"Compétence et bienveillance": Laure Beccuau, première procureure de Paris

Source AFP

"Compétence et bienveillance": Laure Beccuau, première procureure de Paris © AFP/Archives

Temps de lecture : 4 min

Procureure de terrain, alliant selon ses pairs "bienveillance" et une "grande compétence", Laure Beccuau est la première femme à prendre la tête du parquet de Paris, un des postes les plus sensibles de la magistrature.

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"C'est un poste auquel je n'avais jamais osé rêver", confie la procureure de 61 ans, lors d'un entretien accordé à l'AFP avant son départ pour la capitale, dans son bureau du tribunal de Créteil.

Pendant cinq ans, elle y a dirigé l'un des plus gros parquets de France avec 35 magistrats. Dans la capitale, ils sont près de 130, en charge des accidents collectifs ou de la santé publique, des atteintes à l'environnement ou des affaires militaires, des violences sexuelles et depuis cette année, de la lutte contre la haine en ligne.

Une juridiction "atypique", souligne la magistrate aux cheveux roux ondulés et au style vestimentaire coloré, qui se réjouit des "barrières" symboliques que sa nomination contribue à faire tomber. "Des collègues femmes m'ont dit: +grâce à toi, c'est possible+". Elle succède à Rémy Heitz.

Élevée avec trois soeurs en banlieue parisienne, Laure Beccuau est adolescente quand elle entend la première fois parler du métier de procureur.

"Ça m'a donné envie", raconte celle qui n'a "aucun magistrat" dans sa famille. "J'avais vraiment envie d'une fonction où, quand on quitte son travail le soir, on a pu rendre service à autrui".

Trente-cinq ans plus tard, Laure Beccuau a d'autres loisirs: la photo, le cinéma ou la randonnée, mais "sa passion" reste sa profession.

"Un métier d'écoute formidable et d'analyse sur notre société extrêmement riche", qui permet une "diversité des rencontres", décrit-elle. "Je ne me suis jamais lassée, j'étais procureure un jour, je suis procureure toujours !"

"Un TGV d'avance sur nous"

Après des débuts à Rouen en 1986 comme substitute, Laure Beccuau part à Chalon-sur-Saône, puis Lille et Versailles comme vice-procureure. Procureure adjointe à Bobigny en 2010, elle prend la tête du parquet de Nîmes en 2013, puis de Créteil en 2016.

Dans chaque juridiction, son goût du terrain, sa compréhension du territoire et son suivi des enquêtes ont été remarqués.

Dans le Gard entre 2013 et 2016, elle incite ses parquetiers à se plonger dans l'univers des pro et anti-corrida. Dans le Val-de-Marne, elle "remonte les historiques" des quartiers pour lutter contre les violences entre bandes, raconte Frédéric Peyran, le chef de la police judiciaire locale.

"C'est une procureure très investie, qui veut vraiment aller au fond des choses", estime M. Peyran.

"On dit entre nous qu'elle a toujours un TGV d'avance sur nous", abonde un autre enquêteur du département. "Quand vous lui soumettez un problème, elle le voit dans sa globalité très vite."

Quand elle découvre une nouvelle juridiction, la procureure s'efforce de détecter le problème "pas encore identifié", raconte-t-elle.

À Créteil, elle met l'accent sur le proxénétisme des mineurs. Un "travail compliqué" où elle a su être "efficace" en parlant à tous et "en s'aidant des associations dans les cités", se rappelle l'avocate Annie Koskas, ancienne bâtonnière du barreau de Créteil.

"Porte ouverte"

Dans cette juridiction, Mme Beccuau a aussi insisté sur l'habitat indigne, les violences conjugales, les stupéfiants... Toujours en "s'auto-interrogeant".

"Si vous construisez une politique pénale, il faut voir si elle est toujours pertinente dans les six mois suivants (...) C'est passionnant d'être confrontée à ses propres incertitudes, voire de réorienter".

Laure Beccuau "sait adopter une position de cheffe": en cas de situation complexe, "elle ne se réfugie pas derrière ses équipes et assume les conséquences", salue Antoine Pesme, son secrétaire général à Créteil, qui la suit à Paris.

Avec son tempérament de meneuse et son oreille attentive, elle "allie compétence et bienveillance", apprécie Sébastien Sider, vice-procureur de Créteil, qui a aussi travaillé à ses côtés à Nîmes.

"Si on a une hésitation sur quelque chose, on n'a pas peur d'aller la voir et de se faire juger", poursuit-il, décrivant une "infatigable travailleuse", "facile d'accès" et sans "chichi".

"Elle fait les choses très sérieusement mais elle ne se prend pas au sérieux", ajoute le président du tribunal de Créteil, Eric Bienko vel Bienek, soulignant son "humour caustique".

"Deux types de procureurs" existent, conclut Alexandre Rossi, qui a servi avec elle à Nîmes: "ceux qui travaillent la porte ouverte, ceux qui travaillent la porte fermée". A Paris, où elle travaille depuis lundi, la porte devrait rester ouverte.

24/09/2021 08:55:01 -          Créteil (AFP) -          © 2021 AFP