En France, en 2022, une grossesse sur quatre se termine au cours du premier trimestre. Un drame banal, qui survient chaque année dans la vie de 200 000 Françaises. Pourtant, la « fausse couche », ou plutôt « arrêt naturel de grossesse » reste encore aujourd’hui largement ignorée. Cette expérience, pourtant universelle, est tue car considérée comme du domaine de l’intime. Ce qui nuit non seulement à la prise en charge des femmes qui la subissent, mais entretient aussi le manque d’information sur ce sujet pourtant crucial.  

C’est pour en finir avec cette omerta qui entoure la fausse couche que des femmes ont décidé d’en parler librement. Dans une tribune publiée dimanche 27 mars dans « Le Monde », six d’entre elles (Judith Aquien, Fanny de Font-Réaulx, Mathilde Lemiesle, Sandra Lorenzo, Anna N’Diaye, Paloma Stefani), réunies dans le collectif « Fausse couche, vrai vécu », interpellent sur le « silence violent et insidieux » qui entoure cet événement et appellent à une prise en charge globale pour mieux les reconnaître.  

« Arrêt naturel de grossesse » plutôt que « fausse couche » 

Première doléance des autrices de la tribune : en finir avec l’expression « faire une fausse couche », qui « culpabilise et invisibilise », et parler plutôt « d’arrêt naturel de grossesse », « car c’est bien ce dont il s’agit et ce que nous vivons dans nos corps ». 

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Car peu importe le stade, une grossesse qui s’arrête est pour de nombreuses femmes un événement traumatique, « qui a des conséquences aussi bien physiques que psychologiques ». « Pour beaucoup, ce sont des contractions, des hémorragies pendant plusieurs jours, une solitude extrême, un silence total, une incompréhension, de la culpabilité, un sentiment de vide et de honte. Et même si toutes ne le vivent pas mal, il s’agit d’ un événement tout sauf anodin », écrit le collectif. 

Manque de considération du corps médical voire, dans certains cas, violence gynécologique et obstétricale, arrêt de travail qui précarise, absence de soutien psychologique… En plus de vivre une épreuve difficile, les femmes qui n’arrivent pas au terme de leur grossesse doivent aussi se démener comme elles peuvent avec le manque de moyens à leur disposition.  

Pour beaucoup, cela signifie aussi se heurter au manque de compréhension de leurs proches, qui, sous couvert de bienveillance, peuvent leur asséner de petites phrases qui font mal comme « Au moins tu sais que ça fonctionne ! », ou « Ce sera pour la prochaine fois ». 

Parfois même, cette absence d’empathie se mue en sentences culpabilisatrices : « Tu étais stressée », « Tu aurais dû te reposer », « Tu n’étais pas prête », « Qu’as-tu fait ? ! », « Tu le voulais vraiment ? » sont autant de phrases que citent les autrices de la tribune.   

Si aujourd’hui, personne ne sait réagir face à l’annonce d’une « fausse couche », ni les premières concernées, ni leur entourage, c’est parce que ce phénomène est encore « trop peu pris en charge au sein de notre société », pointe le collectif. Or, ce « manque d’information à l’échelle de la société plonge les individus dans une solitude immense et peut laisser la marque d’un traumatisme durable chez les femmes et leurs conjoints et conjointes ».  

Pour une meilleure prise en charge médicale et sociétale

C’est pour cela que les signataires plaident pour une meilleure prise en charge de l’arrêt naturel de grossesse et développent un certain nombre de mesures à l’intention du futur gouvernement. Parmi celles-ci, la mise en place d’une « campagne nationale d’information multimédia », la création d’une plate-forme d’écoute, ou encore « la mise en place de formations pour les sages-femmes et gynécologues-obstétriciens (…) afin de permettre une meilleure prise en charge médicale ».  

Les signataires réclament aussi une « augmentation du budget consacré aux hôpitaux pour permettre une meilleure prise en charge des arrêts naturels de grossesse, première cause de consultation aux urgences gynécologiques » et offrir « la possibilité d’un suivi psychologique remboursé pour les femmes qui vivent un arrêt naturel de grossesse (…) afin de les aider à traverser cet événement et à envisager sereinement une future grossesse ».  

Enfin, elles proposent un volet sensibilisation en réclamant l’intégration d’un volet dédié aux arrêts naturels de grossesse aux programmes de SVT, ainsi que « la mise à disposition d’un livret » d’information dans les centres de santé.