Aux petites filles qui se pressent autour d'elle pour obtenir un autographe de leur footballeuse star, Nadia Nadim signe : "Dream big."

À leur âge, elle vivait à Kaboul dans l'aisance et à l'ombre d'un père général, protecteur et autoritaire. Lequel, déçu de n'avoir que des filles, les éduque comme les fils manquants, leur apprenant comment dribbler ou rendre les coups aux garçons malveillants.

Elle a 8 ans quand les talibans, devenus les maîtres de l'Afghanistan, transforment sa vie de gamine insouciante en un long cauchemar, puis assassinent son père.

12 ans quand sa mère, une femme forte et courageuse, organise leur fuite éperdue du Pakistan jusqu'au Danemark en passant par l'Italie. Elles devaient s'exiler en Angleterre, les passeurs les jettent du camion près d'une petite ville danoise. Le destin de Nadia est scellé.

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C'est là, dans un centre pour réfugié·es, qu'elle découvre que les filles peuvent jouer au foot. Une passion fulgurante qui devient une obsession, et le tremplin vers une carrière de footballeuse professionnelle dans l'équipe nationale danoise puis à Manchester City, au PSG et aujourd'hui au Racing Louisville du Kentucky, aux États-Unis.

Nadia, le documentaire

Tout en achevant ses études de chirurgie réparatrice. La réalisatrice Anissa Bonnefont, inspirée par cette histoire incroyable, a tourné le documentaire Nadia, une création originale parrainée par l'Unesco et diffusée sur Canal+*.

Ce portrait sans pathos mais au contraire bourré d'énergie et d'optimisme est aussi une réflexion sur l'accueil des exilé·es fuyant la guerre alors même que l'Afghanistan est aux mains des talibans et les Afghanes plongées de nouveau dans un cauchemar sans fin.

Ce lundi 5 octobre à 9h40, Anissa Bonnefont est reçue dans l'émission médias L'Instant M, sur France Inter, dans le cadre d'une Journée spéciale consacrée aux femmes afghanes, dont Marie Claire est partenaire.

Marie Claire : Quels souvenirs avez-vous de votre enfance en Afghanistan ?

Nadia Nadim : Des souvenirs mitigés. Ils sont heureux avant la guerre, mais à l'arrivée des talibans, du jour au lendemain, la petite fille que j'étais, qui jouait dehors en short, a été recluse à la maison.

Je me souviens de la peur sur les visages, des histoires que l'on racontait, de l'interdiction de s'habiller comme on le voulait, d'écouter de la musique, d'être heureux.

Votre père, le général Rabena Khan, a été assassiné par les talibans. Dans le film qui vous est consacré, on vous voit tout mettre en œuvre pour retourner à Kaboul. Pourquoi ce souhait ?

On n'a jamais retrouvé le corps de mon père. Les talibans exécutaient les gens dans un désert sauvage où les corps étaient dévorés par les animaux. La seule chose qui nous reste de lui est son stylo en or.

Retrouver ses affaires était une façon de tourner la page. J'ai peur que tous mes souvenirs s'effacent. Je voulais aussi retourner à Kaboul pour y confronter la réalité à mes souvenirs, j'étais une enfant quand je suis partie.

Vous êtes cinq filles. N'avoir que de filles est une “malédiction” en Afghanistan, votre père était pourtant protecteur avec vous ?

La pression sociale pour avoir un fils est en effet très forte. Un fils hérite de vos biens et perpétue votre nom. Mes parents ont fait cinq enfants dans l'espoir d'en avoir un. Notre père était protecteur mais il nous a surtout élevées comme des garçons. Il nous disait : "Même si tu es une fille, si quelqu'un agit mal avec toi, tu dois te protéger et te défendre", c'est une bonne éducation, je trouve.

La pression sociale pour avoir un fils est en effet très forte. Un fils hérite de vos biens et perpétue votre nom.

Ce qui explique que vous soyez si fortes toutes les cinq ?

Oui, je crois. (Elle rit.)

(*) Nadia, d'Anissa Bonnefont et Édith Chapin (Federation Entertainment/Echo Studio), le 6 octobre à 21 heures sur Canal+ puis disponible sur MyCanal. À lire aussi : Mon histoire de Nadia Nadim, éd. Marabout.

La suite de l'article est à découvrir dans le numéro 830 de Marie Claire, daté de novembre 2021, en kiosque le 6 octobre.