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Les entrepreneuses plus touchées par la crise du Covid-19

2020 a accentué encore les inégalités femmes-hommes dans la tech française. Moins soutenues par les fonds d'investissement, 69 % des entrepreneuses ont été contraintes de suspendre leur activité. Sista, think tank spécialisé sur le sujet, met en lumière dix d'entre elles à suivre en 2021.

De gauche à droite : Soraya Jaber, Laura Medji, Léa Verdillon et Jean Guo.
De gauche à droite : Soraya Jaber, Laura Medji, Léa Verdillon et Jean Guo. (Montage : Mathilde Steullet/DR/Aurélia Blanc/DR)
Publié le 18 janv. 2021 à 07:00Mis à jour le 18 janv. 2021 à 11:57

Déjà largement sous-représentées parmi les créateurs de start-up et les investisseurs, les femmes ont aussi plus souffert depuis le début de la crise sanitaire : 69 % des entrepreneuses ont ainsi été contraintes de suspendre leur activité pendant le confinement, contre 49 % chez les hommes, selon un sondage d'Initiative France mené auprès de 9.000 dirigeants de TPE. Pis, 66 % d'entre elles avouent ne pas avoir été en mesure de se rémunérer, contre 55 % des hommes.

« Tous les chiffres montrent que les femmes ont été plus impactées depuis le début de la crise, confirme Déborah Loye, directrice générale de Sista, think tank d'aide à la promotion de la diversité dans la tech. Le phénomène a été accentué par le déséquilibre des charges au sein des foyers, et elles se sont clairement retrouvées plus seules. » Pour les aider, Sista perpétue sa liste des dix femmes à suivre dans la tech, que « Les Echos » présente en exclusivité. Entrepreneuses, investisseuses et cadres dirigeantes, elles représentent toutes les voies possibles de réussite dans le secteur.

2025, le cap pour changer la donne

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Avec des tickets deux fois et demie moins importants que leurs homologues masculins au même stade, Sista se donne 2025 comme horizon pour rattraper ce retard. D'ici là, l'autre objectif est de porter à 25 % la part des start-up fondées par des femmes dans les portfolios des fonds et éviter que ne se reproduise l'effet des douze derniers mois que décrit la directrice de Sista : « Les entrepreneuses ont été beaucoup moins aidées durant la crise car elles sont tout simplement moins représentées dans les fonds. Cela montre l'importance du réseau et la nécessité de le mettre à contribution sur le sujet. »

Les dix femmes à suivre dans la tech en 2021 · Agnès Bazin, chief development officer de Doctolib.· Valentine Baudouin, cofondatrice de Founders Future et business angel.· Jade Francine, cofondatrice et COO de WeMaintain.· Jean Guo, cofondatrice et CEO de Konexio.· Soraya Jaber, CEO chez Minsar.· Carole Juge, cofondatrice et CEO de Joone.· Marie-Capucine Lemétais, partner chez Ring Capital.· Laura Medji, cofondatrice et CTO de TracktorEva Sadoun, cofondatrice et CEO de Lita.co.· Léa Verdillon, VC chez Aglaé Ventures.

Jean Guo, la combattante pour l'inclusion socio-économique

Elle a un CV intimidant (Standford, Harvard, Ecole d'économie de Paris, etc.), mais sa simplicité et sa modestie sont déroutantes. A vingt-neuf ans, Jean Guo est la cofondatrice et directrice générale de Konexio, un organisme qui favorise l'inclusion socio-économique, notamment des migrants, à travers les outils du numérique.

Une problématique qui tient en partie à son histoire personnelle. Née en Chine, Jean Guo quitte son pays avec sa famille pour s'installer aux Etats-Unis à l'âge de cinq ans. L'occasion d'observer de près les difficultés auxquelles font face les migrants. « Ma mère n'osait pas répondre au téléphone en anglais », raconte-t-elle.

Elève brillante, Jean Guo parvient à surmonter facilement les obstacles et est admise dans les meilleures universités du pays. Elle devient ensuite consultante dans la Silicon Valley, le temple de la tech. Mais en 2015, la jeune femme change de vie. Elle obtient la prestigieuse bourse Fulbright et atterrit à l'Ecole d'économie de Paris, où elle réalise des recherches sur les difficultés économiques et sanitaires des populations marginalisées, notamment les réfugiés et les migrants.

Après avoir appris le français à la vitesse de l'éclair, Jean Guo fonde Konexio en 2016. Au fil des ans, cet organisme a grandi et propose désormais une large palette de formations dans le domaine du numérique, en Ile-de-France mais aussi à Bordeaux. En parallèle, Konexio mène depuis 2019 une mission dans un camp de réfugiés au Malawi. Le parcours de Jean Guo en témoigne : pour elle, les frontières n'ont jamais été un problème.

Soraya Jaber, l'autodidacte de la réalité virtuelle

L'uniformité des profils des acteurs des start-up a parfois quelque chose de déprimant. La personnalité et le parcours de Soraya Jaber n'en sont que plus remarquables. « Je suis un ovni », sourit la cofondatrice d' Opuscope, une société de création d'expériences immersives et connectées.

Pas grand-chose pourtant ne prédestinait cette femme à devenir une figure de proue de la French Tech. Une fois le bac scientifique en poche, la jeune femme s'inscrit… en licence d'histoire de l'art à l'université Paris 1-Sorbonne. Un choix lié à notamment à une professeure qui l'a marquée et qu'elle ne regrette pas. « L'histoire permet de comprendre d'où l'on vient et permet de mieux savoir où on va », estime-t-elle.

Le destin de cette fille d'un père marocain et d'une mère française bifurque en 2014 quand elle rencontre Thomas Nigro, avec qui elle a une passion commune pour la technologie et l'art. « On a eu un coup de foudre amical », glisse-t-elle. Deux ans plus tard, les amis cofondent Opuscope. La société, qui a levé 3 millions d'euros en 2019, a créé un logiciel sans ligne de code baptisé « Minsar ». Il est destiné aux créatifs et permet de créer facilement des expériences de réalité augmentée et de réalité virtuelle.

« On a compris rapidement que le futur de l'informatique serait immersif et que tout le monde serait équipé en appareil de réalité augmentée, qu'il s'agisse de casques ou de lunettes », rembobine-t-elle.

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La jeune femme, qui se décrit comme une autodidacte, apprend vite et est à l'aise dans ses baskets de patronne. « Etre CEO, c'est le métier parfait pour moi : cela me permet de toucher à énormément de choses. » L'année 2021 démarre fort pour elle car, après plusieurs mois de travail, elle dévoilera le 21 janvier prochain la dernière version de Minsar, en partenariat avec Facebook. Soraya Jaber en est convaincue : il s'agit de « la plateforme no code la plus avancée de l'écosystème ».

Laura Medji, toujours en quête de nouveaux défis

C'est dans sa nature. A intervalles réguliers, Laura Medji a besoin de se lancer des nouveaux défis pour se régénérer. En ce début d'année 2021, l'entrepreneuse de trente-trois ans consacre l'essentiel de son temps à la structuration du think tank The Gentle Project, qui vise à favoriser la diversité (genre, ethnique, sociale) dans le milieu de la tech.

Un engagement logique pour cette entrepreneuse qui avait déjà été associée de près aux actions de Sista et de Startup Banlieue ces dernières années. En parallèle, elle s'apprête à lancer une chaîne YouTube dans laquelle elle veut partager son expérience de l'entrepreneuriat.

« Ce rôle de modèle s'est imposé à moi car je ne m'étais jamais pensée comme une femme dans la tech », glisse Laura Medji, qui a siégé au Conseil national du numérique (CNN). Il faut dire que, pendant ses études supérieures - comme lors de ses premiers pas dans le monde professionnel -, la jeune femme a vite constaté qu'il restait de nombreuses barrières à lever pour que l'égalité des sexes ne soit plus un sujet de débat.

Une fois son diplôme en informatique et mathématiques appliquées en poche, l'ingénieure entame une carrière dans la finance de marché (Natixis, Société Générale), un univers très masculin, avant de s'envoler pour New York où elle passera près de deux ans. A son retour dans l'Hexagone, en 2016, cette fan de basket et de cuisine change de voie et cofonde la start-up Tracktor, une marketplace d'engins de chantier entre professionnels. Après avoir contribué au développement de cette jeune pousse pendant quatre ans, la jeune femme a quitté son poste de CTO à la fin 2020 - elle reste tech advisor de Tracktor - afin de se consacrer à ses nouveaux projets. Comme toujours, cette boulimique de travail s'y donnera à 100 %.

Léa Verdillon, l'investisseuse discrète

Ne comptez pas sur elle pour chercher la lumière. Léa Verdillon, investisseuse chez Aglaé Ventures, fait partie de cette jeune génération qui préfère démontrer par l'exemple qu'annoncer à tout-va ses objectifs. Pourtant, à vingt-neuf ans, elle a déjà accompagné six entreprises en conseil d'administration, dont Heuritech, Uptime et PrestaShop. Elle s'est forgé ce « track record » chez Serena, un fonds qu'elle a rejoint à sa sortie de HEC. « J'y ai fait mes classes en sourcing et analyse des opérations, se rappelle la jeune femme. Depuis, l'environnement a bien changé. Avec deux collègues, nous avions lancé les apéros des VC [capital-risque, NDLR] de moins de trente ans. Au début, nous étions une quinzaine et désormais la liste en compte plus de 200. »

Avec cet engouement pour l'investissement dans les start-up, la compétition est montée d'un cran, ce qui ne dérange pas Léa Verdillon. « Au contraire, cela nous pousse à l'excellence. Et c'est sur le long terme que nous pourrons réellement mesurer notre performance. » Après quatre ans et demi passés chez Serena, elle décide de rejoindre l'équipe d'Aglaé Ventures. C'était il y a un an, quelques semaines avant le premier confinement, et son choix s'est nourri d'une ambition plus large. « Dans ce métier, on se rencontre facilement. Et lorsque Cyril Guenoun [partner d'Aglaé] m'a proposé de venir, le challenge m'a plu. La structure investit en late stage depuis longtemps, et la partie amorçage est beaucoup plus récente. J'aime arriver au début de l'aventure, avec une petite équipe et une prise de décision rapide. La dimension internationale a également joué dans mon choix », explique-t-elle.

Malgré la difficulté à concrétiser des levées de fonds depuis un an, l'investisseuse en capital-risque a participé à deux opérations, Modjo.ai et Livestorm. Dans sa quête, Léa Verdillon assure n'avoir jamais été confrontée de manière négative au fait qu'elle soit une femme dans un secteur largement représenté par les hommes. « Les compétences l'emportent sur le genre, mais il est évident que l'on doit parler de la mixité. Il faut rester humble sur le sujet, et c'est la somme de petits éléments qui feront les grandes réussites. C'est en cherchant les bonnes entrepreneuses que j'apporte ma pierre à l'édifice, et je ne veux surtout pas commencer à donner des conseils à qui que ce soit. »

Adrien Lelièvre

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