Maltraitances en maternité : « Refondons le monde de la naissance »

TRIBUNE. Face au mal-être croissant des mères, sages-femmes, gynécologues ou membres de la société civile appellent à un sursaut national pour repenser l'accouchement et le post-partum.

Tribune collective* portée par Anna Roy

Temps de lecture : 5 min

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Les faits sont là : 78 % des femmes vivent mal leur post-partum ; de 10 à 30 % souffrent de dépression ; le suicide est devenu la deuxième cause de mortalité chez les jeunes mères. Au départ et juste avant ces catastrophes humaines : l'accouchement.

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Les sages-femmes ne cessent de le dire : aujourd'hui, il est difficile (impossible ?) de prendre soin correctement des femmes qui viennent en salle d'accouchement ou aux urgences gynécologiques et obstétricales. Comment faire son devoir lorsqu'on a trop de patientes, qu'il faut choisir entre la femme qui a besoin de sa péridurale, celle qu'il faut préparer à la césarienne ou celle qui est en train de perdre l'enfant qu'elle porte ? Prioriser les soins, d'accord, mais choisir entre des soins qui sont tous nécessaires et urgents, comment s'y résoudre ? Et comment ne pas négliger celle qui désire tout simplement accoucher sans péridurale mais avec l'accompagnement qu'elle mérite et dont elle a besoin ? Une unique sage-femme pour trois ou quatre accouchements simultanés, sans compter les urgences, cela relève du scandale. Tout comme il est scandaleux de se retrouver parfois, dans les services de suites de couches, seule sage-femme face à 25 mères, 25 bébés, 25 familles ! Impossible, dans ces conditions, de ne pas devenir maltraitants, malgré soi. La casse est lourde et les conséquences sont désastreuses : pour les femmes et pour les sages-femmes qui fuient des hôpitaux déjà en pénurie. Et ce ne sont pas les effets d'annonces salariales qui résoudront la crise. Patients, sages-femmes, gynécologues-obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs, pédiatres sont unanimes : il faut des effectifs supplémentaires.

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Devenir mère est un combat éreintant et bien solitaire.

Les femmes le disent de plus en plus : devenir mère est un combat éreintant et bien solitaire. Aucun cours de préparation ne vous prépare, hélas, au sentiment d'abandon dans la salle d'accouchement ; à celui de n'être qu'un numéro parmi d'autres, la spectatrice infantilisée d'un processus souvent très médicalisé dont vous ne comprenez ni les tenants ni les aboutissants ; où l'on vous explique rarement ce qu'il se passe et où l'on vous demande à peine votre avis, alors qu'il s'agit d'un événement qui renverse le cours de l'existence. Pourquoi ? Notamment parce que les équipes en maternité n'ont pas le temps. Pas le temps de vous épauler autant qu'il le faudrait lors des contractions, pas le temps de recueillir toujours votre consentement, pas le temps de vous aider vraiment à surmonter les suites de couches (parfois plus violentes encore que l'accouchement lui-même), pas le temps d'accompagner l'allaitement au sein ou au biberon… Au fond, il n'y aurait que le temps (ou presque) d'appliquer des protocoles. Et nous n'évoquerons même pas ici la douloureuse et nécessaire question des violences gynéco-obstétricales !

Les pédopsychiatres le disent au nom des enfants : si l'accouchement et les suites de couches sont mal vécus par la mère, alors ils le sont aussi par celles et ceux qui viennent de naître. Le rapport des  « 1 000 premiers jours », dirigé par Boris Cyrulnik, souligne l'importance du bien-être de la mère dans le « développement psycho-affectif du bébé ». Une mère traumatisée, c'est un enfant traumatisé.

Repenser le devenir parent

Et l'accouchement et le post-partum en France ne seraient pas des sujets ? Les grèves des sages-femmes ne relèveraient que de revendications corporatistes ? Les moyens et la réflexion devraient être centrés sur d'autres problèmes, plus prioritaires ? Il faudra nous expliquer ce qu'il y a de plus important que la santé physique et mentale des générations actuelles et futures. Nous expliquer aussi cette volonté d'empêcher les femmes qui le souhaitent et qui le peuvent de redonner à la naissance son caractère familial, intime et privé. Nous expliquer, enfin, comment l'on est censé apprendre à devenir mère en dix semaines (et père en vingt-huit jours ! !) avant de reprendre ses activités, comme si tout n'avait pas été bouleversé. À l'heure où la baisse croissante de la natalité met en péril le principe de solidarité intergénérationnelle, et donc la survie même du modèle social français (Éducation nationale, Sécurité sociale, retraite…), il est urgent de repenser le devenir parent dans son ensemble. Pour le rendre, enfin, digne des droits de la femme, de l'enfant, de l'homme.

Les signataires (par ordre d'arrivée)

Anna Roy, sage-femme, à l'initiative de cette tribune et de #JeSuisMaltraitante, chroniqueuse à La Maison des maternelles, auteur du podcast Sage-Meuf.

Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, président de la commission d'experts des «  1 000 Premiers Jours  ».

Adrien Gantois, sage-femme, président du Collège national des sages-femmes de France.

Camille Dumortier-Clermont, présidente de l'Organisation nationale syndicale des sages-femmes.

Isabelle Derrendinger,présidente et pour Le Conseil national de l'ordre des sages-femmes.

Pr Olivier Picone, gynécologue-obstétricien, président de la Fédération française des centres de diagnostic prénatal.

Dr Thierry Harvey, gynécologue-obstétricien, chef de service à la maternité des Diaconesses (Paris 12e), président de l'association Solidarité Paris Maman.

Dr Mostafa El Hajjam, radiologue intervenant dans les hémorragies de la délivrance à l'hôpital Antoine-Béclère, à Clamart, et au CHI de Poissy – Saint-Germain-en-Laye.

Dr Arnault Pfersdorff, pédiatre, créateur de podcasts-pediatre.online.fr.

Laura Faucher, présidente de l'Association nationale des étudiant.e.s sages-femmes.

Jocelyne le Pivain, présidente de l'ONG internationale Make Mothers Matter.

Agathe Lecaron, présentatrice de La Maison des maternelles.

Clémentine Galley, créatrice du podcast Bliss Stories.

Illana Weizman, sociologue, à l'initiative de #MonPostPartum, autrice de Ceci est notre post-partum.

Isabelle Kœnig, vice-présidente de l'Association professionnelle de l'accouchement accompagné à domicile.

Chantal Birman, sage-femme, à l'affiche du documentaire À la vie.

Aude Pépin, réalisatrice du documentaire À la vie.

Clémentine Sarlat, fondatrice du podcast la Matrescence.

Alison Cavaille, fondatrice de Tajinebanane.

Clara Blocman, fondatrice d'Ysé Paris.

Adèle Bounine et Nathalie Fargeon, fondatrices d'émoi émoi.

Carole Juge-Llewellyn, fondatrice de Joone.

Antoine et Cecilia Creuzet, co-fondateurs de May.

Julienne Levy Cohen, fondatrice de Oh My Cream.

Chloé Fournier, fondatrice de Welkeys.

Caroline Briant et Claire Schults, co-fondatrices de Moodz.

Fleur Phelipeau, CEO de D-Lab.

Isabelle Rabier, fondatrice de Jolimoi.

Lara Rouyres, fondatrice de Levia.

Eve Simonet, réalisatrice du documentaire Post-partum.

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Commentaires (22)

  • bretecher

    Il faut arrêter avec ce sujet maltraitance

    j'ai été à la maternité publique et ai été bien traitée
    j ai souvent été opérée en clinique ou en hopital publique ; idem
    idem aussi pour ma mère qui a été des années en maison de retraite

  • Je veux des atomes

    La France est un paradis, peuplé de gens qui se croient en enfer !

  • Jihème

    Peut-être pourrait-on supprimer des postes de fonctionnaires pléthoriques et inutiles dans les ARS pour les reporter sur des postes de personnel médical bien plus nécessaires dans les maternités et les hôpitaux ?