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Interview

Santé mentale des jeunes femmes : «Le cyberharcèlement sexiste est de plus en plus fréquent»

Selon Santé publique France, la hausse des tentatives de suicide et gestes suicidaires chez les jeunes concerne majoritairement les femmes. Pour Gwenaëlle Durand, du Syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs de santé, le phénomène s’est accentué avec la pandémie.
par Cassandre Leray
publié le 11 janvier 2022 à 4h15

On le sait déjà : la santé mentale des jeunes s’effondre depuis le début de la crise sanitaire. L’augmentation de l’anxiété, de la dépression et même des tentatives de suicide est un fait tristement établi, que nombre d’études ne cessent de souligner. Mais de nouveaux chiffres mettent en lumière un fait bien précis : selon Santé publique France, la hausse des tentatives de suicide depuis la rentrée 2020 est quasi exclusivement féminine. Selon Gwenaëlle Durand, un lien peut être fait entre ce mal-être et l’augmentation du cyberharcèlement sexiste au cours de la pandémie. La secrétaire générale du Syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs de santé (Snies-Unsa) insiste auprès de Libération sur l’importance de la prévention et de l’écoute face à de tels actes.

Constatez-vous un mal-être plus important chez les jeunes femmes ?

Ce que je vois, à mon échelle, c’est que le cyberharcèlement sexiste est de plus en plus fréquent et que ce sont les filles qui en sont victimes. Par exemple, le revenge porn, qui est l’acte de diffuser des photographies intimes d’une personne sans son consentement, est un comportement principalement masculin, à l’encontre des femmes. On voit beaucoup de jeunes garçons diffuser sur les réseaux sociaux des images dénudées de jeunes filles dans le but de les humilier après une rupture. Ces violences provoquent un mal-être très important et il n’est pas étonnant que cela puisse aller jusqu’à des tentatives de suicide.

Ce type de comportements a toujours existé, mais je pense que le Covid les a amplifiés. Les jeunes sont beaucoup plus présents sur les réseaux sociaux, en raison de l’isolement. Le numérique leur sert d’outil pour construire des relations entre eux, en discutant ou en s’envoyant des photos. Les enfants et adolescents ont développé de nouvelles façons de socialiser, et on constate d’ailleurs que cette forme de harcèlement, qui était auparavant réservée aux lycéens, touche désormais aussi les collégiens.

Comment prévenir ces situations ?

Ce type de situation est très difficile à repérer pour un parent. On ne peut jamais vraiment savoir ce que fait son enfant sur les réseaux sociaux. D’autant plus que le sentiment de honte paralyse les victimes, qui ne savent pas vers qui se tourner. En revanche, comme pour toutes les situations de mal-être, certains signaux peuvent alerter les parents comme un repli sur soi ou, au contraire, un esprit de rébellion très fort.

Dans les établissements scolaires, avec la pandémie, on a fait beaucoup moins de prévention sur le consentement, le cyberharcèlement, le revenge porn… Encore maintenant, on est débordés par le Covid, mais informer les jeunes sur le sujet est essentiel.

Comment intervenir quand une situation de mal-être est repérée ?

En tant que parent, il faut savoir ouvrir la discussion et rester dans la compréhension et la bienveillance. Surtout, si on se sent dépassé, il faut très vite aller consulter. La première chose à faire, c’est d’aller voir son médecin traitant, qui va évaluer la gravité de l’état psychologique de l’enfant et éventuellement rediriger vers un psychologue ou un psychiatre.

C’est une situation grave et il ne faut pas attendre, sinon l’enfant risque de s’enfoncer dans un mal-être de plus en plus important. Il est difficile d’être le psychologue de son enfant, il y a de l’émotion, et les enfants eux-mêmes n’osent que très rarement se confier à leurs parents. Si engager un échange est trop compliqué, il ne faut surtout pas rester seul et se tourner vers un professionnel.

Lignes d’écoute anonymes et gratuites : 3018 contre le cyberharcèlement, 3114 pour la prévention des suicides. Fil santé jeunes : 0 800 235 236 ou par chat sur le site (tous les jours de 9 heures à 23 heures). En cas d’urgence, contacter le 15.
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