PMA : la longue attente des femmes noires

Echographie d'une femme enceinte ©Getty
Echographie d'une femme enceinte ©Getty
Echographie d'une femme enceinte ©Getty
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Pour avoir un enfant qui leur ressemble, les femmes noires, comme Sandrine, attendent en moyenne huit ans avant de bénéficier d'un don d'ovocytes en France. Les donneuses se font rares, c'est pourquoi Sandrine s'est résolue à partir à l'étranger. Pauline, elle, a décidé de donner ses ovocytes.

D'après l 'Institut National d'Etude Démographique (INED) un enfant sur trente est conçu par assistance médicale (PMA) en France. Les femmes infertiles ont ainsi recours en nombre au don d'ovocytes. Or il y a en France une pénurie d'ovocytes de femmes noires, ce qui provoque une inégalité d'accès : les femmes noires ont beaucoup plus de difficultés que les femmes blanches à avoir un enfant de la même couleur de peau qu'elles.

Pauline, donneuse d'ovocytes

Si les donneuses noires sont rares, Pauline, elle, a sauté le pas. La jeune femme, qui se définit comme métisse, tombe par hasard sur une vidéo YouTube de la chaîne de Sandrine Ngatchou, "OvocyteMoi", qui lui fait découvrir pour la première fois le don d’ovocytes et plus particulièrement la problématique du don d’ovocytes de personnes racisées.

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8 min

Grâce à la vidéo de Sandrine, Pauline prend conscience de la souffrance des femmes infertiles et, en même temps, de la pénurie des ovocytes de femmes noires. Elle est touchée par le parcours de ces femmes noires qui souhaitent un enfant à leur image.

Je comprends tout à fait qu'on puisse demander, en tant que femme noire, à recevoir un ovocyte noir. C'est pour que les enfants puissent ressembler un minimum à la mère. Parce que je pense que c'est quand même une question d'identification. Quand on fait des enfants, on a envie qu'ils nous ressemblent le plus possible en tout cas. Pauline

Elle décide donc de se rendre au CECOS (Centre d'Etudes et de Conservation des Œufs et du Sperme Humain) de Rouen pour y donner ses gamètes. Les choses s'enchaînent ensuite très vite, et pendant sept mois, elle suit les procédures administratives et médicales pour parvenir à faire ce qui lui semble couler de source.

Je me suis dit, comme je suis une personne en bonne santé, qu'il y a des personnes qui ont besoin d'aide, je me suis dit que c'était naturel pour moi de les aider. Pauline

Sandrine lève le tabou

Sandrine Ngatchou est d'origine camerounaise. Elle retrace son parcours de combattante, qui commence d'abord par la lente découverte de son infertilité.

A 19 ans, en fait, j'ai eu des nécrobioses de fibrome. En fait, la nécrobiose, c'est l'infarctus du fibrome. Donc j'ai eu beaucoup de douleurs, beaucoup de saignements. Et du coup, j'ai changé de gynéco. Là elle m'a dit : "Vous avez des fibromes sous-muqueux, ce sont des fibromes qui sont dans la cavité utérine." et là, on a vu que mes trompes étaient bouchées. Sandrine

Pour elle, "son monde s'écroule". Et même si elle a du mal à envisager de recevoir des ovocytes d'une autre femme, elle décide d'entreprendre les démarches de la PMA. Elle ne prête alors d'abord pas d'attention à la couleur de peau de son futur enfant. Mais son conjoint d'alors, également d'origine camerounaise, s'oppose à ce choix. D'après lui, un enfant métisse dans un couple noir révélerait la stérilité de la mère, stérilité qu'il faut absolument cacher.

Il y a une forme de honte à être avec une femme infertile parce qu'une femme infertile, elle n'a pas son fruit, elle sert à rien. Car il y a quand même, ce poids-là : l'infertilité est très très tabou au sein de la communauté noire. Et on fait subir beaucoup de violences à la personne qui est infertile. Sandrine

Avec son nouveau conjoint, elle se rend finalement au Portugal pour concevoir un enfant noir. Mais la grossesse ne se passe pas comme prévu ...

Suite à ce parcours accidenté dans le monde de la gestation, Sandrine décide d'agir : elle dénonce les inégalités entre les femmes blanches et les femmes noires dans l'accès à la PMA, et tente de les réduire en faisant appel à la communauté noire. Combattant le tabou de l'infertilité et la misogynie, elle encourage les femmes racisées à devenir donneuses, notamment avec sa page Facebook et sa chaîne YouTube "OvocyteMoi".

Merci à Pauline et à Sandrine.

Reportage : Anna Benjamin

Réalisation : Clémence Gross

Mixage : Jean-Benoît Têtu

Musique de fin : Le Ndem remix de Lydol

Quelques liens pour aller plus loin :

Zohra Ben Miloud, "Les femmes noires face au tabou de la stérilité et du don d’ovocytes", France 24, 27 octobre 2017.

Fanny Ruz-Guindos-Artigue, "Inégalité PMA : l’interminable attente des femmes noires", Libération, 7 juin 2021.

Deborah Liss, "Don d’ovocytes : les femmes noires peuvent attendre jusqu’à quatre fois plus longtemps que les blanches" Madmoizelle, 14 juin 2021.

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