Elles parlent pour toutes celles qui n'osent pas encore. Ces femmes souffrent d'endométriose et s'engagent aujourd'hui pour lever le tabou.
"Les femmes connaissent le mot mais la maladie reste encore floue. Nous souhaitons qu'elle soit connue, reconnue et combattue", explique Cécile Togni, la présidente d'Info-Endométriose, qui fête ses cinq ans et est devenue incontournable. Cette association a éveillé les consciences avec un slogan choc : "Les règles c'est naturel. Pas la douleur."
Derrière cette première campagne lancée en mars 2016, une femme : Chrysoula Zacharopoulou. Cette gynécologue et chirurgienne reçoit alors dans son cabinet des femmes désemparées, le corps en vrac et le cœur déchiré. "On partait de très loin. Si on ne parlait pas de quelque chose de naturel, comment évoquer une pathologie liée aux règles ? Mon idée était de sortir la maladie de l'ombre, libérer la parole des femmes et secouer la société pour mettre la pression aux pouvoirs publics", se souvient la fondatrice d'Info-Endométriose.
Les associations de patientes en première ligne
Grâce au soutien de l'actrice et réalisatrice Julie Gayet et de mécènes (L'Oréal, Kering Group, JC Decaux et Antalis), le message se fait plus fort. Trois conventions sont signées avec le secrétariat d'État chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes, les ministères des Solidarités et de la Santé et de l'Éducation nationale. Des affiches envahissent certains collèges et lycées, et l'audacieuse Cécile Togni, à la tête d'un bureau créatif, traque sans cesse de nouveaux outils pour sensibiliser les jeunes filles et garçons, notamment via Instagram et bientôt TikTok : "Grâce à notre manière d'informer, on arrive à sensibiliser sans effrayer."
Les femmes connaissent le mot mais la maladie reste encore floue. Nous souhaitons qu'elle soit connue, reconnue et combattue.
Ce travail pour mieux accompagner les femmes, avec l'aide des associations de patientes, porte ses fruits. Le 24 février 2021, un parcours d'information sur l'endométriose sera ainsi dévoilé sur sante.fr. L'idée ? Faire connaître cette maladie chronique caractérisée par la présence de foyers d'endomètre en dehors de la cavité utérine. "Ces lésions inflammatoires peuvent pénétrer dans certains organes comme la vessie, le rectum, le tube digestif ou parfois même le diaphragme", explique Michaël Grynberg, gynécologue obstétricien.
Ce qui doit alerter ? "Des règles très douloureuses mais aussi des problèmes digestifs importants ou vésicaux, du sang dans les selles et des douleurs profondes pendant les rapports sexuels."
Une maladie aux multiples facettes
Il n'existe pas une forme unique de cette pathologie qui touche une femme sur dix en France. C'est pour cette raison que Cécile Togni a lancé avec son association -et en partenariat avec le groupe Chantelle- le podcast Mon endométriose, une conversation entre deux femmes autour de leur vie avec la maladie. Beaucoup confient leur longue errance médicale.
Si les praticiens de demain seront plus concernés – l'endométriose a été ajoutée au programme des études de médecine de 2e cycle – Info-Endométriose rappelle l'urgence de former généralistes, gynécologues et radiologues. "L'imagerie, avec des examens de référence comme l'échographie et l'IRM, joue un rôle clé dans le diagnostic en visualisant l'ensemble des localisations et des kystes", explique la radiologue Lamia Jarboui. Elle évoque un retard de diagnostic, qui s'élève en moyenne à sept ans.
Si les machines sont désormais plus performantes et les images plus précises, encore faut-il savoir les lire. "L'intelligence artificielle pourrait éventuellement permettre d'élaborer des algorithmes de diagnostic", espère la vice-présidente d'Info-Endométriose.
Nous devons unir les meilleur·es scientifiques d'Europe et avancer sur les causes de l'endométriose. Ce qui est en jeu ? Un traitement.
Aujourd'hui, on connaît les symptômes de la maladie, mais une interrogation demeure. D'où vient-elle ? Les causes sont-elles génétiques, immunitaires ou environnementales ? Cécile Togni poursuit son action avec Info-Endométriose pour faire de la recherche une priorité : "Nous devons mobiliser nos mécènes pour le financement et les grands partenaires de la recherche pour avancer sur cette maladie."
C'est un combat qui pourra compter sur l'énergie de Chrysoula Zacharopoulou, devenue eurodéputée et membre du groupe Renew Europe. Celle qui a réussi à sensibiliser l'OMS et la Commission de la condition de la femme des Nations unies (CSW) à la question de l'endométriose entend porter le sujet au cœur du Parlement européen. "Il faut harmoniser les bonnes pratiques entre pays sur les droits des femmes mais aussi sur leur santé. La recherche est obligatoire. Nous devons unir les meilleur·es scientifiques d'Europe et avancer sur les causes de l'endométriose. Ce qui est en jeu ? Un traitement."
Actuellement, pour bloquer son évolution, on propose la prise en continu d'une pilule contraceptive ou un dispositif intra-utérin visant à stopper les règles. Ou des traitements hormonaux plus forts, provoquant une ménopause artificielle. Mais elles sont nombreuses à se méfier de ce trop-plein d'hormones.
Palier aux douleurs
Et puis, reste la douleur, obsédante et omniprésente pour certaines. Le Dre Delphine Lhuillery, algologue et cofondatrice de Réseau ville hôpital endométriose (Résendo), rappelle qu'elle est composée d'un triptyque : "Un nerf irrité par la maladie, un corps qui ne bouge 128 plus et un cerveau qui mouline."
"Cette maladie irrite en permanence les terminaisons nerveuses où sont situées les lésions. Si le nerf est irrité, les tissus s'immobilisent et deviennent douloureux. Bouger est incontournable, même dix minutes par jour", conseille-t-elle. Les femmes sont nombreuses à raconter les bienfaits du Pilates ou du yoga. Certaines ont modifié leur alimentation en bannissant les aliments inflammatoires ou se sont dirigées vers la méditation ou la sophrologie pour renforcer les défenses cérébrales.
Comme la maladie est invisible, certains pensent encore que c'est de ma faute si je suis fatiguée ou que j'ai mal.
"La douleur active dans le cerveau des systèmes d'anxiété qui augmentent l'information douloureuse : c'est anatomique", insiste la coauteure du livre Tout sur l'endométriose. Et donc pas dans la tête ! "On passe souvent pour une chochotte. Comme la maladie est invisible, certains pensent encore que c'est de ma faute si je suis fatiguée ou que j'ai mal", déplore Christine Busset, 34 ans. "Il faut avoir le courage d'accepter cette douleur et d'avancer avec", explique cette consultante en documentation.
Ce n'est pas qu'une "maladie de femmes". Ses ravages peuvent avoir de sérieuses répercussions sur le couple. Comment vivre une sexualité épanouie quand les douleurs se font furieuses ? Comment passer du "projet bébé" à la brutale annonce d'une possible infertilité ? C'est à 37 ans, après quatre Fiv, que Cécile Togni a appris qu'elle souffrait d'une endométriose profonde.
Un message d'espoir
"Si on sait que la maladie a atteint les deux trompes ou les ovaires d'une jeune femme, il est désormais possible de lui proposer la congélation d'ovocytes, c'est une immense avancée", souligne Michaël Grynberg, à la tête du service de Médecine de la reproduction et préservation de la fertilité de l'hôpital Antoine-Béclère, de Clamart (mais aussi au service de médecine de la reproduction à l'hôpital Jean-Verdier, à Bondy). Et de rappeler : "Si l'endométriose entraîne un facteur de risque potentiel d'infertilité, la majorité des femmes ont leurs enfants naturellement."
Cela a été le cas de Laura Gauthier Petit qui porte aujourd'hui un message d'espoir. "Plus l'endométriose est identifiée tôt, plus on peut gérer son futur. J'ai eu un enfant, j'ai monté ma marque : cela ne m'a pas empêchée de réaliser une partie de mes rêves."
"Cette maladie a bouleversé mon parcours mais elle m'a aussi rendue plus forte", estime Cécile Togni. "Rester dans son coin et prendre sur soi n'est pas une solution : il faut en parler", rappelle avec force Sunny Ringle. Écoutons ces femmes et soutenons-les.
Du 8 au 15 mars 2021, retrouvez une campagne de sensibilisation d'Info-Endométriose en partenariat avec France Télévisions.