À l’origine des Amazones

Peinture d'une Amazone blessée (1754).
Peinture d'une Amazone blessée (1754).
À l'origine des Amazones
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À l’origine des Amazones

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Ces guerrières mythologiques ne sont pas que des personnages de fiction. Cavalières nomades, combatives et libres... Voici l’histoire vraie de ces femmes qui étaient les égales des hommes.

Les Amazones ont bel et bien existé mais avons-nous une image fidèle de ces combattantes antiques ? Entretien avec l'historienne de l'Antiquité et du folklore américaine Adrienne Mayor, qui a publié en 2014 The Amazons : Lives and Legends of Warrior Women across the Ancient World, Princeton University Press, traduit par Philippe Pignarre en français et paru à La Découverte en 2017.

Le mythe du sein coupé

Les mythes persistants ont fait d'elles des cavalières au sein coupé, des conquérantes misandres qui tuaient leurs fils... Pourtant, la réalité historique de leur existence contredit entièrement ces préjugés qui infusent depuis l'Antiquité.

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**Adrienne Mayor : "**Cette histoire leur colle à la peau comme de la Super Glue ! S'il y a bien une chose que les gens pensent savoir sur les Amazones, c'est le fait qu'elles se coupaient le sein pour devenir des archers. Et c'est absolument faux ! Quiconque a déjà tiré à l'arc sait que les seins ne sont pas un obstacle pour tirer des flèches ou jeter une lance. Je me suis aperçue que ce mythe a été créé au Ve siècle avant J.-C. par un historien grec. Il cherchait à savoir ce que le mot "Amazone" signifiait en grec ancien mais ce n'est pas un mot grec ancien. C'est un mot étranger que les Grecs ont emprunté. Nous ne connaissons pas son origine mais cet historien et grammairien grec voulait donner un sens grec au mot et il se trouve que "Amazone" ressemble au grec "a-mazos" ("sans sein" en grec).

Une fois trouvé, ce sens appelle une histoire et c'est comme ça que le mythe de l'Amazone "sans sein" est né. Alors même que c'est une idée ridicule d'un point de vue physiologique, elle a été perpétuée pendant 2 500 ans."

Des guerrières "équivalentes aux héros"

Premières figures de guerrières dans la mythologie, les Amazones apparaissent dans la fiction au VIIIe siècle avant J.-C. dans L’Iliade. Homère les décrit comme "équivalentes aux héros". Les Amazones fascinent les auteurs antiques pendant des siècles par leurs prouesses et leur courage.

Adrienne Mayor : "J'ai dédié un chapitre entier de mon livre aux squelettes d'Amazones, aux restes de femmes guerrières que l'on a retrouvés dans des tombes à travers les steppes du nord de la mer Noire et même en Bulgarie et en Roumanie. Donc, dans toute la région de la mer Noire et ensuite très à l'Est, jusqu'à la Grande Muraille de Chine, en Mongolie et en Asie centrale. On a trouvé des tombes qui contiennent les os de femmes de tous les âges. Elles sont enterrées avec leurs armes et leurs chevaux, parfois avec leurs armures. Elles ont des carquois remplis de flèches, des lances et parfois même des vêtements.

Nous savons qu'elles portaient des pantalons et des tuniques comme les hommes. Elles étaient enterrées avec les mêmes honneurs que les hommes. Elles avaient des blessures de guerre, comme les hommes. J'ai trouvé ça vraiment impressionnant. Et cela prouve qu'il existait dans l'Antiquité des femmes qui pouvaient chasser et faire la guerre, monter à cheval et tirer à l'arc. Et j'ai réalisé que cela faisait sens dans leur culture parce qu'elles vivaient dans un environnement très difficile. Difficile en matière de dénivelés, de paysages et de climat.

Elles étaient entourées de tribus hostiles, tout en étant elles-mêmes des petits groupes. Cela fait totalement sens d'élever tous les enfants - filles ou garçons - à monter à cheval, à chasser et à se protéger."

Des découvertes archéologiques retardées

Les Amazones ont donc bel et bien existé, mais leurs traces archéologiques n'ont été découvertes que tardivement. Pendant longtemps, les chercheurs associaient les tombes féminines à la présence de bijoux.

Adrienne Mayor : "Quand ils trouvaient des squelettes enterrés avec des armes, ils partaient du principe qu'il s'agissait d'hommes. Il n'y avait pas de bioarchéologie ou d'études d'ADN. Mais une fois que tout cela était à leur disposition, les gens ont commencé à changer d'avis. Pour autant, certains archéologues ont du mal à changer d'avis. Certains continuent de penser que les squelettes avec des armes doivent être des hommes. Mais nous savons aujourd'hui que ce n'est pas vrai. Je crois qu'il y a au moins 300 tombes de femmes retrouvées avec des armes et des blessures de guerre."

La Conversation scientifique
59 min