Portrait de femmes Camille du Gast, la première pilote de course automobile

Il y a à Paris, près de Ménilmontant, une rue Crespin du Gast. Dans une ville où les rues portent des noms d’hommes d’état, de militaires, de peintres ou de poètes, en voilà une qui rend hommage à un coureur automobile, une « coureuse » qui plus est… mais la toute première !
Daniel Allignol - 06 juin 2021 à 17:00 - Temps de lecture :
 | 

Si Camille du Gast fut la première pilote de course automobile, elle n’en a jamais gagné une seule. Alors pourquoi a-t-elle mérité l’honneur d’avoir donné son nom à une rue de la capitale ?

Eh bien, c’est tout autant pour le rôle qu’elle a joué lors de la tragique course Paris-Madrid que pour avoir échappé de justesse à la mort, en 1905, durant la course de bateaux à moteur Alger-Toulon ou encore pour son ardeur à lutter contre les sévices infligés aux animaux et l’aide qu’elle a apportée, tout au long de sa vie, aux pauvres et aux malades.

Camille du Gast s’appelle en réalité Camille Crespin. Elle est l’épouse de l’un des directeurs et principal sociétaire des grands magasins Dufayel, ce qui la met à l’abri du besoin.

Son mari – à une époque où la libération de la femme est encore une notion chimérique – lui apporte une aide précieuse en faisant preuve d’une certaine indulgence vis-à-vis de ses nombreuses passions, pas toujours considérées comme très féminines en cette fin de siècle.

C’est sans doute pour cette raison qu’elle préfère conserver son nom de jeune fille pour les exercer.

De toutes ses passions, escrime, tir au pistolet et à la carabine, escalade, équitation… (elle excelle dans toutes !), il en est une qu’elle partage avec son mari, le vol en ballon. C’est donc comme « aérostière » que Camille du Gast commence à capter l’intérêt du public dans les années 1890.

En 1900, elle assiste au départ de l’une des manches de la Coupe Gordon-Bennett disputée sur 560 km de Paris à Lyon, via Orléans. C’est alors que naît sa nouvelle passion, l’automobile.

Comme par hasard, c’est à peu près au même moment que son mari achète une Peugeot et une Panhard et Levassor qu’elle conduira bien vite avec suffisamment de dextérité pour oser, en 1901, s’inscrire à la course Paris-Berlin. 

L’arrivée de la première femme dans un sport qui est la chasse gardée des hommes fait sensation mais ne soulève pas forcément l’enthousiasme de ces messieurs. Très vite, pourtant, Camille saura conquérir le cœur du public français.

 Des débuts prometteurs

Lors de sa première course, elle conduit sa Panhard & Lavassor avec prudence et en est récompensée par une 19ème place au classement réservé aux grosses cylindrées et une 33ème place sur 147 concurrents (tous masculins évidement) au classement général.

Un exploit d’autant plus étonnant qu’elle conduisait une voiture de tourisme alors que pratiquement tous les autres concurrents étaient au volant de voitures spécialement conçues pour la course.    

Deux ans plus tard, Camille du Gast s’inscrit à la tristement célèbre course Paris-Madrid. Elle a cette fois l’avantage de piloter sa propre voiture de course, une de Dietrich 30 ch, faisant face à un plateau de départ fort de 275 voitures.

Au fil des kilomètres, elle va bénéficier du soutien enthousiaste du public français, ce qui fait paraître bien amer ce commentaire de la revue anglaise The Autocar : « les hommes français, forts galants, l’applaudissent et lèvent leurs chapeaux mais, pour notre part, nous devons confesser un sentiment de doute en ce qui concerne la participation de femmes à ces courses de longue distance particulièrement dangereuses. »

Nullement troublée par de telles observations, Camille remonte neuf places sur les 120 premiers kilomètres de la course. A la sortie de la ville de Libourne, elle était même grimpée à la huitième place lorsqu’elle arrive à l’endroit où le pilote britannique Phil Stead vient d’avoir un accident avec sa de Dietrich. Elle s’arrête et procure les premiers soins au concurrent qui est très sérieusement blessé.

En dépit des exhortations de Stead qui la supplie de poursuivre sa course, elle reste auprès de lui jusqu’à l’arrivée des secours. Elle reprend alors la route, et finit à la quarante-cinquième place d’une course arrêtée à Bordeaux par ordre gouvernemental en raison de trop nombreux accidents : 15 blessés, 7 morts dont 2 pilotes, en particulier Marcel Renault, 3 mécaniciens et 2 spectateurs. C’en était fini des grandes courses de ville à ville sur route ouverte.

Camille va continuer à courir brillement jusqu’en 1904, année où l’Automobile Club de France (ACF) l’exclut de la compétition sous prétexte de « nervosité féminine » !

Une femme à la mer !

Camille Du Gast se tourne alors vers les courses de bateau à moteur, justifiant à nouveau son surnom de « walkyrie de la mécanique ».

En 1905, lors d’une course reliant Algers à Toulon, alors que toute la flotte des concurrents a été décimée par une violente tempête, elle échappe de peu à la noyade en étant repêchée par le « Kléber », un croiseur-cuirassé !

Camille, en dépit de son abandon, est déclarée vainqueur. De tous les concurrents, c’est elle qui a réussi à s’approcher le plus de Toulon, la ville d’arrivée.

Les dernières années de la vie de Camille seront plus calmes mais tout aussi passionnées. Présidente de la Société Protectrice des Animaux de 1910 à 1942, elle ne cessera pas de travailler à soulager la détresse des plus pauvres tout en militant activement pour l’avancée des droits des femmes et leur émancipation. Elle meurt en 1942, à la 72ème année d’une vie aussi passionnée que passionnante.

Newsletter. L'essentiel de la semaine
Chaque samedi

Inscrivez-vous à "L'essentiel de la semaine", et retrouvez notre sélection des articles qu"il ne fallait pas rater lors des sept derniers jours.

Désinscription à tout moment. Protection des données