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Décryptage

Le long chemin des femmes pour accéder au pouvoir économique

Stéréotypes de genre dans les organisations et dans la société, sexisme ordinaire, culpabilité et syndrome de l'imposteur chez les femmes dirigeantes, faiblesse des réseaux… Pour accéder au pouvoir, le chemin est long et la pente est raide.  

Catherine MacGregor est directrice générale d'Engie.
Catherine MacGregor est directrice générale d'Engie. (JOEL SAGET/AFP)

Par Laurence Boisseau

Publié le 23 janv. 2021 à 11:51

Il a fallu attendre 2016 pour qu'une femme soit nommée à la tête d'une des quarante plus grandes entreprises cotées françaises. A 49 ans, Isabelle Kocher est devenue directrice générale d'Engie . Avant elle, Nicole Notat, élue secrétaire générale de la CFDT en 1992 , avait été la première femme à la tête d'un syndicat de salariés, comme Laurence Parisot devint, en 2005, la première cheffe du patronat français. Certes, Anne Lauvergeon avait dirigé Areva, Hélène Ploix la Caisse des Dépôts et Consignations, Anne-Marie Idrac la RATP et la SNCF, et Clara Gaymard, General Electric France. Mais aucune de ces entreprises ou institutions n'appartiennent au CAC 40. A ce jour, Catherine McGregor, qui a succédé à Isabelle Kocher en 2020, reste la seule dirigeante dans l'indice.

Pourquoi, en 2021, les femmes n'accèdent-elles toujours pas à des postes de direction ? « Trouver une femme pour un poste d'administratrice est bien plus facile que d'en dénicher une pour un poste au comité de direction, explique Marie Donzel, directrice associée chez AlterNego. Les femmes administratrices peuvent cumuler ; pas les femmes dans les 'codir' ». Le sujet est évidemment complexe. « Evoquer la question de plus de mixité au codir, c'est taper dans la meule de foin de l'égalité des carrières en mode global - recrutement, promotion, formation, nominations » expliquait en 2018, Viviane de Beaufort, professeur à l'Essec Business School interviewée par l'agence Proches et l'association des professionnelles de la communication COM-ENT. 

« Ils ont parlé foot, rugby autour d'une bière, cela crée des liens »

A quelles difficultés les femmes sont-elles confrontées exactement ? « Historiquement, les réseaux de pouvoir économique et politique sont masculins, commente Anne-Françoise Bender, maîtresse de conférences en sciences de gestion au CNAM. On ne met pas un terme à des siècles de domination masculine en un claquement de doigts. Cela démarre dès le début de sa carrière. Dès les premiers niveaux d'encadrement, les hommes ont tendance à coopter d'autres hommes. Les relations de solidarité et d'entraide puis de mentorat se nouent plus naturellement car ils ont été dans les mêmes réseaux, ils ont parlé foot ou rugby autour d'une bière. Cela crée des liens » .

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« La femme autoritaire est perçue comme pire qu'un homme »

Outre le sexisme, les femmes font face à des stéréotypes dans la société (en famille ou à l'école), mais aussi au travail. « Celle qui est trop féminine est séductrice ; celle qui est autoritaire sera perçue comme pire qu'un homme », remarque une sociologue. Aux premières maternités, entre 30 et 40 ans, leur carrière marque généralement le pas. Le présentéisme, cette habitude bien française, les dessert. Et souvent, elles doivent lutter contre elles-mêmes.

«Les femmes n'osent pas candidater, elles culpabilisent de ne pas s'occuper assez de leurs enfants en bas âge ou de leurs parents, elles attendent d'être absolument sûres que leur légitimité ne fera pas l'ombre d'un doute pour postuler» , ajoute Marie Donzel. Enfin, les réseaux féminins sont moins influents que ceux des hommes. Sans incitations donc, fissurer le plafond de verre des 20 % des femmes dans les comités de direction semble bien difficile.

Françoise Giroud, ancienne secrétaire d'Etat à la Condition féminine, disait : « La femme sera vraiment l'égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » Une prophétie qui ne semble pas encore prête de se réaliser. 

Laurence Boisseau 

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