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Grâce à l'intelligence artificielle, ces artistes veulent créer la nouvelle Marianne à partir de photos de milliers de Françaises

Un buste de Marianne (Photo d'illustration).

Un buste de Marianne (Photo d'illustration). - SEBASTIEN BOZON

Des artistes parisiens veulent créer un nouveau portrait de Marianne plus représentatif des femmes françaises grâce à un algorithme d'intelligence artificielle. Sur BFMTV.com, ils appellent toutes les femmes de plus de 18 ans à leur envoyer des photos d'elles.

Marianne aura-t-elle bientôt un nouveau visage issu de l'intelligence artificielle (IA)? C'est en tout cas ce que souhaite le collectif d'artistes parisiens Obvious. Avec leur projet "Nous sommes toutes Marianne!", ces artistes souhaitent réaliser, grâce à un algorithme, une version de Marianne plus représentative de la femme française à partir des visages des milliers de femmes.

Les trois artistes appellent ainsi toutes les Françaises de plus de 18 ans à leur envoyer une photo d'elles (sur fond blanc, cadrée au niveau du buste, et sans lunettes) sur leur site avant le 10 avril prochain.

L'idée est que leur algorithme puisse faire une sorte de synthèse de tous les visages recueillis.

"À partir de toutes ces photos, on va recréer la Marianne", explique Pierre Fautnel, l'un des artistes du collectif Obvious à BFMTV.com.

Une Marianne qui échapperait aux canons de beauté?

Le jeune homme de 28 ans, dont l'atelier est basé dans le XIXe arrondissement de Paris, explique la genèse de leur projet. "On réfléchissait à la symbolique autour de la figure de Marianne et on s'est rendu compte qu'on la choisissait souvent pour sa plastique", raconte-t-il.

"On s'est dit que ça n'était pas très représentatif, que la Marianne avait toujours un peu une image des 'années télé' et nous, ça nous amusait moyen".

Les trois jeunes veulent "mettre en avant la diversité et l’esprit français". Ils regrettent que l'image traditionnelle de Marianne ne soit pas forcément représentative de la femme française, bien qu'elle soit censée incarner le symbole de la République.

"C'est toujours un peu le même profil qui est sélectionné, sans demander leur avis aux gens", pointe l'artiste.

"Alors on s'est dit qu'avec notre algorithme on pouvait essayer de proposer quelque chose de plus participatif. Ça nous amusait de créer une démarche participative avec plein de gens qui donnent une partie d'eux pour créer un symbole républicain féminin".

Des images générées grâce à l'intelligence artificielle

Pour réaliser un nouveau visage artificiel avec un fort degré de réalisme, Obvious compte avoir recours aux réseaux antagonistes génératifs (les GANs, dits "Generative Adversarial Network"), une technique pointue d'intelligence artificielle qui repose sur la mise en compétition de deux réseaux. "Le générateur va faire des allers-retour entre une série d'images proposées pour en générer une nouvelle", détaille l'artiste passionné de nouvelles technologies. "Et l'algorithme va s'améliorer jusqu'au moment où il n'arrivera plus à faire la différence entre l'image créée par le générateur et une des images de la base de données".

Au final, "le résultat ne ressemblera à aucune des photos récoltées mais l’intelligence artificielle aura utilisé chaque photo pour la réalisation de l’œuvre finale", explique le collectif sur son site internet. "Donc plus on collectera de photos, mieux ce sera!", résume Pierre Fautnel.

Cela fait maintenant quatre ans que ce trio d'artistes et chercheurs de 28 ans - Pierre Fautnel, Gauthier Vernier et Hugo Caselles - explore le potentiel créatif des algorithmes et de l'intelligence artificielle. Sur le marché de l'art, ces passionnés d'art et de nouvelles technologies sont considérés comme des visionnaires. Fin 2018, leur tableau "Edmond de Belamy" a même été la première oeuvre produite par l'intelligence artificielle à être vendue chez Christie's pour une valeur de 432.500 dollars.

Déjà 4700 photos recueillies

À ce jour, ils ont déjà recueilli les photos de quelque 4700 participantes. "Pour l'instant, l'algorithme n'a pas encore assez d'exemples (...) donc le visage généré est assez fantomatique", nous explique Pierre Fautnel.

"On voit très bien que l'algorithme a compris le principe, qu'il y a une certaine diversité, mais il reste cette espèce de flou artistique qui rend difficile d'appréhender les visages".

Toutefois, l'artiste est confiant sur le rendu final. "On n'aura jamais un visage photoréaliste ni un visage parfaitement défini", prévient-t-il. Mais "ce qui est clair et ce qui est intéressant, c'est que nous travaillons sur la base de photos de vrais gens. Il y a ce vrai côté brut et humain qu'on apprécie vraiment".

Une fois tous les portraits recueillis le 10 avril, le trio parisien proposera entre 5 et 6 propositions de visages aux internautes, qui auront du 17 au 30 avril prochain pour voter pour celui qui leur plaira le plus. Après "une probable étape de stylisation", la nouvelle Marianne sera ensuite dévoilée le 1er mai, avant d'être proposée à La Poste pour être imprimée sur les prochains timbres, puis envoyée au futur chef de l'État élu en avril prochain dans l'espoir d'être choisie comme symbole du prochain quinquennat.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV