c’était elle ? Adèle Haenel la veut comme présidente en 2022. Discrète depuis qu’elle a quitté le gouvernement de Manuel Valls en 2016, l’ancienne garde des sceaux a publié chez Plon, en 2019, un récit personnel (Nuit d’épine) et en 2020 un premier roman écrit durant son confinement à Cayenne (Gran Balan). Pourra-t-elle abandonner un moment ses passions, le temps de redescendre dans l’arène de la présidentielle ? « S’il faut le faire ensemble, oui je serai là », a-t-elle soufflé sur France Inter.
Éditions La DécouverteAvec Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel, elle a publié en 2020 une histoire du féminisme de la Révolution française à nos jours au titre bien senti, Ne nous libérez pas, on s’en charge, mot d’ordre de plus de deux siècles d’une bataille ininterrompue. C’est plus largement autour de l’histoire des femmes que l’universitaire a noué ses recherches, avec une approche fondée en partie sur l’intersectionnalité, qui lui permet d’appréhender une réalité de plus en plus tangible : l’imbrication des mouvements citoyens – [#MeToo](https://www.vanityfair.fr/dossiers/dossier/metoo/8786), [#BLM](https://www.vanityfair.fr/dossiers/dossier/black-lives-matter/5227), droitsLGBT – visant à une même émancipation.
JC DurandOn lui doit l’exposition sur Les musiques de Picasso, à la Philharmonie de Paris. En travaillant sur la vie et l’œuvre de Sonia Delaunay, l’historienne de l’art était tombée sur une formule du maître espagnol datant des années 1960 : « Je n’aime pas la musique. » Ainsi a-t-elle commencé à remonter les partitions du maître, de Malaga aux Ballets russes. Conclusion : « Il n’était pas mélomane mais il s’intéressait à la musique telle qu’il la voyait. »
Marie Rouge« L’activisme féministe est souvent renvoyé à l’émotion. La domination masculine ne serait qu’un sentiment, une impression, quelque chose de pas rationnel. Alors que c’est chiffré et objectif », martèle Lauren Bastide. Partant de ce constat, elle a publié Présentes (Allary), suite logique des conférences qu’elle tient depuis 2018 au Carreau du Temple avec les fers de lance de la génération [#MeToo](https://www.vanityfair.fr/dossiers/dossier/metoo/8786) et antiraciste. Une façon de remettre la parole des femmes dans l’espace public, dans la lignée du podcast La Poudre qu’elle anime depuis 2016.
Joel Saget / AFPElle n’a pas que des amis et c’est un euphémisme. Elle est même l’ennemie par excellence pour beaucoup de monde, à droite comme à gauche. C’est dire si elle nous intéresse, celle qui a réussi en une année à fâcher plus de monde que dix provocateurs réunis. C’est que cette jeune quadragénaire au caractère entier est très peuplée à l’intérieur d’elle-même : débattent en une seule et même femme, une journaliste, une essayiste, une militante LGBTQIA+ et une élue, conseillère de Paris sur la liste d’union de Paris en commun-Écologie pour Paris dans le XIIe arrondissement.Ça fait beaucoup. Mais les deux Alice Coffin qui ont le plus secoué l’année sont l’essayiste et l’élu EELV. Le Génie lesbien, paru en septembre chez Grasset, est un texte qui ne cherche pas toujours la nuance, démontrant qu’une femme gagne à vivre en se passant totalement des hommes, et qui a recueilli des critiques aussi dans les rangs féministes, entre les historiques (Élisabeth Badinter, Michelle Perrot) qui y ont vu une radicalité qu’elles jugent caricaturale et stratégiquement peu payante (mais par peur de froisser qui ?) et celles (d’obédience queer) qui craignent que sa pensée aboutisse un jour à faire revenir le spectre d’un féminisme purement essentialiste, là où l’urgence est plutôt d’accueillir dans les rangs du mouvement les trans, les femmes racisées, ou tout corps minoritaire exploité.Mais c’est surtout l’élue qui a fait trembler la maison, au point que, trois mois après son élection, Anne Hidalgo l’a considérée comme « ne faisant plus partie de la majorité municipale ». Au centre de cette querelle, un homme, le très puissant adjoint à la culture Christophe Girard, considéré comme indéboulonnable. Alice Coffin et une autre élue EELV, Raphaëlle Rémy-Leleu, ont pris à l’été 2020 la tête d’un mouvement qui tient Girard pour cible. La raison ? Les liens profonds qu’entretiendrait l’élu avec Gabriel Matzneff, écrivain ouvertement pédophile, mis en cause en début d’année par Le Consentement, le livre d’une de ses anciennes victimes, Vanessa Springora. L’hôtel où Matzneff vivait une liaison avec Spingora, pour échapper à la surveillance de la police, était payé par la fondation Pierre-Bergé - Yves-Saint-Laurent du temps où Girard en était le secrétaire général. De loin en loin, d’autres déjeuners suivront, toujours avec Matzneff, payés par la mairie de Paris comme l’ont révélé Le Monde et le New York Times, poussant finalement Christophe Girard à la démission le 23 juillet 2020. Alice Coffin vit sous protection policière depuis plusieurs mois, subissant un cyberharcèlement d’une rare violence, et l’Institut catholique de Paris où elle enseignait depuis 2012 n’a pas voulu renouveler son contrat.
