Ermeline Vicaire, 50 ans, saisit sa petite mallette noire et expose ses précieux outils de travail quotidien : une épaisse plume d’oie blanche à la pointe taillée et tâchée de noir, une pelote de fil, et une fiole en verre teinté. « Cette encre végétale est composée de brou de noix et de sulfate de fer, explique-t-elle, debout, dans son atelier composé d’un simple plan incliné et d’une lampe de bureau articulée. Autrefois, les scribes, dont je suis la première en France, fabriquaient l’ensemble de leur matériel, jusqu’à la colle des parchemins, à base de peau de poisson. » Tout est casher, c’est-à-dire conforme aux prescriptions rituelles du judaïsme, bien sûr.
En juillet 2021, Ermeline Vicaire est devenue la première femme scribe française (soferet en hébreu) après l’obtention du certificat l’autorisant, chez les juifs libéraux, à calligraphier les parchemins glissés dans les mezouzas et les tefillin. Ces petits boîtiers, fixés, pour les premiers, à l’entrée des maisons juives ou, pour les seconds, sur le bras et le front des fidèles, contiennent les extraits calligraphiés de la Torah. Ces passages mentionnent l’obligation pour les fidèles de porter ces paroles sur leur cœur, à leur bras et entre leurs yeux, en signe d’attachement à l’étude des textes sacrés et à leur mise en pratique.
Au service de l’ensemble de la communauté juive libérale francophone, la scribe restaure aussi des parchemins de la Torah. Elle peut être amenée, un jour, à calligraphier un Sefer Torah entier, le livre le plus saint et le plus révéré du judaïsme, le Graal de la profession. « Le scribe transmet et donne accès au texte de la Torah dans ce qu’il y a de plus rituel, insiste-t-elle, assise dans son petit atelier à Paris, proche de la Bastille. Le rouleau de la Torah écrit par un scribe demeure le support de la lecture publique qui a lieu trois fois par semaine à la synagogue. »
Cette articulation entre l’étude des textes sacrés et leur application dans la vie quotidienne convient parfaitement à l’ancienne libraire, devenue sculptrice sur bois. Avec son anneau à l’oreille, ses cheveux courts et sa chemise à carreau, Ermeline Vicaire détaille son intérêt pour les boîtiers et le texte qu’elle calligraphie désormais. « Apposer une mezouza à ma porte est un commandement, reconnaît-elle. L’idée est que quel que soit l’endroit où je me trouve, chez moi ou à l’extérieur, il me faut respecter la morale donnée par la Torah. C’est pour cela que je dois la regarder à la fois lorsque je sors de chez moi et quand je rentre. »
Il vous reste 70.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.