Si 2021 a consacré Julia Ducournau d'une Palme d'or et Audrey Diwan d'un Lion d'or, ne nous y trompons pas. A la télévision, les femmes restent très largement sous-représentées. En effet, seulement 38% des 14 postes clés étudiés dans une étude ont été occupées par des femmes. Cette étude inédite* a été publiée le 16 septembre dernier dans le cadre du Festival de la fiction de La Rochelle. Réalisée par l'INA -Institut National de l'Audiovisuel-, en collaboration avec l'association PFDM, elle met également en avant la très faible autonomie des femmes à des fonctions clés parmi les fictions françaises diffusées en soirée en 2019.
92% des chefs-opérateurs sont des hommes
Ce sont bien les hommes qui briguent tous les premiers rôles à des postes dits "techniques". 92% des chefs-opérateurs sont des hommes. Ce chiffre grimpe à 96% pour le métier d'ingénieurs du son. Par ailleurs, si on compte 84% de réalisateurs masculins, il est à noter que 65% des auteurs de l'idée originale d'un film ou d'une série sont des hommes. Que les chefs-monteurs sont à 63% des hommes, les chefs décorateurs comptent pour leur part 63% d'hommes. Pour la productrice Laurence Bachman, coprésidente de l'association PFDM, il s'agit de réaliser un travail de féminisation des filières techniques aux côtés des écoles de formation. "C'est incroyable de voir que les jeunes femmes ne s'autorisent pas à exercer ces professions, explique-t-elle. Elles se disent certainement qu'il y a tellement d'hommes dans ces filières qu'elles n'y parviendront jamais".
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Laurence Bachman, productrice et coprésidente de l'association PFDM (crédit: SIPA)
98% des scriptes sont des femmes
Un espoir semble toutefois permis du côté des scénaristes, où l'écart vient se réduire un peu entre les hommes et les femmes. En effet, ce métier est composé à 47% de femmes. Le métier de producteur n'atteint pas encore la parité, mais compte 41% des femmes. Quant aux directeurs de production, la proportion de femmes passe à 28%. Inversement, le métier de scriptes rendu célèbre par Nathalie Baye dans La Nuit américaine de François Truffaut, dont l'usage veut qu'il se conjugue au féminin, est occupé à 98% par des femmes.
16% de réalisatrices seules
Mais cette étude vient surtout mettre en avant la très faible autonomie des femmes, tant au niveau de la réalisation que de l'écriture. Jugez plutôt. Lorsque les femmes occupent ces fonctions clés, elles sont bien souvent "sous tutelle", c'est-à-dire qu'elles sont créditées en tant que co-autrices ou co-réalisatrices. Alors même que 84% des réalisateurs occupent ce poste seul, c'est le cas de seulement 16% de réalisatrices. Par ailleurs, "il est à noter que 22% seulement des auteurs uniques sont des femmes tandis que la proportion de co-auteures grimpe à 43 %". "Ce chiffre est assez saisissant", note Laurence Bachman qui a dirigé pendant quatre ans la fiction à France Télévisions. Un monde de l'audiovisuel alors principalement dirigé par des hommes, avec lesquels elle a entretenu des "rapports très paternalistes".
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Cependant, les choses commencent à bouger, tant côté chaînes de télévision que studios de production. "Arte, Netflix, Canal+, France Télévisions commencent à mettre en place des dispositifs pour rétablir la parité dans les fictions françaises", fait savoir Laurence Bachman, qui compte parmi ses productions Nina et Cassandre. Elle note bien "une certaine progression". Pour la co-présidente de l'association PFDM, l'heure est bien à l'action. Elle n'hésite pas à à plaider pour l'instauration des quotas, "un système vertueux", selon elle. Ou bien "de réfléchir à des outils d'incitation financière", pour contraindre certaines équipes à se féminiser. Mais en attendant que des propositions concrètes soient faites le 20 octobre prochain lors d'ateliers réalisés en partenariat avec le think-thank de Marie-Claire, Laurence Bachman appelle les femmes à "bouger", être "opiniâtres" et surtout "croire en elles-mêmes".
* Cette étude analyse l’intégralité des 440 fictions françaises diffusées en prime time en 2019 sur les six grandes chaînes nationales (TF1, France 2, France 3, Canal +, Arte, France 5 et M6). Pour chacune, le genre des titulaires des 14 postes les plus critiques est étudié.