La cérémonie de mariage d’Ouadane, ville historique du nord de la Mauritanie, aurait dû être placée sous le sceau du bonheur. Mais, alors que l’union des mariés était à peine prononcée, elle a été l’objet d’une polémique. Selon plusieurs médias, Moima, une femme noire de l’ethnie des Haratines, dont sont issues la plupart des personnes victimes d’esclavage en Mauritanie, a été offerte en dot à la mariée. “Le citoyen mauritanien a offert une esclave haratine à sa dulcinée”, rapporte le site d’information mauritanien Le Calame.

Une information qui fait scandale. Le 31 mars, une manifestation a été organisée devant le palais présidentiel de Nouakchott, place de la Liberté. De concert, militants des droits humains et représentants de la classe politique ont appelé les autorités à condamner cet acte.

Bras de fer

Le président de SOS Esclaves, Boubacar Ould Messaoud, lui-même descendant d’esclaves, affirme avoir reçu la confirmation des faits de la part des personnes concernées. “Les personnes impliquées dans cette pratique d’esclavage se sont présentées à nos locaux d’Atar pour se plaindre de la divulgation de l’affaire d’Ouadane et pour nous affirmer, en présence de témoins, ici présents, que Moima est leur esclave”, explique-t-il.

Mais pour le pouvoir en place, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), une organisation proche du pouvoir, a, au terme d’une enquête, nié en bloc l’existence “de preuves relatives à l’apologie de l’esclavage”.

Cette affaire fait ressurgir un long bras de fer entre les autorités mauritaniennes et les organisations de défense des droits de l’homme autour de la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Si l’esclavage a été aboli formellement en 1981, puis criminalisé par les lois de 2007 et 2015, en pratique, une partie de la population est encore asservie. Et dans un pays où la couleur de peau donne lieu à une hiérarchisation des humains, les Haratines, les Noirs, en sont les premières victimes.

Les pouvoirs politique, militaire, économique et même intellectuel sont occupés par les Maures blancs depuis l’indépendance du pays, qui a eu lieu en 1960. Pourtant, “depuis vingt-cinq ans, [l’État] s’obstine à nier l’existence de l’esclavage”, déplore Boubacar Ould Messaoud.