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TRIBUNE

En Afrique de l’Ouest comme ailleurs, pas d’égalité sans vrais budgets

Violences sexuellesdossier
A une semaine de l’ouverture du Forum génération égalité, le 30 juin à Paris, les membres du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest francophone prennent la parole, afin que l’égalité ne demeure pas un concept mais devienne un engagement ferme et chiffré.
par Les membres du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l'Ouest francophone
publié le 23 juin 2021 à 11h17

En 1995 se tenait à Pékin le premier grand rassemblement mondial pour l’égalité, où les Etats du monde entier ont pris des engagements. La plupart d’entre nous n’étaient même pas né·e·s. Toute notre vie, nous avons donc grandi dans un monde où les promesses de luttes contre les violences basées sur le genre n’ont pas été tenues.

Nous, jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest francophone, sommes conscient·e·s des efforts régulièrement fournis par nos dirigeant·e·s dans la rédaction de magnifiques discours. Mais nous réclamons un réel investissement financier dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Mieux vaut une victime prise en charge et sauvée que cent discours qui nous répètent les mêmes rimes.

Faire confiance aux organisations de femmes

Quand on sait que 30% des filles ouest-africaines âgées de 15 à 19 ans sont mariées, divorcées ou veuves… quel avenir pour elles, sans moyens, sans structures d’accueil ?

Quand des millions de filles excisées doivent être accompagnées dans leur reconstruction, bâtir des centres de prise en charge holistique ne se fera pas avec des déclarations de principes !

Combien de victimes de violences pourraient être prises en charge en débloquant plus de moyens pour les associations locales, y compris dans les zones les plus reculées ?

Encore une question : trouvez-vous judicieux de ne pas faire confiance aux organisations de femmes et de filles qui triment sans relâche au quotidien sur le terrain, auprès des victimes ?

Bon nombre de déclarations internationales ont été faites pour rendre les services de droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR) plus accessibles aux filles et aux jeunes femmes. Néanmoins, ces promesses doivent encore être transposées dans la législation nationale de nombreux pays. Dans la réalité, ces droits sont donc loin d’être garantis. Dans notre volonté de changement, nous, membres du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest, exigeons des services de santé adaptés et non stigmatisants. Qu’attendent les Etats pour nous accompagner ?

Vingt-cinq ans après Pékin, nous revoilà sur les traces des engagements pris par nos Etats à l’occasion du Forum génération égalité, qui a lieu du 30 juin au 2 juillet à Paris. Puisque nous sommes la «génération égalité», donnez-nous les moyens pour coconstruire et vivre dans un monde sans violences basées sur le genre (VBG) !

Investir dans les programmes d’éducation

Trop de filles et de femmes sont encore victimes de mariages forcés, de mutilations sexuelles et d’autres formes de VBG. Elles suivent les choix dictés par la société et non ceux qu’elles auraient faits elles-mêmes. Les féministes continuent d’être en danger pour la cause qu’elles défendent, et la question des DSSR continue d’être un sujet de seconde classe pour nos gouvernants. Jusqu’à quand devons-nous crier notre mécontentement ?

Aujourd’hui, nous nous adressons à vous, les Etats présents au forum, et particulièrement les Etats ouest-africains : saisissez cette opportunité pour investir dans les programmes d’éducation des filles et femmes, subventionnez les organisations féministes locales et associez-nous systématiquement à la table de discussion. Car c’est ensemble que nous écrirons la nouvelle page de l’histoire.

Aujourd’hui, débute à 13 heures (GMT) un grand «tour du monde» virtuel féministe, dans le cadre de la mobilisation mondiale #StopTalkingStartFunding. Pendant vingt-quatre heures, des féministes du monde entier vont partager en ligne leurs réalités à travers des événements militants. Nous y serons. Et nous comptons sur votre présence. Cela n’a l’air de rien, mais votre présence, même virtuelle, contribuera à ce mouvement progressiste pour les droits des femmes et filles dans le monde.

Signataires :

Bénin : Irmine Ayihounton, Carine Hountondji, Jonas Kindafodji, Mariette Montcho, Mistoura Salou

Burkina Faso : Viviane Dah Konditamdé, Wendyam Micheline Kabore, Ezoma Juliette Nathalie Bakyono

Côte-d’Ivoire : Agathe Blanc, N’tchin Euphrasie Coulibaly

Guinée : Hadja Idrissa Bah, Denise Epiphanie Haba, Antoine Fassou Loua

Mali : Awa dite Mah Camara, Oumou Salif Toure

Mauritanie : Dieynaba Ndiom

Niger : Halimatou Zika Sombeize

Sénégal : Rose Diémé, Nene Fatou Maricou Rocha, Zipporah Ndione, Aminata Thioye

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