Amandine, morte de faim à 14 ans dans l'Hérault : "Je n’ai jamais cru à un suicide" témoigne son amie Emmanuelle

  • Emmanuelle est âgée de 18 ans. Emmanuelle est âgée de 18 ans.
    Emmanuelle est âgée de 18 ans. Midi Libre
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Jean-Pierre AMARGER

Emmanuelle est une étudiante en classe de prépa à Béziers. Alors qu’elle vivait en pension à Montpellier, elle a connu Amandine qui est décédée au mois de juillet 2020. La jeune fille, serait, selon les premières constatations, morte de faim à 14 ans.

"Nous étions ensemble, dans le même pensionnat de la cité scolaire Françoise Combes de Montpellier, précise l’étudiante à nos confrères de Midi Libre. Elle était en 5e et mois en 2nde. C’était une petite joyeuse, aimante. Elle attirait l’attention de tous. Toutes les deux nous avions particulièrement sympathisé."

Au sein de l’établissement les grands ont pour habitude de s’occuper des plus petits. Les aînés sont en quelque sorte les tuteurs des plus jeunes et parfois leurs confidents.

"Amandine était une petite qui aimait les autres. Elle était joyeuse, elle aimait la vie, être en compagnie des autres. Toujours en train de s’amuser. Malgré tout, un jour je l’ai vu pleurer. Cela arrivait les coups de cafards. Mais ce jour-là, elle m’a parlé de maltraitance. Elle m’a raconté qu’on la privait de nourriture à la maison. Elle m’avait parlé de ses week-ends en famille. J’étais tellement triste, j’ai tout fait pour qu’elle sourie au plus vite. Nous ne sommes jamais revenues sérieusement sur ce sujet."

La discussion n’est pas allée plus loin et Emmanuelle n’en a parlé à personne. Une discussion qui la ronge aujourd’hui.

Quand elle a appris le décès de son amie, elle a su tout de suite qu’il fallait en parler alors que tous ceux qui l’avaient côtoyé au pensionnat étaient dans la peine.

"Je m’en veux de ne pas avoir insisté."

"Je n’ai jamais cru à un suicide. Jamais ! On la savait tous forte. Nous avons appris la cause de son décès par un article dans la presse. Personne n’avait imaginé pareille fin. J’en ai parlé à mes parents. Ils m’ont dit de bien peser le pour et le contre, mais ne m’ont empêché de rien. Puis je suis allé au commissariat. Personne n’était au courant. Mais ils se sont rapprochés des gendarmes. Quelques jours plus tard ils m’entendaient. Aujourd’hui encore je m’en veux de ne pas avoir parlé plus tôt. Je m’en veux de ne pas avoir insisté auprès d’Amandine pour qu’elle signale sa grave situation."

Une tombe anonyme

Emmanuelle ne s’est pas arrêtée à son témoignage auprès des enquêteurs. Elle a tout mis en œuvre pour retrouver le père d’Amandine quand elle a appris pour l’interpellation de la mère et du beau-père de la défunte.

"J’ai pris contact avec le père d’Amandine et nous nous sommes rencontrés. Au début du mois d’août nous nous sommes retrouvés pour aller sur sa tombe. Il n’y a rien qui puisse dire qu’elle est là. Même pas une plaque (Emmanuelle a les yeux qui rougissent, la voix qui s’étrangle un peu, NDLR) Même pas son nom pour identifier les lieux. En plus, elle n’était pas là. Il y avait un trou et un tas de cailloux. J’ai l’impression que pour les besoins de l’enquête il va y avoir d’autres analyses et que le corps a été enlevé. C’est très dur, très émouvant de voir ça."

Face à cette situation, Emmanuelle a décidé de ne pas rester à attendre. D’autant qu’elle sait que le père d’Amandine a entrepris des démarches pour que le corps de la petite rejoigne sa famille dans les Pyrénées-Orientales.

"Elle est là-haut, à la Salvetat-sur-Agout, toute seule. L’idée est insupportable. Quand on arrive sur cette tombe, rien ne nous ramène à Amandine."

La jeune étudiante a lancé une cagnotte en ligne pour aider à fleurir la tombe de son amie. Elle n’a pas les moyens toute seule "d’égayer" un peu la sépulture.

"Je veux honorer la mémoire de cette petite. Je me sens coupable et c’est peut-être un moyen pour moi d’apaiser cette peine que j’ai de ne jamais avoir parlé. Ou trop tardivement. C’est aussi, en égayant cette tombe, le moyen de mettre en valeur tout ce qui caractérisait à mes yeux Amandine. Sa joie de vivre. Son besoin des autres. Son image, tout simplement. Je veux me battre pour tout ça. Je veux aller témoigner devant les juges et dire ce que j’ai entendu."

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