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En Russie, le premier procès de l’excision

Environ 1 300 petites filles seraient victimes de cette mutilation génitale chaque année essentiellement dans le Caucase. Un drame qui reste largement ignoré et impuni en Russie.

Par  (Moscou, correspondant)

Publié le 03 décembre 2020 à 23h13, modifié le 04 décembre 2020 à 05h52

Temps de Lecture 5 min.

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Des habitantes du village de Komsomolskoïe en République du Daghestan, dans le Caucase du Nord (Fédération de Russie), en 2015.

LETTRE DE MOSCOU

C’est une histoire sombre et tortueuse comme les vallées des montagnes qui l’abritent. L’histoire d’un drame et d’un tabou exposés, pour la première fois, sur la place publique : celle de l’excision des petites filles, pratiquée dans certaines régions du Caucase russe et que le courage d’une mère amène devant un tribunal.

L’histoire est celle d’une fillette de 9 ans, A., vivant avec sa mère après le divorce de ses parents. Le père s’est remarié et ne s’intéresse guère à l’éducation de A. et de son frère. Jusqu’à un jour de juin 2019, quand il demande que les deux lui soient envoyés à Magas, capitale de l’Ingouchie, petite république coincée entre l’Ossétie du Nord et la Tchétchénie.

A son arrivée, A. est emmenée dans une clinique par sa belle-mère. Si elle n’obéit pas, elle mourra, lui dit-on, alors qu’elle s’inquiète de voir une médecin fouiller entre ses jambes. Elle revient de la clinique ses habits pleins de sang et en larmes, racontera plus tard le frère.

Le lendemain, frère et sœur sont renvoyés chez leur mère, en autobus. A. est fiévreuse, malade et choquée. A l’hôpital, un chirurgien constate « une plaie ouverte de 5 à 6 millimètres au niveau du clitoris et des petites lèvres ». Sa mère ne met pas longtemps à comprendre : elle-même avait dû accepter l’opération, au moment d’épouser son mari. Dans la communauté de cet homme, impossible d’imaginer se marier avec une femme non excisée. Celui-ci confirme d’ailleurs au téléphone à son ex-femme : « Comme ça A. ne sera pas excitée. »

Une pratique méconnue des Russes

Ce qu’elle a accepté pour elle-même, la mère refuse de l’accepter pour sa fille. Elle se tourne vers la justice tchétchène où elle réside. « A plusieurs reprises, elle a reçu des menaces, témoigne Tatiana Savvina, juriste de l’ONG Initative juridique, qui organise la défense de la mère. Les juges eux-mêmes ont tenté de la décourager et de lui faire abandonner les poursuites. » Peine perdue : la détermination de la mère et de sa fille est intacte. En novembre 2019, un procès s’ouvre, qui est toujours en cours, retardé par la pandémie due au coronavirus.

Ce procès est un événement : il est le premier à concerner un cas d’excision dans toute l’histoire de la Russie et une occasion pour le pays de s’interroger sur cette pratique très méconnue des Russes eux-mêmes. « Quasiment aucun spécialiste ne s’y intéresse », regrette Ioulia Antonova, coautrice du premier rapport écrit sur le sujet, en 2016, sous l’égide d’Initiative juridique ; cette ONG est d’ordinaire spécialisée dans les enlèvements ou les crimes d’honneur.

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