À moins de 40 ans, ils ont eu recours à la vasectomie : « C'est la meilleure décision de ma vie ! »

Nicolas, Damien et Fred ont eu recours à la vasectomie en 2020. Opérés dans l'agglomération bordelaise, ils reviennent sur leur expérience mais aussi leurs choix et leurs vécus.

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De gauche à droite : Nicolas, 31 ans, un enfant, résidant à Lastrene, Damien, 39 ans, quatre enfants, installé à Saint-Loubès, et Fred, 40 ans, sans enfant, vivant à Bordeaux. Tous trois ont eu recours à la vasectomie en 2020. (©DR )
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Ils sont trois hommes, âgés de moins de 40 ans, résidant en Gironde, et ont eu recours à la vasectomie comme méthode de stérilisation en 2020, comme de plus en plus de Français. Voici pour les similitudes. Pour le reste, les profils, les désirs, les vécus et les motivations diffèrent, touchent parfois à l’intime. Regards croisés sur cette pratique certes à la hausse en France, mais encore marginale en comparaison avec les pays anglo-saxons.

Se libérer, mais aussi libérer la femme

Damien, aujourd’hui âgé de 39 ans et vivant à Saint-Loubès, est l’heureux papa de quatre enfants. D’une première union, il a eu deux enfants. Avec sa compagne actuelle, déjà mère d’une fille de 7 ans, il a eu un petit, à ce jour âgé de 3 ans. Pour lui, c’est suffisant : il est comblé. Sa compagne, elle, jongle entre les moyens de contraception, sans trouver celui qui lui convient : les effets secondaires de la pilule sont conséquents et son corps a rejeté un stérilet au bout de quatre mois. « Nous en avons tranquillement discuté ensemble et la solution la plus idéale pour nous était la vasectomie. C’est bien moins lourd qu’une ligature des trompes et après tout, il est parfaitement injuste que ce soit la femme qui porte toujours le poids de la contraception ! », témoigne-t-il. C’est décidé : il va se faire opérer.

Fred, lui, a 40 ans et réside à Bordeaux. Il n’a jamais voulu d’enfants et ce, depuis l’adolescence : « Cela m’a toujours dérangé cette idée d’accomplissement total passant forcément par la procréation », explique-t-il. « Ma mère me mettait la pression en ce sens. Pourtant, je n’ai jamais changé d’avis : mettre au monde un enfant qui n’a pas demandé à vivre est égoïste. » Ce n’est que passé la trentaine qu’il découvre l’existence de la vasectomie. L’idée lui trotte dans la tête, avant qu’il ne se décide vraiment à se lancer, il y a trois ans. « Ma copine de l’époque avait un stérilet, mais beaucoup de douleurs », témoigne-t-il encore. « Je ressentais le besoin de me soulager d’un poids, pour moi bien sûr, mais aussi pour les femmes que je fréquente. » Commencera alors la recherche du praticien idéal…

Nicolas, enfin, a 31 ans et vit à Latresne. S’il est célibataire, il a eu une petite fille, aujourd’hui âgée de 5 ans. « Un accident », glisse-t-il, sans remettre en question l’amour qu’il lui porte. La vasectomie, il l’envisageait avant même que son ex-compagne ne tombe enceinte : très rapidement, il a su qu’il ne désirait pas d’enfant, pour diverses raisons. Attaché à sa liberté et son indépendance, il estime également que « laisser un gosse évoluer dans le monde actuel, bousillé sur le plan social, économique et écologique, ne réserve rien de bon. » S’il embrasse pleinement son rôle de père, cela ne le fait nullement changer d’opinion. Au contraire.

À la recherche d’infos

Pour les trois hommes débute alors une phase commune : la recherche de renseignements et de témoignages, sur internet, essentiellement.

Autour de moi, je n'avais aucun homme ayant vécu ce type d'intervention. Je suis allé sur des forums spécialisés, des sites, des groupes sur les réseaux sociaux... D'abord pour saisir en quoi consistait l'opération, mais aussi pour me rassurer. Même si j'étais bien décidé, j'avais quelques inquiétudes : est-ce que cela peut générer des troubles érectiles, de la libido ? Quelles sont les éventuelles complications post-opératoires ? J'ai même regardé des vidéos de l'intervention : ça me rassurait de savoir quels allaient être les gestes effectués.

Damien, 39 ans, 4 enfants, opéré à 38 ans en juillet 2020

Fred et Nicolas partent eux aussi à la pêche aux infos en amont, le désir de passer (enfin) à l’acte l’emporte sur d’éventuelles craintes. Tous deux s’estiment suffisamment renseignés sur la procédure pour se lancer dans l’aventure en toute confiance.

« Nous sommes un pays latin, c’est quand même comme s’il y avait encore un tabou autour de la vasectomie », glisse Damien. « Aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, cela semble se faire plus aisément. Les informations autour de cette méthode de contraception  semblent mieux circuler. Ici, c’est un peu comme si on touchait à la sacro-sainte virilité masculine, alors qu’il n’en est rien ! »

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Si la France est un peu à la traine par rapport à ses voisins anglo-saxons, les demandes de vasectomie ont toutefois largement augmenté depuis quelques années. Le docteur Ludovic Ferretti, urologue à l’hôpital de la maison de Santé Protestante de Bordeaux-Bagatelle, estime que les demandes ont été multipliées par cinq entre 2012 et 2018. En effet, les chiffres de l’Assurance maladie évoquent un total de 9420 hommes ayant eu recours à une vasectomie en France en 2018, contre 1880 en 2010. Une nette évolution, donc.

De l’art de convaincre

Pour Damien, déjà père et beau-père, le parcours se déroule alors sans encombre : il prend d’abord un rendez-vous chez son médecin généraliste, avant de se tourner vers un urologue. Il précise toutefois : « Mon médecin m’a conseillé de faire congeler mes spermatozoïdes. J’ai conscience que ça part d’un bon sentiment, mais ce n’était pas utile dans mon cas. C’était mûri, pensé, assumé. »

Même son de cloche, du côté de Nicolas. Du haut de ses 30 ans, avec une fille, il se voit proposer la congélation de son sperme, « au cas où », par son urologue qu’il consulte en visioconférence, durant le premier confinement. « Elle m’a également confié qu’étant donné mon âge, elle aurait hésité si je n’avais pas eu d’enfant », glisse-t-il. Toutefois, il balaye ces doutes et cette proposition d’un revers de main : sa décision est prise.

La loi impose un délai de réflexion de quatre mois entre la demande initiale et la réalisation de l’opération. Mais pour Damien comme pour Nicolas, la réflexion n’est plus nécessaire.

La vasectomie, irréversible ?

Si la vasectomie est généralement présentée comme « irréversible », des méthodes existent néanmoins pour avoir en enfant malgré l'intervention, notamment la congélation du sperme en amont ou le prélèvement de spermatozoïdes directement dans les testicules. Il est également possible de réaliser une « vasovasostomie », opération consistant à relier les canaux sectionnés lors d'une vasectomie. Toutefois, cette méthode présente un taux de réussite très aléatoire, évalué à « 70% maximum » par le docteur Ferretti qui estime qu'« on ne peut donc pas parler de réversibilité. »

Le récit de Fred, en revanche, s’apparente davantage à un parcours du combattant. Lorsqu’il débute les démarches, il a 36 ans. Il est reçu au CHU Pellegrin (Bordeaux), où il essuiera deux refus consécutifs. Motif : il n’est pas père, pourrait le regretter.

Les médecins n'étaient pas assurés de ma décision, au regard de l'aspect définitif de la vasectomie. Ils craignaient un changement d'avis de ma part. Pourtant, j'ai trouvé ça vexant : j'étais et je suis un adulte, sûr de mon choix. J'estimais que quelque part, ils n'avaient pas leur mot à dire. C'était mon corps, ma volonté.

Fred, 40 ans, sans enfant, opéré à 39 ans, en novembre 2020

Pour lui, les étapes préliminaires seront donc bien plus longues. Il finit toutefois par obtenir un rendez-vous et surtout, une réponse positive, à la maison de Santé Protestante Bordeaux-Bagatelle, en 2020. Soit presque trois ans après avoir décroché son premier rendez-vous.

Pour le docteur Ludovic Ferretti, cette réticence est normale, voire saine. « C’est une question d’éthique avant tout.  Chaque praticien réalise une médecine en accord avec ses propres convictions. Mais il faut préciser que nous voyons de jeunes patients regretter leur geste », explique-t-il.

Sur le billard

Les trois hommes s’accordent aussi sur une chose : l’opération est rapide, d’une trentaine de minutes, et les douleurs post-opératoires tout à fait supportables. Nicolas se fera opérer le 1er septembre 2020 à clinique du Tondu (Floirac), sous anesthésie générale. Damien, lui, rentrera au bloc en juillet 2020, à la Polyclinique Bordeaux Rive Droite (Lormont), également sous anesthésie générale. Fred, enfin, sera admis à la maison de Santé Protestante Bordeaux-Bagatelle (Talence) en novembre 2020 mais ne sera anesthésié que localement. Une expérience « un peu étrange » car « on assiste à tout », mais qui se déroule très bien.

Les interventions se feront en ambulatoire. Tous trois doivent ensuite veiller à se reposer et surveiller la cicatrisation.

L'opération est très rapide. Elle consiste à sectionner les canaux déférents qui relient les testicules à la prostate, pour empêcher le passage de spermatozoïdes. En 30 minutes, hop, c'est coupé ! Quant à la douleur à la sortie, c'est largement supportable. Les deux premiers jours, c'est un peu comme une sensation post coup de pied dans les valseuses. Mais ça s'estompe très rapidement.

Nicolas, 31 ans, un enfant, opéré à 30 ans, en septembre 2020

Aucun des trois hommes n’a souffert de quelconques complications, type saignements ou infection. Pour leur plus grand bonheur. Il ne leur reste plus qu’à réaliser un spermogramme, examen destiné à évaluer la mobilité et le nombre de spermatozoïdes présents dans le sperme, trois mois après l’acte chirurgical, pour s’assurer de la réussite de l’opération. Puis à consulter l’urologue, une ultime fois.

« C’est la meilleure décision de ma vie ! »

Aujourd’hui, le sentiment éprouvé par les trois girondins est unanime : un grand et franc soulagement. Aucune baisse de libido, aucun trouble de l’érection, aucun impact psychosomatique, aucune douleur résiduelle : tous trois sont pleinement satisfaits de cette stérilisation à visée contraceptive.

Après tous les soucis que ma compagne a rencontrés avec diverses méthodes contraceptives hormonales, nous sommes comblés. Nous pratiquions le retrait, ce qui n'est pas bien du tout mais aussi très stressant. Désormais, je suis libéré, j'en profite pleinement. C'est la meilleure décision de ma vie ! C'est génial de retrouver une vie sexuelle débarrassée de toute angoisse !

Damien, 39 ans, 4 enfants, opéré à 38 ans, en juillet 2020

Fred aussi s’estime pleinement satisfait et tranquillisé.

Je sais désormais, que même par accident, je ne pourrai pas avoir d'enfant. C'est un poids en moins sur mes épaules, mais aussi sur celui de ma compagne actuelle. C'est un vrai luxe de pouvoir faire l'amour sans préservatif, et là, la situation est rassurante pour nous deux. Ça fonctionne même mieux, car j'ai moins peur !

Fred, 40 ans, sans enfant, opéré à 39 ans, en novembre 2020

Et ce n’est pas Nicolas qui va les contredire : « Je me sens tranquille. Je n’ai pas de compagne attitrée actuellement, mais j’en parle très librement. Je suis heureux d’avoir fait ce choix. » Le jeune homme a d’ailleurs déjà évoqué ce sujet à plusieurs reprises sur le réseau social TikTok.

J'en ai parlé sur le ton de l'humour et les questions ont afflué. Comment ça se passe ? Est-ce que ça fait mal ? Est-ce qu'on éjacule toujours après ? Du coup, j'utilise TikTok pour communiquer sur le sujet, répondre à des questionnements aussi bien féminins que masculins. J'en profite aussi pour rappeler l'importance du préservatif, évoquer les MST. C'est important d'en parler, de dédramatiser cet acte. Il ne devrait pas y avoir de tabou autour de ça !

Nicolas, 31 ans, un enfant, opéré à 30 ans, en septembre 2020

Un sentiment partagé par Damien : « Je suis un peu devenu le spécialiste dans la bande de copains. Je fais du rugby et c’est un milieu parfois un peu macho… Pourtant, les potes me questionnent, me demandent des conseils. Il ne faut pas avoir peur d’en parler. C’est essentiel que les hommes prennent aussi leurs responsabilités en termes de contraception »

Une sensation de liberté généralisée donc, aussi bien physique que psychique. Et qui passe, à priori, par une volonté commune de lever le voile sur les tabous qui entourent encore la vasectomie par la parole, et une prise de conscience de l’impact des méthodes contraceptives hormonales sur la santé des femmes.

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