Autour du Neubourg, plusieurs femmes maires parlent du sexisme en politique

Être une femme et maire d'une commune de l'Eure en 2021, qu'est-ce que cela signifie? Plusieurs d'entre elles, qui exercent autour du Neubourg, ont accepté de témoigner.

De gauche à droite: Françoise Maillard, maire d'Écauville, Laurance Bussière, maire de Daubeuf-la-Campagne, Catherine Samson, maire du Troncq, Claire Carrère-Godebout, maire de Graveron-Sémerville et Christiane Deparis, maire de Saint-Aubin-d'Ecrosville.
De gauche à droite: Françoise Maillard, maire d’Écauville, Laurance Bussière, maire de Daubeuf-la-Campagne, Catherine Samson, maire du Troncq, Claire Carrère-Godebout, maire de Graveron-Sémerville et Christiane Deparis, maire de Saint-Aubin-d’Ecrosville. (©Le Courrier de l’Eure / TL)
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Ce lundi 15 mars 2021, sur l’initiative de Laurance Bussière et du Courrier de l’Eure, cinq femmes maires d’une commune du Pays du Neubourg se réunissaient à la mairie de Daubeuf-la-Campagne (Eure). Étaient présentes : Laurance Bussière, maire de Daubeuf-la-Campagne depuis 2009 et présidente des maires ruraux de l’Eure, Catherine Samson, maire du Troncq depuis 2020, Claire Carrère-Godebout, maire de Graveron-Sémerville depuis 2008, Christiane Deparis, maire de Saint-Aubin-d’Ecrosville depuis 2014 et Françoise Maillard, maire d’Écauville depuis 2001.

La raison de leur présence ? Discuter, une semaine après la Journée internationale des droits des femmes, des expériences sexistes qu’elles ont pu vivre en tant que maires.

Quelques chiffres en France

- 20 % des maires sont des femmes
- 20 % des présidents de région sont des femmes
- 38 % des députés sont des femmes
- 12 % des présidents d’EPCI sont des femmes
- 13,8 % des présidents de département sont des femmes
- 31,6 % des sénateurs sont des femmes

D’emblée, elles s’accordent à dire qu’elles n’ont jamais fait face frontalement à des propos sexistes. Néanmoins, elles ont connu de nombreuses manifestations du sexisme qui sont souvent beaucoup plus insidieuses. Et toutes considèrent que vivre la fonction de maire en tant qu’homme ou en tant que femme ne signifie pas la même chose.

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« On essaie directement de nous mettre en porte-à-faux »

Dans les comportements d’abord. « Quand tu es une femme, les hommes se sentent beaucoup plus forts en face de toi et on doit montrer que l’on n’est pas affectée par ça », assure Laurance Bussière.

Les anecdotes se succèdent et l’une des maires raconte avoir porté plainte à la suite de lettres de menaces et remarques sexistes. Pour Catherine Samson, il faut « éviter la confrontation, parce que c’est ce qu’ils cherchent ». « Ça les embête quand on va dans leur sens », complète Laurance Bussière.

Christiane Deparis avoue, elle, qu’elle a déjà demandé à son premier adjoint de l’aider 

« Quand je sens que ça peut mal se passer avec la personne, j'essaie de ne pas être toute seule »

Christiane DeparisMaire de Saint-Aubin-d'Ecrosville

Élue depuis seulement un an, Catherine Samson considère toutefois qu’il y a des avantages à être une femme :

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« Il y a des choses qui passent bien mieux. Par exemple, j'ai constaté qu'on est plus agressif verbalement avec mes conseillers municipaux hommes qu'avec moi »

Catherine SamsonMaire du Troncq

Le procès en incompétence est aussi un sujet qui revient dans la bouche de toutes les édiles. « On voit que quand on ne maîtrise pas parfaitement un sujet, on essaie directement de nous mettre en porte-à-faux », constate Catherine Samson. « On aurait moins tendance à mettre en cause la parole d’un homme », observe Claire Carrère-Godebout. Comme si la politique était un métier d’hommes, ce qui fut longtemps le cas.

Isabelle Vauquelin : « Je n’ai pas rencontré de situation difficile »

« En toute franchise je n’ai pas rencontré de situation difficile. Nous avions déjà un maire qui était une femme avant, c’est peut-être lié à ça. Je suis quand même d’une génération où la parité était déjà dans le précédent mandat. Elle existe dans nos instances. En revanche mon statut de maire doit veiller à ce qu’il n’y ait pas de sexisme au quotidien, aussi bien avec mes interlocuteurs que dans les activités. Après, ce n’est jamais facile de tout détecter. Il peut y avoir des femmes malmenées socialement. Parfois une petite parole est suffisante pour qu’elle soit sexiste. »

« Ma mère m’a demandé si j’allais en être capable »

Même poser une simple question peut parfois donner lieu à des remarques. Laurance Bussière se souvient :

« Lors d'une réunion, je ne savais ce que voulait dire un sigle et j'ai demandé à mes voisins qui ne savaient pas non plus. Mais personne n'a posé la question. Quand on ose, ça donne l'impression qu'on ne sait pas. Pour un homme ça doit représenter une fierté de ne pas montrer qu'on ne sait pas »

Laurance BussièreMaire de Daubeuf-la-Campagne

Les maires interrogés confirment aussi que certaines barrières bien intégrées par la société sont difficiles à faire tomber. Claire Carrère-Godebout nous livre cette anecdote savoureuse :

« Ma mère était conseillère municipale. Mais quand je lui ai dit que je voulais devenir maire, elle m'a demandée si j'allais en être capable. Je lui ai demandé à mon tour si elle aurait dit la même chose si j'avais été un homme. Ça l'a fait réfléchir »

Claire Carrère GodeboutMaire de Graveron-Sémerville

« Dans mon village, des femmes avaient voulu se présenter mais ne l’ont pas fait par manque de temps », regrette Laurance Bussière. La question de la disponibilité se pose souvent moins pour les hommes.

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Les cinq maires reconnaissent qu’avec le temps, les choses bougent. « Mon deuxième mandat a été plus facile », glisse ainsi Claire Carrère-Godebout. Les élues sont également plus nombreuses que par le passé, même si on est encore très loin d’une vraie parité. « Il a fallu la loi sur la parité pour qu’on avance, c’est quand même dommage », conclut Laurance Bussière.

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