Des femmes musulmanes à vendre aux enchères en Inde

Un Indien consultant son smartphone, Allahabad le 14/10/18 ©AFP - Sanjay Kanojia
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Pour la deuxième fois en moins d'un an, des femmes musulmanes d'Inde se retrouvent humiliées et montrées du doigt par une fausse application qui propose de les acheter comme esclaves aux enchères. La justice américaine condamne Elizabeth Holmes, ex-PDG de start-up qui avait floué la Silicon Valley.

Indignation en Inde où un site internet met des femmes aux enchères.

... C’est censé être parodique, c’est une fausse application du type appli de rencontre avec les profils et photos d’une centaine de femmes à vendre au plus offrant pour servir "de bonnes ou d’esclaves en tout genre", c’est écrit tel quel. Ça s’appelle Bulli Bai, un terme fort peu bienveillant pour la gente féminine d’après ce que sous-entend The Hindustan Times…et cette appli défraie la chronique en Inde depuis son apparition il y a une semaine. 

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Car ce faux site, sous couvert de mauvaise blague ou de provocation, est en fait comme le dénonce Al Jazeera "un acte assumé de misogynie couplé à une grosse dose d’islamophobie" : en dévoilant leurs photos, adresses mails et comptes personnels sur les réseaux sociaux, Bulli Bai vise en particulier des femmes musulmanes qui revendiquent leur droit à la parole publique.  Dans ce reportage de la chaîne indienne NDTV, la journaliste Ismat Ara, elle-même victime de la calomnie, ne mâche pas ses mots.

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Ismat Ara parle d’une véritable "honte nationale" derrière cette affaire ; elle explique que "les femmes visées sont des politiciennes, des journalistes, des militantes", des personnes actives dans le débat public que les concepteurs de Bulli Bai veulent clairement "humilier, désigner à la vindicte populaire pour les faire taire, car ces femmes n’hésitent pas à critiquer le gouvernement indien sur des sujets de société brûlants" comme les campagnes de dénigrement et de discriminations permanentes que subissent les musulmans, et plus particulièrement les femmes musulmanes, dans cette Inde dirigée par les nationalistes hindous de Narendra Modi.

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Sous des apparences parodiques, donc renchérit The Indian Express, cette fausse application d’enchères met en lumière le sectarisme misogyne qui anime une partie des élites indiennes ; le quotidien rappelle qu’une précédente affaire similaire, en juillet dernier, avait déjà été dénoncée, un autre faux site intitulé cette fois Sulli Deal, était resté des semaines en ligne avant d’être finalement supprimé… sans qu’aucune poursuite judiciaire n’ait été abouti contre ses concepteurs.

Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui l’application a été retirée des réseaux au bout de 24 heures : c’est ce que nous confirmait lundi la BBC, la plateforme en logiciel libre qui avait permis sa mise en ligne, l’a donc bloquée rapidement après que les femmes qui en étaient victimes l’aient dénoncée publiquement et aient sommé les autorités indiennes, cette fois, de ne pas faire preuve de complaisance, ou au moins d’inaction, vis-à-vis de ce genre d’attaques contre des femmes musulmanes. 

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D’ailleurs Ismat Ara, la journaliste que l’on a entendu il y a un instant, avait déposé plainte dès le week-end dernier. La question à présent est de savoir quelle réponse la justice va apporter au cas Bulli Bai : "il ne doit pas y avoir d’impunité pour les appels à la haine sexiste et islamophobe", martèle d’édito de l’ Indian Express, quand dans The Hindu on affirme que "l’inaction de la police", lors de la précédente affaire similaire, "a enhardi les hommes de mains" de la droite radicale au pouvoir et que la violence des humiliations en ligne se retrouve trop souvent dans une augmentation des agressions physiques subies par ces femmes musulmanes. 

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Elles jurent que ces attaques ne les feront pas taire… et elles sont peut-être enfin en train d’arriver à se faire entendre : le Times of India nous apprend ce matin qu’un étudiant ingénieur informatique âgé de 21 ans vient d’être arrêté, en lien avec l’affaire Bulli Bai ; peut-être le développeur de l’application, en tout cas un simple exécutant... Ce n’est pas cela qui va faire changer les discours et les mentalités, mais au moins c’est un premier pas contre cette "impunité" dénoncée par les journaux indiens. 

Aux États-Unis une femme tient la Une mais cette fois elle n’est ni en position de victime, ni d’héroïne.

Jugée coupable de fraude et trois autres chefs d’accusation, celle qui était encore il y a quelques années sur toutes les couvertures de magazines de la Silicon Valley et de Wall Street : Elizabeth Holmes, 37 ans, éphémère PDG multi-millonnaire d’une société nommée Theranos, promettait de révolutionner le monde des examens sanguins avec des machines qui permettaient des dizaines de tests à partir d’une seule goutte de sang, en quelques minutes seulement et sans douleur. 

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Sauf que, raconte The Wall Street Journal, la technologie en question n’existait, ou en tout cas ne fonctionnait… que dans les beaux discours de la femme d’affaires qui a réussi grâce à eux à lever des milliards de dollars d’investissements, de la part de patrons américains pourtant connus pour leur sens du business

Tout comme son histoire, le procès d’Elizabeth Holmes qui s’est donc achevé cette nuit, a passionné l’Amérique tant sa trajectoire de comète entrepreneuriale a ébloui tout le monde, avant que l’on comprenne cette fois l’ampleur de la supercherie. "Son ascension aussi fulgurante que sa chute, écrit David Streifeld dans le New York Times, montrent les limites criantes de l’esbroufe érigée en modèle dans le monde des start-ups de la Silicon Valley", ce précepte du "fake it until you make it", soit "fais croire à ta technologie jusqu’à ce qu’elle fonctionne vraiment". Sauf qu’en ce qui concerne Elizabeth Holmes, l’innovation vendue n’a jamais fonctionné ; ses mensonges, oui, par contre, elle qui se vantait pour convaincre les investisseurs d’avoir passé des contrats avec l’armée américaine alors qu’il n’en était rien.

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Pour avoir floué les Américains, pour avoir abusé, écrit encore le Washington Post, de cette image de première femme à monter si vite et si haut au panthéon de l’économie numérique, en adoptant parfaitement les codes de la Steve Jobs au féminin, Elizabeth Holmes restera surtout comme la première PDG de la Silicon Valley à aller en prison pour ses crimes : elle est passible de vingt années de réclusion au maximum.  

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