Violences conjugales : les victimes bientôt informées quand leur agresseur sort de prison

Le ministre de la Justice a annoncé mercredi qu’un décret serait pris prochainement pour permettre aux victimes d’être systématiquement informées de la sortie de prison de leur conjoint ou ex-conjoint violent. « On a fait le job », a-t-il estimé.

"On a donné à toutes les juridictions les moyens" d'agir pour les femmes victimes de violences conjugales, estime le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. LP/Fred Dugit
"On a donné à toutes les juridictions les moyens" d'agir pour les femmes victimes de violences conjugales, estime le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. LP/Fred Dugit

    Courir un danger et en être informée. Après le 104e féminicide perpétré vendredi dernier à Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), plusieurs questions s’ajoutent à l’effroi. La victime, Bouchra, une maman de 44 ans, n’aurait-elle pas pu être informée de la sortie de prison de son mari violent, venu commettre l’irréparable quelques jours après sa libération ?

    Pour éviter qu’une victime se retrouve à nouveau nez à nez avec un homme violent qu’elle pense en prison, la justice va procéder à un signalement systématique à chaque fois qu’un condamné pour violences conjugales sort de maison d’arrêt.

    « J’ai pris une circulaire extrêmement claire le 19 mai dernier. J’ai demandé à tous les parquets que systématiquement les victimes soient avisées de la libération de leur conjoint violent. Dans le prolongement de cette circulaire, nous publierons prochainement un décret pour rendre cette information obligatoire », a déclaré le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, au cours d’une audition devant la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale.

    « Réévaluer le dispositif de sécurité dont dispose » la victime

    Ce décret va dans le bon sens pour les associations d’aide aux victimes de violences conjugales. « Par contre, même s’il est essentiel d’informer la victime, on ne doit pas faire peser entièrement la mise en sécurité de la victime par elle-même, estime ce jeudi sur RTL Pauline Baron, coordinatrice du collectif #NousToutes. Lors de la sortie d’un conjoint violent, il faut réévaluer peut-être le dispositif de sécurité dont elle dispose. »

    Dans le cas de Bouchra, « peut-être qu’il aurait fallu réévaluer son dispositif de sécurité en la passant non plus uniquement sous un téléphone grave danger (TGD) mais plus sous un bracelet anti-rapprochement », estime la militante.



    Mais pour le garde des Sceaux, le gouvernement « a fait le job » face au fléau des violences conjugales. « Durant cette mandature on a fait énormément de choses même si le crime nous rappelle parfois, hélas, qu’on n’en a pas fait assez peut-être », a déclaré Éric Dupond-Moretti. « On a donné à toutes les juridictions les moyens » d’agir pour les femmes victimes de violences, a nuancé le ministre, évoquant notamment la mise en place des téléphones « grave danger », des bracelets anti-rapprochements (BAR) et de nouvelles places d’hébergement.

    Vendredi dernier, Bouchra n’avait pas été prévenue que son ex-mari avait été libéré avec trois semaines d’avance. Le 27 juillet, ce dernier avait été condamné à un an de prison dont six mois avec sursis probatoire pour des violences sans incapacité par conjoint, violation de domicile et menaces de mort commises le 7 juin 2021.

    « On va faire encore beaucoup de choses »

    « J’entends On fait rien, on fait rien à chaque fois qu’il y a un malheur et un drame, on n’attend même pas le temps de la compassion… La critique nihiliste est absolument insupportable », a lancé le garde des Sceaux en justifiant notamment la recherche d’hébergement pour les auteurs de violences. « Sinon ils n’ont qu’une envie : soit franchir le périmètre géographique du BAR, soit se moquer comme de colin-tampon du téléphone grave danger et d’aller réinvestir un domicile qu’ils estiment être le leur », a-t-il argué.

    Le ministre s’est également félicité du dispositif qui permet à une femme en situation irrégulière et victime de violences conjugales d’être prise en charge et régularisée. « On a fait beaucoup de choses et on va faire encore beaucoup de choses », a-t-il promis. Selon un récent bilan du ministère de l’Intérieur, 146 femmes ont été victimes de féminicides, c’est-à-dire tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2019, et 102 en 2020.