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La Fédération française de rugby avalise l’inclusion des transgenres

La position de la FFR contredit la décision de World Rugby, il y a quelques mois, de leur restreindre l’accès au plus haut niveau, au nom de « la sécurité et l’équité ».

Par  et

Publié le 17 mai 2021 à 09h42, modifié le 17 mai 2021 à 19h51

Temps de Lecture 4 min.

La Fédération française de rugby (FFR) devait inscrire dans son règlement, lundi 17 mai, l’inclusion des personnes trans dans toutes ses compétitions, a appris Le Monde. La FFR devient la première fédération sportive hexagonale à inclure les athlètes transgenres, sans distinction, dans son règlement.

« Depuis longtemps, la FFR permet à des personnes transgenres, qui ont une assignation de genre, de jouer dans la catégorie de leur état civil, expose Serge Simon, le vice-président de la fédération. Mais notre nouvelle réglementation intégrera également les transidentitaires, des personnes en cours de transition. » Cette décision, actée à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, va à l’encontre des recommandations édictées à l’automne 2020 par World Rugby, la fédération internationale de rugby.

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Une femme identifiée comme homme à la naissance pourra ainsi participer à toutes les compétitions dans les catégories féminines « à partir du moment où elle initie son changement d’état civil et suit un traitement hormonal de douze mois », précise Jean-Bernard Marie Moles, qui a porté le projet et préside la commission antidiscriminations et égalité de traitement, créée par la FFR.

Première joueuse de rugby transgenre en première division – et la seule connue à ce jour –, Alexia Cérénys se félicite de « l’avancée majeure » que constitue cette évolution du règlement. « C’est un moyen de déconstruire les préjugés que l’on peut entendre sur les personnes transgenres dans le sport », assure au Monde la joueuse de 35 ans, qui évolue au club de Lons, dans la périphérie de Pau (Pyrénées-Atlantiques).

Principe de non-mixité

Depuis plusieurs mois, l’Ovalie se cristallise autour d’un débat complexe : comment maintenir l’équilibre entre l’inclusion, la sécurité et l’équité des sportives et sportifs qui changent de genre ? Car, dans le sport, le principe de non-mixité demeure, pour respecter une égalité supposée au départ : les femmes, d’un côté, les hommes, de l’autre.

A ce titre, World Rugby est devenue, en octobre 2020, la première instance internationale du sport à « recommander » que les athlètes femmes trans ne disputent pas ses compétitions internationales féminines – comme la Coupe du monde ou les Jeux olympiques –, « où la taille, la force, la puissance et la vitesse sont autant d’éléments sensibles à la fois pour le risque et la performance ». Une recommandation résonnant comme une interdiction, au nom de « la sécurité et l’équité », qui s’appuie sur une étude observant qu’une joueuse assignée femme à la naissance a « au moins 20 % à 30 % de risque supplémentaire » de blessure lorsqu’elle est plaquée par une femme transgenre ayant eu une puberté masculine.

Cette différence de gabarit qui mettrait en péril les femmes cisgenres, Alexia Cérénys s’en agace. « Dans mon équipe, une joueuse dépasse les 120 kg. Quand on la plaque, ça peut faire mal, constate la joueuse originaire des Landes. Mais c’est l’essence du rugby, on a des plus ou moins grosses, des plus ou moins athlétiques. Le genre, c’est la dernière chose que l’on regarde. »

Sur les réseaux sociaux, de nombreuses joueuses dans le monde ont affiché leur taille et leur poids, assortis du message : « Je ne suis pas un risque à la sécurité, et les femmes trans non plus », après que la Fédération anglaise de rugby (RFU) a envisagé de soumettre les femmes transgenres pesant plus de 90 kilos ou mesurant plus de 1,70 mètre à une évaluation par un entraîneur avant d’être autorisées à jouer.

« Pas de refus automatique »

« Si l’on rentre dans le complexe débat de l’équité sportive, il faut commencer par lever la barrière fausse d’une équité naturelle, où nous partirions tous, d’une même ligne de départ, avec les mêmes qualités, soutient Serge Simon, par ailleurs médecin, qui s’était opposé aux nouvelles consignes de World Rugby. Réduire la performance dans un sport à une seule puissance musculaire ne doit pas être un prétexte pour écarter une population. »

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Afin de garantir la sécurité de tous, selon le nouveau règlement de la FFR, une commission statuera au cas par cas si des joueuses transgenres aux dimensions hors norme veulent prendre leur licence, « mais il n’y aura pas de refus automatique », certifie Jean-Bernard Marie Moles.

Une cinquantaine de joueurs et joueuses transgenres se sont manifestés en Angleterre quand la RFU a institué un règlement similaire à celui adopté en France – le Canada, les Etats-Unis et l’Australie ont fait de même. Mais il est difficile d’évaluer le nombre de personnes concernées dans le rugby français, car le sujet reste tabou. Depuis qu’elle est médiatisée, Alexia Cérénys explique ainsi avoir eu des retours de transgenres « qui voulaient reprendre le rugby, mais n’osaient pas franchir le pas ». Elle-même a longtemps appréhendé son retour au jeu après sa transition, il y a dix ans. « Reprendre dans un sport collectif, ce n’est pas évident. »

« Dans notre sport, nous nous targuons certainement un peu trop des “valeurs du rugby”, poncif parfois tourné en dérision, souligne Serge Simon. Des valeurs de fraternité et de tolérance où tous les profils et tous les horizons seraient acceptés. Il faut mettre les actes en adéquation avec les paroles. » Et ne pas botter en touche, une fois la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et transphobie passée, histoire que « le rugby pour tous », le slogan de World Rugby, prenne vie.

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