Un patronyme d’héroïne de roman slave, un physique de poupée sexy... et un gros gun en bandoulière. En quelques heures, l’histoire de « la miss Ukraine qui va-t-en guerre », a fait le tour du monde. Pas un quotidien, pas un site d’infos qui n’affiche les photos avant-après Anastasiia Lenna, l’insta girl devenue soldate. Pourquoi une telle fascination collective ? Au départ, une jeune femme de 24 ans, née à Kyiv* et élue « Miss grand Ukraine » en 2015, au parcours exemplaire.

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Belle comme un cœur, diplômée en marketing et gestion de l’université Slavistik, elle parlerait cinq langues et aurait travaillé comme interprète en Turquie. Réseaux sociaux au cordeau, plus de 200 000 abonnés sur Instagram, et jusqu’à ces derniers jours, une avalanche de selfies cambrée, décolletée, toutes jambes dehors, sourire enjôleur, bras en l’air pour retenir le chignon qui croule, bref, un modèle du genre. À peine si l’on remarquait, noyés dans les clichés pris à Dubaï ou sur des plages du bout du monde, les quelques photos où la reine de beauté posait en treillis militaire. 

Loin du cliché « une jolie fille, ça dit de jolies choses »

Sauf que depuis, Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine, et Anastasiia ne s’est pas contentée de poster des messages patriotes et des appels à l’aide internationale. Soutien actif du président Volodymyr Zelinsky « un leader vrai et fort », elle a décidé de l’accompagner, pour de bon. Sa décision de participer aux combats a surpris tout le monde, même si on le sait, elle est loin d’être la seule fille de sa génération à refuser l’exil et à prendre les armes.

En voyant l’intérêt mondial que la jeune femme suscite, on peut se poser pas mal de questions. Et si elle n’avait été ni miss ni belle, l’aurait-on seulement remarquée ? L’étonnement que le combo glamour-guerre suscite interroge sur nos impensés archaïques ; une telle beauté n’aurait donc rien à faire sur un champ de bataille ?  Témoin les nombreux messages -d’hommes- en réponse au post, liké plus de 100 000 fois, où elle pose, fusil mitrailleur en travers du buste :  « C’est pour de vrai ou pour la photo ? » « Tu es vraiment partie à la guerre ou tu joues ? »

Histoire de mettre les choses au point, Anastasiia a publié ce message martial sur son compte Instagram : « Tous ceux qui franchissent la frontière ukrainienne avec l’intention d’envahir seront tués ! » », avant de l’effacer, semble-t-il et de poster un texte moins violent, mais qui dit clairement les choses : « Je ne fais pas de propagande, à part pour montrer les ukrainiennes telles qu’elles sont : fortes, sûres d’elles et puissantes. » Et l’on se dit que les voix des haters (russes, on imagine ?) qui déjà, s’élèvent pour reprocher à Mme Lenna de se faire de la pub, ont tort. L’ex Miss Ukraine ne cherche pas à donner une image glamour de la guerre, mais plutôt à dénoncer l’horreur, en mettant sa beauté au service de ce seul message : la place des femmes est partout où leurs convictions leur intime d’aller.

*Kyiv est le nom de la capitale selon la prononciation ukrainienne. Kiev, l’appellation aux origines russes, est largement décriée en Ukraine.