C’est sans doute une première en France : à Paris, un lieu devrait être bientôt créé pour rendre hommage aux femmes victimes de violences, notamment conjugales. Ainsi en ont décidé les élus de la capitale, réunis mardi 1er juin en conseil municipal. Un projet en ce sens a été présenté par le maire socialiste du 13e arrondissement, Jérôme Coumet, et adopté à l’unanimité.
Il ne s’agit encore que d’un vœu, mais un emplacement est déjà envisagé pour poser une plaque ou créer un mémorial, non loin de la place de la Bergère-d’Ivry, dans le 13e arrondissement. Comme le projet dans son ensemble, le lieu proposé est éminemment symbolique. Aimée Millot, dite la « bergère d’Ivry », était une jeune femme de 19 ans, orpheline, qui faisait paître ses chèvres à Ivry. Elle est restée dans l’histoire pour avoir été assassinée par Honoré Ulbach, le 25 mai 1827, par « dépit amoureux ». L’affaire, qui fit sensation, a notamment été évoquée par Victor Hugo et Régine Deforges, qui y a consacré son dernier roman, publié de façon posthume en 2014.
Aujourd’hui, combien d’Aimée Millot ? « Dans notre pays, une femme meurt assassinée par son conjoint ou ex-conjoint tous les deux jours et demi, a rappelé mardi Jérôme Coumet dans l’hémicycle de l’Hôtel de ville. Hier, nous apprenions le 48e féminicide de l’année. » A Douai (Nord), une femme de 33 ans a ainsi été retrouvée chez elle couverte d’hématomes et de traces de coups multiples, et a succombé dans la nuit de dimanche à lundi, « de cause apparemment traumatique ». Son concubin a été placé en garde à vue pour homicide volontaire.
Chaque année en France, quelque 220 000 femmes subissent des violences conjugales et 93 000 sont victimes de viol ou de tentative de viol, selon les chiffres officiels, qui ne tiennent pas compte de toutes celles qui se taisent. Un bilan terrible, qui s’est alourdi avec la crise sanitaire.
« Un lieu pour briser le silence »
Ces femmes, victimes de violences dans le cadre privé, le plus souvent, « nous ne les voyons pas, nous ne les entendons pas, nous ne les connaissons pas », a relevé Jérôme Coumet. « On en parle dans les faits divers, mais, avec le temps, il n’en reste plus grand-chose », a ajouté sa collègue Laurence Patrice, l’adjointe (Parti communiste) d’Anne Hidalgo chargée de la mémoire.
Pour rendre visible ce phénomène massif, des militantes collent depuis plusieurs années des affiches dans les rues. En janvier, un collectif a aussi installé un « mémorial » provisoire dans un passage couvert du 11e arrondissement, en collant des papiers portant les prénoms de 111 femmes assassinées en 2020 : Sarah, Virginie, Grâce, Mathilde, Claudette… Dans la même logique, les élus parisiens emmenés par la gauche souhaitent qu’un lieu plus pérenne soit consacré à la mémoire de ces victimes. Il pourrait servir de point de rassemblement, de recueillement, d’hommages publics. « Un lieu pour briser le silence », selon la formule de Jérôme Coumet.
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