En 2012, je faisais paraître un livre intitulé The End of Men [“La Fin des hommes”, traduit en français, aux éditions Autrement, sous le titre Voici venu le temps des femmes], et la jaquette donnait à lire ce texte enjoué : “Aujourd’hui, fait inédit dans l’histoire, les femmes ne se contentent plus de rattraper les hommes, elles leur passent devant.”
Tragique candeur
Quel optimisme ! Quelle suffisance ! Quelle tragique candeur ! Je crois qu’à l’époque déjà je savais, au fond de moi, la fragilité de tout cela. Si les Américaines étaient parvenues à représenter la moitié de la population active, cela s’était fait sans presque aucun soutien institutionnel et avec zéro évolution des mentalités. Autant dire que cela tenait du miracle, et d’un miracle comme il est difficile d’en installer durablement. Nous n’y sommes pas parvenus.
Avec la pandémie, la part des femmes dans la population active est retombée à son plus bas niveau depuis 1988. L’année du film Working Girl (vous vous rappelez ?), où dans la scène finale l’héroïne se pâme devant son lugubre nouveau bureau comme si c’était le Taj Mahal. L’année aussi de cette bonne vieille blague entre collègues : “Les toilettes pour dames, s’il vous plaît ? Haha, il n’y en a pas !” 2020-1988 : la chute est rude.
Retour au bercail
Aussi douloureux cela soit-il, force est de le reconnaître : l’arrivée en masse des femmes sur le marché du travail était biaisée dès le départ. Aux États-Unis, la culture du travail a toujours œuvré à l’exclusion des femmes cadres et à l’asservissement des ouvrières.
Ajoutez à cela, en cette ère de capitalisme tardif, des salaires qui stagnent et ne permettent pas de faire vivre une famille avec un seul revenu. En la matière comme en bien d’autres, la pandémie n’a été que le révélateur d’un phénomène qui aurait dû sauter aux yeux.
La dernière grande vague de destruction d’emplois date de septembre 2020 : 865 000 femmes sont alors sorties de l’emploi, contre seulement 216 000 hommes.
Quels facteurs démographiques ont convergé à ce moment précis ? C’était la rentrée scolaire. Les parents d’enfants en bas âge avaient expérimenté, durant l’année scolaire précédente, la difficulté d’effectuer leur propre travail tout en s’improvisant enseignant, et en avaie
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Consacré pour une bonne part à la ville de New York, ce magazine est aussi réputé pour ses longs formats sur la vie culturelle et politique américaine. Né en 1964 comme supplément dominical du New York Herald Tribune et relancé comme hebdomadaire indépendant en 1968, New York a servi de modèle à de nombreux magazines urbains aux Etats-Unis, sachant capter l’air du temps grâce à ses couvertures audacieuses et à la plume talentueuse d’auteurs comme Tom Wolfe. Sa grande période a pris fin en 1976 avec son rachat par Rupert Murdoch. Depuis 2003, il appartient à la famille du financier Bruce Wassertein et a connu un renouveau salué par de nombreux prix. Fidèle à sa double vocation, il fait office de guide culturel et gastronomique de la Grosse Pomme tout en étant très respecté pour sa couverture de la politique. En 2014, il est devenu bimensuel.
Très complet, le site NYmag.com tient lieu de guide de la ville et des sorties. Il permet d’effectuer des recherches thématiques (musées, magasins, restaurants), mais propose également des articles sur l’actualité culturelle, sociale et politique.