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JO de Barcelone 1992 : l’Algérienne Hassiba Boulmerka, la victoire olympique au nez et à la barbe des islamistes

Ces Africains qui ont fait les JO (4). Le 8 août, en pleine décennie noire, la Constantinoise remporte le 1 500 mètres et apporte à l’Algérie la première médaille d’or de son histoire.

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Publié le 26 juillet 2021 à 18h00

Temps de Lecture 3 min.

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L’Algérienne Hassiba Boulmerka franchit la ligne d’arrivée du 1 500 mètres féminin le 8 août 1992 aux JO de Barcelone.

Le temps a beau défiler, l’exploit être presque trentenaire, Hassiba Boulmerka n’a rien oublié de cette journée catalane du 8 août 1992, quand elle permit à l’Algérie d’accéder au club des pays ayant obtenu au moins une fois une médaille d’or olympique. « Je me souviens de tout, de la façon dont j’avais géré ma course », explique-t-elle vingt-neuf ans plus tard, à propos du 1 500 mètres entré dans la légende.

Le 10 juillet 1992, à Barcelone, la Constantinoise vient tout juste de fêter ses 24 ans. Auréolée d’un titre de championne du monde obtenu un an plus tôt à Tokyo, au Japon, sur le 1 500 mètres en 4’2’’21, elle se sait capable d’inscrire son nom au sommet du palmarès olympique. « Quatre ans plus tôt, alors que je venais de participer aux JO de Séoul, je m’étais mis en tête que l’or, à Barcelone, serait pour moi. »

Pendant quatre ans, Hassiba Boulmerka, également spécialiste du 800 mètres, empile les titres et multiplie les courses en vue de son rendez-vous avec l’Histoire. « Plusieurs semaines avant les JO, je m’étais blessée. Une fois rétablie, j’ai décidé de ne faire que des stages, notamment à Paris et en Allemagne, et de m’entraîner, souvent avec des garçons, pour augmenter l’intensité. »

Le jour J, dans la chaleur catalane du Stade olympique de Barcelone, l’athlète algérienne est portée par une indicible confiance. Les qualifications sont bien négociées, et Hassiba Boulmerka prend le départ de la finale du 1 500 mètres dans la peau de la favorite. Mais elle n’est pas la seule : la Russe Lyudmila Rogacheva et l’Ukrainienne Tatiana Dorovskikh, toutes deux représentantes de la Communauté des Etats indépendants (CEI), ou la Chinoise Qu Yunzia, visent aussi la plus haute marche du podium.

« J’avais décidé que ce serait ma course, que je serais la reine ce jour-là, se souvient-elle en riant. Techniquement, je savais exactement quoi faire, je maîtrisais toutes mes foulées. » Et le scénario qu’elle avait imaginé se déroule sans le moindre accroc. Hassiba Boulmerka commence par rester en retrait et laisse Rogacheva et Yunzia prendre les devants. « A un moment, j’étais même quatrième. »

La réussite d’une femme

L’Algérienne est réputée redoutable dans les trois cents derniers mètres, une force qui lui a déjà permis de remporter plusieurs courses. Cette fois encore, au meilleur moment, juste avant la dernière ligne droite, elle double Yunzia, alors deuxième, puis Rogacheva, qui avait fait quasiment toute la course en tête. Hassiba Boulmerka vole littéralement vers la victoire, avec un temps de 3’55’’30.

« Quand j’ai franchi la ligne d’arrivée, j’ai d’abord pensé à l’Algérie, à qui je venais d’offrir sa première médaille d’or olympique, et j’ai poussé un cri de joie. J’ai pensé à tous ces moments de souffrance, ces entraînements sous un soleil de plomb ou sous une pluie glaciale, et que tous ces sacrifices en valaient la peine », se remémore-t-elle aujourd’hui.

A Alger, Oran, Constantine ou Bejaïa, la victoire de la jeune coureuse provoque des scènes de liesse populaire. Le pays, qui traverse les premières années de la terrible décennie noire, savoure un rare moment de joie. Mais la victoire de Hassiba Boulmerka ne fait pas plaisir à tout le monde. Notamment aux islamistes les plus radicaux, qui tolèrent mal la réussite d’une femme en tant que sportive de haut niveau.

Les menaces qui pèsent sur elle depuis plusieurs mois se précisent après son sacre olympique. La championne comprend aussitôt qu’elle est devenue une cible. C’est sous protection policière, et dans une voiture blindée, qu’elle quitte le stade, bien après les autres athlètes.

« Je suis musulmane et pratiquante, mais je ne voulais pas porter le hijab, et les islamistes ne le supportaient pas. Mais j’assumais totalement le fait de vivre comme je l’entendais, et de ne pas céder à la pression des plus extrémistes », affirme-t-elle. Pour autant, malgré cette certitude, « à 24 ans et quand on est seulement une sportive de haut niveau, on n’est pas préparée à cela, pas plus que de vivre entourée de gardes du corps », relate-t-elle.

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Quelques jours après son triomphe catalan, Hassiba Boulmerka passe quelques jours à Alger, pour fêter – sous haute sécurité – son titre. Son objectif est également d’organiser l’évacuation vers la France de son père, gravement malade. Pendant plusieurs années, elle-même sera contrainte à l’exil, notamment à Cuba, pour échapper à une menace devenue trop pesante.

Sommaire de notre série « Ces Africains qui ont fait les JO »

Ils et elles ont pulvérisé des records, fait vibrer les foules et mentir les préjugés de leur époque. Portraits de ces athlètes africains qui ont fait l’histoire des Jeux olympiques.

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