Risque de tumeur cérébrale : le Lutényl et le Lutéran dans le viseur de l’Agence du médicament

Le gendarme du médicament a émis de nouvelles recommandations sur l’utilisation du Lutéran et du Lutényl, deux médicaments pourtant très courants.

 Rien qu’en 2019, près de 400 000 femmes ont consommé le Lutényl et le Lutéran.
Rien qu’en 2019, près de 400 000 femmes ont consommé le Lutényl et le Lutéran. LP/Olivier Corsan

    Alerte sur les médicaments Lutényl (acétate de nomégestrol), Lutéran (acétate de chlormadinone) ainsi que leurs génériques — des dérivés de la progestérone — destinés aux troubles gynécologiques! Ils sont à utiliser avec beaucoup de précautions face au risque accru de tumeurs cérébrales bénignes qu'ils peuvent entraîner, alerte l'Agence du médicament (ANSM) après avoir mené une vaste enquête sur ces traitements destinés à traiter des troubles menstruels, de la ménopause, ou préménopause, l'endométriose, mais aussi, et moins souvent, comme contraceptifs. Le sujet est brûlant : rien qu'en 2019, près de 400 000 femmes ont consommé ces médicaments.

    Désormais, leur utilisation doit être restreinte à des indications précises et être la plus courte possible. Dans le cas contraire, leur consommation doit être réévaluée « au minimum tous les ans » car « le risque augmente fortement avec la dose cumulée, la durée et l'âge de la patiente », précise l'étude. Il est même multiplié par 12,5 à partir de cinq ans de traitement sous Lutényl, et par 7 après trois ans et demi sous Lutéran.

    Cette étude a porté sur 1,8 million de femmes ayant pris de l'acétate de nomégestrol et 1,5 million de l'acétate de chlormadinone, entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2018. Au total, « plus de 1000 méningiomes (NDLR : des tumeurs des enveloppes du cerveau, en grande majorité bénignes) opérés sont attribuables à ces deux molécules entre 2007 et 2018, soit environ 100 cas par an », a révélé l'épidémiologiste Alain Weill, directeur adjoint d'Epi-phare, qui a piloté l'étude.

    Un suivi par IRM

    Face à ces nouveaux résultats, l'ANSM a émis de nouvelles recommandations, et notamment la surveillance des patientes par imagerie cérébrale (IRM). Ces examens doivent être réalisés quel que soit l'âge de la patiente « à tout moment pendant ou après le traitement en cas de signes évocateurs de méningiomes », « au bout d'un an de traitement lorsque ce dernier nécessite d'être poursuivi, puis cinq ans après la première IRM, puis tous les deux ans tant que le traitement est poursuivi » mais aussi en cas de « facteurs de risques identifiés », prévient l'ANSM.

    Cette dernière précise que pour les femmes en situation de « ménopause, cycle artificiel en association avec un oestrogène, irrégularités du cycle, syndrome prémenstruel, mastodynies non sévères ou contraception (sans facteur de risque cardiovasculaire associé) », le « bénéfice-risque est considéré défavorable » et il ne faut ainsi pas utiliser ces traitements.

    Lorsque les alternatives thérapeutiques ont « échoué » ou sont « contre-indiquées », le « bénéfice-risque est considéré favorable » pour une utilisation du Lutényl pour les femmes connaissant des « hémorragies fonctionnelles, des ménorragies liées aux fibromes en préopératoire ou une mastopathie sévère », indique l'Agence. Pour le Lutéran, les critères sont similaires mais l'ASNM précise que l'utilisation de ce traitement est également « favorable » pour les femmes atteintes d' endométriose.

    Ces recommandations font suite à une précédente étude réalisée par l'ANSM et publiée en juin. Elle établissait déjà la forte augmentation du risque de méningiome chez les femmes prenant ces traitements. Un comité d'experts doit se réunir le 22 janvier pour discuter des documents d'informations destinés à accompagner ces recommandations.