Première

Au Chili, la future assemblée constituante sera entièrement paritaire

Le pays élit ce week-end les citoyens chargés de rédiger la future Constitution pour remplacer celle héritée de l’ère Pinochet. La moitié seront des femmes.
par LIBERATION et AFP
publié le 12 mai 2021 à 7h59

«Plus jamais sans nous, les femmes.» L’élection de la prochaine Assemblée constituante au Chili, entièrement paritaire, marque une avancée spectaculaire dans la participation et la représentation politique des femmes dans le pays sud-américain. Plus de 70 ans après avoir obtenu le droit de vote, les Chiliennes représenteront la moitié des 155 membres de l’Assemblée citoyenne élus samedi et dimanche pour rédiger la future Constitution du pays destinée à remplacer celle héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990).

Le critère de parité a prévalu à la fois pour l’inscription des candidatures et pour l’élection elle-même, à savoir que si deux hommes arrivent en tête, seront reconnus vainqueurs l’homme ayant recueilli le plus de voix et, au fil de la liste, la femme ayant obtenu le plus de suffrages. «C’est un tournant pour la participation politique des femmes» au Chili, s’est félicitée récemment Monica Zalaquett, la ministre des Femmes et de l’Egalité des genres.

Malgré une loi sur les quotas votée en 2016, la participation des femmes en politique reste faible au Chili où les écarts de salaires entre hommes et femmes sont importants (28%) et où le taux d’emploi féminin est un des plus bas d’Amérique latine (36%). Au Parlement, 35 des 155 députés sont des femmes, et 10 des 43 sénateurs. Dans ce contexte, la parité de l’Assemblée constituante est une des victoires les plus éclatantes du mouvement féministe chilien qui a pris de l’ampleur ces dernières années.

«C’est historique, cela ouvre une fenêtre de possibilités incroyables», se réjouit Emilia Schneider, candidate à l’Assemblée constituante et première femme transgenre présidente de la Fédération des étudiants de l’Université du Chili. «Ce que nous avons réussi au Chili est historique», renchérit Sofia Brito, devenue une figure du mouvement féministe chilien après avoir dénoncé publiquement le harcèlement sexuel dont elle avait été victime, étudiante, de la part d’un célèbre professeur de droit à l’université.

Féminisme

En 2017, le mouvement de défense des droits des femmes avait obtenu le vote d’une loi sur l’avortement en cas de viol, risque pour la vie de la mère et non viabilité du fœtus. Jusque-là le Chili interdisait strictement tout avortement.

Et il a fallu attendre septembre 2020 pour que soit modifié le code civil maintenant une discrimination ancienne contre les femmes qui devaient attendre, à la différence des hommes, 270 jours avant de pouvoir se remarier après leur divorce ou leur veuvage pour dissiper les doutes sur la paternité d’éventuels enfants.

La parité de la Constituante est «quelque chose de surprenant dans un pays qui a été si lent à faire des avancées vers l’égalité concernant les conditions de la femme dans les postes de pouvoir», constate Marcela Rios, du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Les féministes comptent d’ailleurs bien profiter des débats de la Constituante pour aborder les nombreuses difficultés auxquelles sont confrontées les femmes. «Une Constitution doit être considérée dans une perspective féministe dès son tout premier article», affirme Sofia Brito. «La perspective de la dissidence féministe et sexuelle est quelque chose que nous voulons aborder dans tout le processus constituant, parce qu’il y a une tendance des secteurs les plus conservateurs à rétrécir nos espaces», estime également Emilia Schneider.

Cependant, toutes deux mettent en garde contre le fait qu’avoir des femmes élues ne garantit pas que les idées féministes auront toute leur place dans la nouvelle Constitution. «Nous devons tenir compte du fait que le féminisme n’est pas une identité, mais un projet politique et une vision du monde», assure Emilia Schneider.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus