Pakistan: tollé après des propos d'Imran Khan liant viol et tenue vestimentaire

Par AFP

Des femmes manifestent à Islamabad le 23 juin 2021 pour demander des excuses au Premier ministre pakistanais Imran Khan après qu'il eut affirmé que les victimes de viols étaient "très peu vêtues"

Des femmes manifestent à Islamabad le 23 juin 2021 pour demander des excuses au Premier ministre pakistanais Imran Khan après qu'il eut affirmé que les victimes de viols étaient "très peu vêtues"

Photo - AFP - Aamir QURESHI

Karachi - Le Premier ministre pakistanais Imran Khan a suscité jeudi l'indignation des organisations de defense des droits des femmes après avoir affirmé que les victimes de viols étaient "très peu vêtues".

Dans une interview à l'émission de télévision Axios, l'ancien champion de cricket a établi un lien entre le comportement des hommes et la tenue vestimentaire des femmes, des propos jugés "dangereusement simplistes" par une dizaine d'ONG qui lui ont demandé de s'excuser.

"Si une femme est très peu vêtue, cela produira un effet sur les hommes à moins qu'ils ne soient des robots. C'est une question de bon sens", a déclaré Imran Khan interrogé sur l'épidémie de violences sexuelles et de viols qui sévit au Pakistan. Il n'a pas précisé de quels vêtements il parlait, dans un pays où l'immense majorité des femmes porte une tenue traditionnelle très couvrante.

Plus d'une dizaine d'organisations de défense des droits des femmes dont la Commission pakistanaise des droits humains, un organe indépendant, ont demandé au Premier ministre de s'excuser pour ces propos.

Les déclarations du Premier ministre "sont dangereusement simplistes et ne font que renforcer l'opinion générale selon laquelle les femmes sont des victimes "conscientes" et les hommes des agresseurs "démunis", ont estimé ces organisations.

Elles "octroient l'impunité à ceux qui sont coupables de viol, actes de sodomie et agressions", a déclaré à l'AFP Karamat Ali, responsable de l'Institut pakistanais pour le travail, l'éducation et la recherche, signataire de la déclaration.

"Je frémis à l'idée que bien des violeurs se sentent cautionnés aujourd'hui (par les propos du) Premier ministre approuvant leur crime", a tweeté Kanwal Ahmed, membre d'une organisation de défense des droits des femmes.

Début avril, Imran Khan avait déjà déclenché la polémique pour avoir établi un lien entre le viol et la manière dont les femmes s'habillent.

Il avait ensuite expliqué que la raison pour laquelle les femmes se voilent dans l'islam est de se soustraire à la tentation.

Les victimes de viols sont souvent considérées avec suspicion au Pakistan et les plaintes pour agression sexuelle y font rarement l'objet d'enquêtes sérieuses.

Une grande partie du Pakistan vit sous un code patriarcal, basé sur la notion d'"honneur", qui systématise l'oppression des femmes.

Mais le mécontentement gagne du terrain face à la manière dont les cas d'abus sexuels sont traités.

Des manifestations de protestation massives avaient eu lieu en 2020 après le viol d'une mère en présence de ses enfants qui s'était retrouvée à court de carburant sur une route.

Un responsable de la police lui avait reproché de conduire seule la nuit sans la présence d'un conjoint.