Exposition : et Dior créa la femme

 Le musée des Arts décoratifs célèbre les 70 ans de la maison Christian Dior avec 300 robes mais aussi des peintures et des documents.

    Merci d'avoir pensé à nous. A ne pas seulement nous impressionner, nous illuminer de robes de soirée, mais aussi à expliquer, à raconter. A entrer dans la tête de Christian Dior, fils de grands bourgeois, industriels normands, génie sans diplôme et bohème, sacré empereur de la mode par la grâce d'un seul défilé, « New Look », en 1947.

    Dix ans de gloire avant une crise cardiaque à 52 ans. Une vie à toute allure. Les robes, dans cette immense exposition rétrospective du musée des Arts décoratifs à l'occasion des 70 ans de la maison de couture Dior, on ne les voit pas d'emblée, comme des premiers rôles qui se laissent désirer. On entre d'abord dans le bureau-atelier de Dior, comme dans celui d'un peintre. Ce qu'aurait pu devenir cet homme qui avait un coup de crayon hors normes, et un oeil qui l'amena à ouvrir d'abord une galerie d'art, à se lier avec Dali, Picasso et d'autres artistes parfois oubliés, dont les peintures sont présentées ici en avant-poste des collections de mode.

    Son fil rouge, avant le tissu, c'est la couleur. « Une touche de couleur peut suffire à modifier votre apparence : un foulard émeraude, une robe rouge vif, une étole d'un jaune éclatant, des gants bleu roi », dira Dior. « Rien ne le prédestinait à la haute couture. Contrairement à beaucoup d'autres, lui ne va pas de la mode vers l'art. Il part de la peinture. Un ami lui aurait dit, pour l'encourager : « Tu ne connais rien à la mode mais tu pourras percer car tu connais l'histoire de l'art et tu sais dessiner », raconte Olivier Gabet, directeur du musée et commissaire de l'exposition.

    Féminité triomphante

    Celle-ci mêle avec une fluidité magistrale sources d'inspiration (tableaux, livres, objets d'art...) et robes, chapeaux, turbans, gants, chaussures. La couleur circule avec l'évidence de la lumière d'une toile à un vêtement, comme ce Monet prêté par le musée d'Orsay qui éclaire des robes aux touches picturales et florales.

    Voilà pour la première partie. On croit l'expo finie. Mais c'est l'heure du coup d'éclat : les peintures s'écartent pour laisser place à la toute-puissance des chefs-d'oeuvre de la haute couture, tulle, organza, paillettes, broderies, cristaux, venus de partout comme un manifeste esthétique. Nuancier de vert émeraude, bleus nuit, ciel, bleu France, rouge, des genouillères aux toques en cuir, en vison, turbans en tulle et plumes, manteaux classiques-exotiques, coupe stricte et vert amazonien. Couleurs folles, portées par des stars, de Lady Diana à Charlize Theron.

    Dior, « dont le nom magique comporte Dieu et or », disait son ami Jean Cocteau, a longtemps travaillé dans l'ombre, pour d'autres, avant de devenir une icône à 42 ans, lors de sa première collection, printemps-été 1947. Il était prêt, nourri de toute une culture. L'époque aussi était prête, dans cet après-guerre qui sort de la grisaille : « C'est unique dans l'histoire de la mode, précise Florence Müller, l'autre commissaire de l'exposition. Dior veut réinventer le temps du rêve après celui du désespoir. Il touche tout de suite le monde entier. Son New Look repose sur une féminité triomphante, qui part de la nature même de la femme, ses creux et ses déliés, le bombé des hanches, l'arrondi sensuel des épaules. On sortait d'une époque de silhouettes plates et de bandes Velpeau pour cacher la poitrine... » L'empreinte, le tracé d'une vie.

    Pratique