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Au Nigéria, un garage exclusivement féminin favorise l’emploi et déconstruit les stéréotypes de genre

L’ONG nigériane Nana souhaite améliorer les conditions économiques et sociales des femmes dans le pays. A travers des ateliers de mécanique, l’organisation lutte contre les inégalités de genre dans l’Etat conservateur de Sokoto, détaille un article du «Guardian»

Image d'illustration. La ville de Sokoto, le 21 décembre dernier.  — ©  PIUS UTOMI EKPEI / AFP
Image d'illustration. La ville de Sokoto, le 21 décembre dernier.  — © PIUS UTOMI EKPEI / AFP

Des ateliers de mécanique pour améliorer la condition économique des Nigérianes. Voici l’une des volontés affichées par l’ONG «Nana: Girls and Women Empowerment Initiative». Fondée en 2008, l’organisation a initié en 2019 une formation exclusivement féminine dans l’Etat de Sokoto où la précarité est plus importante que dans le reste du pays. Selon un rapport publié en 2019 par le bureau de la statistique du pays, plus de 40% de la population nigériane vivait en dessous du seuil de pauvreté (349,22 francs suisses par an). Dans l’Etat de Sokoto, ce taux s’élève à plus de 86%. Une fragilité économique qui frappe d’autant plus les femmes. «Dans cet Etat, moins de 2% des filles terminent leurs études secondaires et le taux d’alphabétisation des femmes n’est que de 10% contre 40% pour les hommes», souligne le Guardian.

Apprentissage de deux ans

La formation vise ainsi à «fournir des emplois aux femmes dans une industrie dominée par les hommes et à remettre en question les rôles traditionnels de genre dans cette région conservatrice et très précaire du pays», détaille le Guardian.

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Vingt-cinq candidatures ont été retenues parmi lesquelles des femmes diplômées sans emploi ou d’autres issues de familles extrêmement pauvres sans réelle opportunité. Un apprentissage de deux ans leur a permis d’intégrer les différents aspects de l’entretien des voitures, tout en percevant une indemnité hebdomadaire de 2100 nairas (4,67 francs suisses). Elles ont également eu accès à un ordinateur afin de parcourir les ressources d’apprentissage en ligne. «Après avoir suivi une formation de mécanicienne, nous espérons que certaines resteront dans le garage pour travailler ou créeront un garage en groupe, notamment en vendant des pièces détachées pour véhicules», précise au quotidien anglais Fatima Adamu, fondatrice de l’ONG Nana.

Entre conservatisme et émancipation

Créer des opportunités d’emplois tout en brisant les stéréotypes de genre selon lesquels il existerait des métiers réputés masculins: l'enjeu est double pour Fatima Adamu. «Je veux que nos femmes sortent des normes sociétales qui les lient. Il y a tellement d’activités liées à la technologie dont les femmes sont exclues dans cette partie du pays. Nous ne pouvons pas réussir dans le nord du Nigeria sans technologie, et les femmes doivent faire partie de ce voyage», assène-t-elle.

Le projet répond également à un besoin grandissant dans le pays où de plus en plus de femmes conduisent. «Nous avons beaucoup de femmes qui sont propriétaires de voitures par rapport aux années 70 et 80, souligne Fatima Adamu. Nous avons réalisé qu’elles ont du mal à amener leur véhicule au garage pour réparation car c’est un espace dominé par les hommes où elles ne se sentent pas à l’aise».

Liste d’attente pour la prochaine formation

A ses débuts, l’initiative a généré quelques doutes, comme en témoigne Zainab, l’une des apprenties du programme. «Mes parents ont dit que je ne trouverai pas de prétendant, que c’est un travail difficile pour les femmes. Mais j’ai décidé de postuler […]. Mon sexe ne devrait pas être un obstacle à ce que je veux devenir dans la vie.»

Une perplexité estompée à la mesure de la satisfaction des habitants. «Je viens au garage pour encourager les filles et car j’aime la façon dont elles travaillent sur les voitures sans délai», raconte un client au quotidien anglais. Fatima Adamu relève également que le programme aurait reçu le soutien des chefs traditionnels et religieux de l’Etat de Sokoto, commençant à reconnaître l’indépendance économique des femmes. Le pari semble réussi pour l’ONG: «Le programme a connu un tel succès qu’il y a déjà une liste d’attente pour le prochain à partir de ce mois-ci.»

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