Les ONG RIT Foundation, All India et Democratic Women’s Association ont récemment déposé à la Haute Cour de Bombay une requête de révision d’un article de la Constitution indienne qui définit « le crime de viol ». La Haute Cour de Delhi, qui s’est saisie de l’affaire, est en train d’examiner la contestation de l’« exception relative au viol conjugal » présente dans l’article 375 du code pénal indien.

Cet article définit « le crime de viol » et énonce les circonstances dans lesquelles il peut être déterminé que le consentement a été vicié. Une exception à l’article dispose que « les rapports sexuels d’un homme avec sa propre épouse, si l’épouse a plus de 15 ans, ne constituent pas un viol ».

Les pétitionnaires, représentés par les avocats Rajshekhar Rao et Rebecca John, demandent la totale invalidation de cette exception et que le viol conjugal soit enfin reconnu comme un crime. L’avocate Nandita Rao, qui représente le gouvernement de New Delhi, s’y oppose, insistant sur l’existence dans le code pénal d’une peine pour « le crime de cruauté », que les femmes peuvent invoquer si elles subissent des violences conjugales.

Pourquoi le viol conjugal n’est pas un crime en Inde

Le code pénal indien a été promulgué en 1860 sous la domination coloniale britannique. Dans les pays adhérant au Commonwealth, notamment l’Inde, l’immunité conjugale reposait sur deux principes : le consentement à perpétuité au sein du mariage et l’obligation des épouses de s’acquitter de leurs « responsabilités sexuelles », puisque le but du mariage, selon ce texte, est la procréation. Cette semaine, lors d’une audience, les avocates Rebecca John et Rajshekhar Rao ont affirmé que l’exception pour le viol conjugal reposait sur des principes archaïques.

En 2020, 77 cas de viol ont été signalés chaque jour en Inde, selon un rapport du National Crime Records Bureau. Cependant, le bureau ne dispose pas de données sur les viols conjugaux, souvent non déclarés.

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En 2005-2006, l’Enquête nationale sur la santé familiale en Inde (la NFHS, National Family Health Survey) a révélé que 93 % des 80 000 femmes interrogées avaient été victimes de violences sexuelles par leur mari actuel ou ancien. Aucune amélioration n’a été enregistrée en 2015-2016, puisque, selon les données du NFHS, 99,1 % des cas d’agression sexuelle n’étaient pas signalés et la femme indienne moyenne était 17 fois plus susceptible d’être victime de violence sexuelle de la part de son mari que d’autres hommes.

Des hommes appellent à une grève du mariage

Sur les réseaux sociaux, une véritable guerre entre sexes a éclaté. L’activiste Anil Murty a lancé sur Twitter le hashtag #MarriageStrike (grève du mariage), une campagne qui fait partie du mouvement indien pour les droits des citoyens de sexe masculin, « Men going their own way ». Effrayés par d’éventuelles fausses accusations de viol qui entraîneraient – en plus d’un emprisonnement de 10 ans jusqu’à la perpétuité – le divorce et l’obligation de verser les pensions alimentaires à leurs épouses, les hommes préfèrent renoncer au mariage.

« J’espère vivement que vous savez que des hommes innocents et leurs familles sont impliqués à tort dans de fausses affaires pendant des années, juste pour des raisons de harcèlement et d’extorsion. La majorité des plaintes sont dépourvues de preuves et basées sur le seul témoignage oral des femmes », affirme un homme sous le pseudonyme @amitshah99 sur Twitter.

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En réponse, les féministes indiennes ont décidé de tourner en ridicule la protestation des hommes. « J’espère vivement que les hommes qui font le #MaritalStrike restent en grève pour toujours. Aucune femme ne serait en sécurité avec eux. Quiconque pense que le consentement n’a pas sa place dans un mariage ne devrait jamais se marier », réagit Kavita Krishnan, militante féministe, sur Twitter.

Les Indiennes s’indignent face aux propos infantilisants des hommes, et revendiquent d’être totalement conscientes de la gravité des accusations de viol : « Les hommes qui soutiennent #MaritalStrike, pensez-vous vraiment que les femmes soient si cruelles qu’elles vont déposer une fausse plainte de viol par colère ? Si c’est le cas, vous feriez mieux de ne pas vous marier », estime Abhishek Murarka, un homme qui soutient la cause féministe.