Le reconfinement, coup de grâce pour notre santé mentale ?

reconfinement santé mentale
Après plusieurs scénarios envisagés pour endiguer la deuxième vague de la pandémie de Covid-19, la France se reconfine pour une période d’un mois minimum. Une décision qui risque d’avoir des répercussions sur notre santé mentale. L'éclairage de la psychologue Magali Croset-Calisto.

C'était la décision tant redoutée. Après plusieurs semaines alarmantes, la seconde vague de Covid-19 est bel et bien là, et pour tenter de ralentir la propagation du virus, le gouvernement français a décidé de confiner de nouveau tout le territoire. Une décision compliquée à appréhender pour celles et ceux qui se remettent tout juste de la première période d’enfermement, mais aussi pour celles et ceux qui sont encore et toujours en première ligne. 

Dépression, burn out, isolement et désespoir : tout laisse à penser que ce deuxième confinement de l’année va déclencher ou amplifier bien des maux, notamment pour les personnes seules et/ou âgées, qu’on désigne parfois comme la génération sacrifiée de cette pandémie mondiale. 

Magali Croset-Calisto, psychologue, psycho-addictologue et autrice* nous aide à comprendre l’impact de cette décision sur la santé mentale de tout un chacun, et nous livre des clés pour mieux appréhender la période qui vient et l’isolement inhérent à la situation.

Vidéo du jour

Marie Claire : Les Français, déjà éprouvés par le 1er confinement, sont pour beaucoup abattus face à l'annonce d'un reconfinement. Y-a-t-il de quoi craindre pour notre santé mentale ?

Magali Croset-Calisto : Oui et non. On peut d’abord craindre un réenclenchement des traumatismes du premier confinement, une réactivation des peurs, du stress, des angoisses face à la situation. De plus, cette deuxième vague peut être perçue comme encore plus anxiogène et entraîner des phobies, des TOC, des dépressions et décompensations physiques ou psychiques plus importantes encore.

A l’inverse, le premier confinement a permis à certaines personnes de trouver des ressources pour faire face. Celles-ci vont ainsi pouvoir développer une résilience et mettre à profit leurs outils - techniques ou mentaux - pour ne pas se laisser atteindre par l’isolement. Rapidement, ils et elles vont ainsi pouvoir reprendre l’habitude d’appeler leurs proches en visio par exemple. De manière générale, il y a moins d’inconnu, ce qui est sécurisant pour certain(e)s.

Aussi, il faut souligner que l’offre de soin et de santé, qui a été très réactive en terme de digitalisation durant la première période, est de nouveau sur le front. C’est un point rassurant pour les patients.

Cette mesure, annoncée à quelques semaines des fêtes de fin d'année, ne risque-t-elle pas d’ajouter de nouveaux maux au stress et au mal-être ambiant ?

C’est possible. Il ne faut pas minimiser l’impact du stress sur la vie et le psychisme des individus. Dans le développement du stress, on observe trois phases : la phase d’alerte, la phase de résistance et la phase d’épuisement. Nombreuses sont les personnes qui sont encore en résistance ou en phase d’épuisement. Je pense particulièrement aux personnes âgées, aux personnes atteintes d’une autre maladie que la COVID ou aux professionnels de santé, qui n’ont pas pu recharger leurs batteries. De fait toutes ces personnes-là auront plus de risques d’être en dépression, ou de développer des maladies cardio-vasculaires par exemple.

Le burn-out des professionnels est aussi à craindre. Il faut que ces personnes aient un accès aux soins médico-psychologiques le plus tôt possible.

Quel bilan tirez-vous à date, en tant que professionnelle, de l'impact du premier confinement ? Qu'avez-vous observé chez vos patients par exemple ?

Lorsqu’il y a un stress important, le corps va chercher des solutions. En la matière, les consommations de drogues ou de médicament représentent souvent une “solution”. Toutefois, concernant les addictions, les Français ont été assez exemplaires puisque si les ventes d’alcool ou de cigarettes ont augmenté, leur consommation semble avoir été plutôt bien régulée par les usagers. Sauf pour le cannabis, dont la consommation a augmenté chez les fumeurs réguliers.

L’alerte est plutôt au niveau des prescriptions de benzodiazépines (les anxiolytiques) puisque la France, arrive aujourd'hui en seconde place après le Brésil. Ainsi, les Français plutôt que de chercher des stimulants, se sont plus portés vers les substances et médicaments anxiolytiques et “planants”. Il est nécessaire d’être dans la prévention, notamment via les médecins généralistes, pour permettre aux personnes qui en ont besoin de ne pas “s’accrocher” aux produits. 

En plus que ces questions d'addiction, j’ai également pu observer des états anxieux et dépressifs, des nouveaux TOC et phobies, comme par exemple la peur des transports en commun. 

Enfin, beaucoup d’états de stress post-traumatique chez les personnes qui n’ont pas pu participer aux obsèques d’un proche par exemple mais surtout, chez les professionnels de santé. Des infirmières, aide-soignantes, kiné égalements viennent consulter… et heureusement ! La plupart d’entre eux sont encore sur le terrain, en première ligne alors qu’ils devraient être arrêtés car épuisés.

C’est important qu’ils et elles puissent parler et apprendre comment affronter la deuxième vague via les thérapies cognitivo-comportementales. 

Y a-t-il des personnes plus à risques concernant ces dangers inhérents à l’enfermement et à l’isolement ?

De manière générale, ce sont les mêmes que pour le premier confinement : les personnes seules et/ou âgées, les professionnels de santé et aussi les personnes qui vivent en Ehpad, bien que les dispositions aient été prises pour conserver les liens cette fois-ci. 

Le manque d’interactions sociales, inhérent à la situation sanitaire, ne risque-t-il pas d’avoir un impact sur le long terme ? 

Magali Croset-Calisto : L’être humain est un animal social. Quand on lui coupe ses relations, on lui coupe une partie de cette vitalité. Nous avons pour la plupart d’entre nous la chance d’avoir des connexions à la maison. Je conseille à tous mes patients d’appeler et d’utiliser Internet pour rester en contact fréquent, en particulier en visio, avec ses proches afin d’éviter un sentiment de solitude.

Quels outils peut-on mettre en place pour préparer et accompagner cette nouvelle période de confinement ?

On vient d’en parler mais cultiver le contact avec ses proches, c’est un premier point. Ensuite, mon conseil c’est de ne pas regarder les informations en continu et en boucle : une à deux fois par jour, c’est largement suffisant. Être abreuvé d’informations non stop, crée des pensées négatives, qui elles-mêmes créent des pics de cortisol (hormone du stress) et enclenchent tensions et douleurs physiques et peur. 

De même, autre outil : la téléconsultation. Je travaille beaucoup sur le sujet en ce moment et avec l’arrivée des téléconsultations une accélération thérapeutique s’opère. Premièrement parce qu'elles sont fondamentalement démocratiques, elles annulent les notions de déserts médicaux et privilégient un accès à tous et pour tous. Deuxièmement parce que les études démontrent qu’une accélération thérapeutique dans le suivi et la prise en charge psychologique ou médicale ont lieu. Parler depuis chez soi à un médecin ou un psychologue est souvent plus simple et plus intimiste que dans un cabinet de consultations, surtout en cas de pandémie. Si les téléconsultations sont possibles selon la pathologie bien-sûr, alors il ne faut pas hésiter pas à utiliser ce moyen. La distance physique ne crée pas de distance psychologique. 

Enfin, il faut s’essayer à de nouvelles activités en art-thérapie par exemple. Se distraire, essayer de nouvelles choses, c’est fortement conseillé pour permettre de s’évader. 

Comment détecter autour de nous des personnes en souffrance, alors même que l’on est à distance ?

Cela va paraître tout bête mais il faut poser la question. “Comment vas-tu ? Comment vis-tu le confinement ? Est-ce que tu es stressé ? Que puis-je faire pour toi ?”

Ensuite, il y a des symptômes qui ne trompent pas : la tristesse inexpliquée, les insomnies, l’irritabilité, la consommation plus importante de tabac, d’alcool, de médicaments aussi… Tous ces comportements doivent alerter et il faut ensuite diriger la personne vers son généraliste d’abord, qui pourra faire un premier relai vers des spécialistes comme un psychologue ou un addictologue.

Y a-t-il des signes auxquels prêter attention pour soi-même, afin d'éviter de se laisser entraîner dans une spirale négative ?

Comme pour les proches : les troubles du sommeil, la fatigue, l’envie de rien, le désespoir sont des critères à ne pas minimiser. La peur économique redouble la peur sanitaire. C’est très difficile de ne pas céder au désespoir ou à la panique, surtout pour les personnes fragiles économiquement ou psychiquement. Il faut essayer de garder confiance coûte que coûte, développer son sens de l’empathie - s’intéresser aux autres pour sortir de soi - et maintenir au maximum les liens avec autrui au quotidien.

Et puis il ne faut pas hésiter à prendre rendez-vous en présentiel ou visio avec les psychologues. Ils sont là pour vous entendre et vous accompagner au mieux durant cette période anxiogène. Se faire aider n’est pas un signe de faiblesse mais une sagesse pour tenir soi-même et soutenir ensuite ses proches. 

*”Moins de stress grâce au sexe", (Ed. Albin Michel, 2019)

[Dossier] Reconfinement : ce qui est désormais interdit et ce qui est encore autorisé - 135 articles à consulter

La Newsletter Égo

Bien-être, santé, sexualité... votre rendez-vous pour rester en forme.